Amorce d'une réflexion distanciée

Le modèle du bigbang permet aux astrophysiciens d’approcher l’instant supposé originel d’une infinitésimale fraction de seconde, sans pour autant pouvoir l’atteindre. Dans un même temps, d’autres hommes délaissant cette voie se réfèrent à un « grand architecte ». Comment concilier ces positions transverses ou simplement les aborder sans préjuger ?

Faut-il se satisfaire d’une définition insensible de l’univers et le traduire en quelque équation, faut-il admettre la possibilité d’une intervention divine ou l’existence d’une intelligence supérieure ?

Dans les différentes phases de ma découverte de l'astronomie, j’ai évité de m’attarder sur ces considérations, tant les éléments dont je disposais me semblaient suffire pour me déterminer sans ambiguïté en faveur d’une conception exclusivement physique de l’univers. La curiosité m’a pourtant incité à essayer de contempler autrement le tableau. A cette occasion, j’ai découvert qu’une majorité parmi ceux qui rejettent à priori les voies de la science, n’envisage aucunement l’idée de reconsidérer cette attitude, comme si la démarche eut, en soit, été condamnable.

Interpellé par ce constat, j’eus le sentiment d’être confronté à des postures semblant dissimuler ce que j’ai réduit à priori, à une angoisse de la confrontation au néant, tout en mesurant l’arbitraire de mon jugement. A mes yeux, cette angoisse offrait une porte béante sur l’esprit, autorisant ainsi l’enracinement de croyances et, par là même, neutralisant toute possibilité d’interrogation par anéantissement du doute, en tant qu’élément susceptible d’induire une réappropriation individuelle de la pensée. Sous un autre aspect, elle jouait aussi le rôle d’un butoir, d’autant plus infranchissable que l’esprit concerné ne disposait d’aucune alternative pour s’y soustraire.

Je vis en ce schéma une affection insidieuse, propre à altérer la réflexion et à faciliter d’autant une manipulation des esprits. J’eus alors le sentiment de m’être fourvoyé en croyant à l’innéité de la faculté de comprendre, avant d’avoir moi-même perçu ce besoin comme une quête inaccessible. J’en conclus que mon ressenti n’était que la conséquence d’un héritage sur les racines duquel j’allais devoir m’interroger. L’exploration scientifique de l’univers se limite pourtant à des dimensions évaluables, si ce n’est mesurables, et elle conduit à l’élaboration de multiples hypothèses sur tout événement qui à put, qui peut, ou qui pourrait s’y produire. A ce titre, nul ne saurait afficher de certitude quant à la nécessité ou à la cause de tels événements. Devant la complexité de cette approche, le scientifique qui cherche un modèle organisationnel sans y inclure l’hypothèse de l’intervention d’un grand architecte, fait émerger ce que l'astronome J.W.Drapper qualifiait de « Conflit entre la science et la religion » 1.

Serait-ce une gageure que d’espérer évoluer sur une voie médiane, bordée, d’une part, par l’incapacité de l’esprit des uns à dépasser les limites de leur propre raison et, d’autre part, par le refus des autres à user de cette même raison, là où seul le divin semble les éclairer. Comment progresser alors, dans la mesure où nos intelligences respectives restent enfermées dans ces représentations, probablement inappropriées, relativement aux dimensions de l’espace sidéral ?

Celui qui ressent le besoin d’explorer ces horizons doit-il souscrire à l’idée d’un infini qui bornerait les équations d’un modèle, ou doit-il se confronter à celle du croyant à qui ils révèlent la toute puissance d’un créateur ?

Le fait même d’avoir recours à une entité créatrice n’est-il pas, lui aussi, une forme d’équation de l’esprit ?

Avant d’aborder ma réflexion, je me dois de mentionner Auguste Comte qui, à travers son Traité philosophique d’astronomie populaire m’a fait entrapercevoir toute la difficulté qu’il y avait à approcher de telles questions. Il est, en effet des textes qui nous parlent au point que leur lecture nous fasse considérer le temps perdu avant d’avoir pu lever le voile qui nous les dissimulait.

J’ai vécu cette expérience à de multiples reprises et d’autant plus intensément qu’elle me ramenait à ma propre ignorance. En effet, à recevoir des écrits comme des révélations, je ne peux que me reprocher de n’avoir su explorer seul les directions, conséquemment si évidentes, qu’ils pointent ; tout en balisant par ailleurs mes modestes limites.

Au risque d’être excessif, je me suis surpris à établir une analogie entre l’intensité avec laquelle ces textes ont marqué mon esprit et les élans mystiques qui submergent les témoins d’apparitions. De même que de tels événements alimentent la symbolique religieuse, cette analogie me permet de mettre en exergue l’influence qu’un texte peut exercer sur la pensée. J’imagine alors un possible lien de causalité qui, inévitablement, laisse apparaitre un risque restrictif susceptible d’obstruer mon champ prospectif. En d’autres termes, un tel vécu assimilable à un apprentissage pourrait fort bien, à contrario, infléchir, voire verrouiller, le libre cours de ma pensée. A cette occasion remonte en moi le souvenir de la "nuit de la conversion" où Blaise Pascal (23 novembre 1654) , subitement empreint d’un mysticisme extatique, paraphrase Saint Mathieu dont l’évangile scelle ce point de fracture qui m’interpella, précisément lorsque je découvris les principes du positivisme d’Auguste Comte.

Pour autant, dussé-je forcément m’assimiler à ces humbles ou simples que transcende leur rencontre avec le divin ? La réponse négative me semble évidente en raison d’un élément manquant qui m’interdit cette trop hâtive similitude. Il aurait, en effet, été simple de croire, afin de mesurer l’étendue du témoignage de Mathieu qui dissocie foi et raison, évoquant Jésus qui remercie son père de n’avoir ouvert l’accès au « mystères de son royaume » qu’aux seuls « petits » en excluant « les sages » (au sens de philosophes) et les « habiles » ou « savants » (au sens de scientifiques). Mathieu 11, 25-30 : «Je te bénis Père Seigneur du Ciel et de la Terre, d’avoir caché cela aux sages et aux habiles et de l’avoir révélé aux touts petits ». J’ai pris alors conscience d’une confusion qui m’avait longtemps fait assimiler le fait de croire à de la crédulité. Ma propre raison deviendrait-elle, dans ce cas, l’écueil sur lequel elle prendrait le risque de se briser ?

Blaise Pascal, qui pourtant était à la fois sage et habile, ne fut-il pas confronté au divin dont il ne put définir autrement l’intensité que par le terme de "feu", écrivant dans son Mémorial : «Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob, non des philosophes et des savants…» et ne retrouvant la paix que dans la certitude du croyant : « Certitude, sentiment, joie, paix. Dieu de Jésus-Christ... Oubli du monde et de tout, hormis Dieu...», en balayant par ces mots l’idée même du doute susceptible de hanter tant l’homme de raison que l’homme de science pour y substituer la foi.

La lecture d’Auguste Comte, m’apparut donc initialement située aux antipodes de ce mysticisme pascalien, cependant, après réflexion, j’eus l’impression qu’elle pouvait aussi en être une image inversée, à la manière de celle que l’on peut voir dans un miroir. Ce nouvel éclairage me conforta dans la nécessité d’aborder mon périple sans me laisser happer par ce type d‘expérience qui enferme l’esprit dans une imagerie restrictive et stoppe bon nombre d’entre nous dans nos quêtes respectives.

Je tâchais alors de me convaincre que la voie médiane que j’évoque, demeure plus que jamais le chemin qu’il conviendrait d’emprunter.

Pour revenir à l’œuvre d’Auguste Comte et, plus précisément, à son Traité philosophique d’astronomie populaire, je ne pouvais faire l’économie, pour étayer mon propos à venir, de quelques commentaires sur le discours préliminaire qui introduit son ouvrage. Avant tout, il est utile de rappeler que depuis les grecs anciens, l’homme a cherché dans l’Univers des traces de l’existence de Dieu (rappelons-nous le démiurge de Platon) sans remettre nullement en cause son existence même. C’est ainsi que les observations dites scientifiques ont, en partie, trouvé leurs premières justifications. Mais comment mettre en relation les textes sacrés révélés ou inspirés par une entité suprême avec les résultats souvent contradictoires que firent apparaître ces observations ?

Comment, par exemple, soutenir l’idée que le Soleil tourne autour de la Terre, alors que l’observation conduit au constat inverse. Cette seule acceptation rend le divin tributaire de la science tout en le dépossédant d’une partie de son contenu avec, de surcroît, l’effet aggravant d’affaiblir globalement sa crédibilité. L’église, n’eut d’autre choix que de réduire ses contradicteurs au silence durant de longs siècles, avant de se résoudre à revoir ses positions dogmatiques. On mesure toute l’importance des enjeux et le terme de « conflit », souvent utilisé pour opposer la science et la religion, prend ici toute sa signification, car outre ce conflit susceptible d’opposer l’une à l’autre, un conflit interne à chacune d’elle apparaît, notamment en relation avec l’objet de l’une et la finalité de l’autre. Le célèbre marquis Pierre Simon de Laplace, auteur de Exposition du système du Monde , à qui Napoléon Bonaparte fit cette remarque «Votre travail est excellent mais il n'y a pas de trace de Dieu dans votre ouvrage » ne répondit-il pas : «Sire, je n'ai pas eu besoin de cette hypothèse ».

Conséquence tragique pour certain, voire inacceptable, où l’existence même de Dieu est réduite à la condition d’otage d’un outil scientifique à travers lequel s’ébranle la conception et l’équilibre de tout un monde. L’œuvre d’Auguste Comte se situe au cœur de cette problématique. Conscient que depuis deux à trois siècles le système des conceptions astronomiques devenait mentalement et même socialement essentiel, il va tenter d’établir une philosophie qui réponde à cette nécessité.

Comte considère à ce propos un ouvrage fondateur : Entretiens sur la pluralité des mondes de Fontenelle (que je présente dans un article de ce même menu), qu’il met en vis à vis de Exposition du système du Monde de Laplace en ces termes: «Quoique que le premier ouvrage soit assurément trop peu scientifique, et d’ailleurs gravement altéré par des hypothèses purement transitoires, il a, néanmoins admirablement rempli le but principal que l’auteur s’y proposait, et qui devait alors consister bien plus à développer qu’à satisfaire le goût naissant pour tous les bons esprits pour l’ensemble des saines spéculations célestes…» puis, il poursuit: «Ce petit écrit, qui n’est frivole qu’en apparence a produit sur la raison publique une impression aussi durable qu’étendue qui opposé à l’influence limitée et passagère de la savante et soigneuse composition de Laplace, est bien propre à caractériser la haute supériorité didactique du véritable esprit philosophique sur l’esprit scientifique proprement dit.» Revenant ensuite sur le premier objet de la pensée de l’homme, qu’il considère comme « nécessairement théologique », Comte aborde l’état de notre intelligence dans sa situation première. Il remonte à une époque où l’esprit se situe bien loin des préoccupations scientifiques les plus élémentaires qui soient, avec pour effet une sorte de libération de ce dernier qui, par contraste avec la situation de dépendance qui nous lie aujourd’hui à la science, permet à «la vraie situation initiale de notre intelligence » de se poser naturellement les questions sur « l’origine de toute chose, les causes essentielles, soit premières , soit finales, des divers phénomènes qui le frappent et leur mode fondamental de production, en un mot, les connaissances absolues ».

Comte fait état de la tendance de notre espèce à transposer partout le type humain qui assimile tous les phénomènes de quelque nature qu’ils soient à «ceux que nous produisons nous même et qui à ce titre commencent à nous sembler assez connus…». Il nous invite à ne pas nous arrêter à l’analyse du comportement de l’homme à travers ce que nous en connaissons, au regard de ce qu’il est devenu aujourd’hui, mais bien à nous situer au-delà, dans une approche philosophique de «sa marche naturelle» pour laquelle il identifie trois stades distincts :

  • Le premier, qu’il nomme «fétichisme », caractérise, selon lui, l’identité la plus prononcée et la plus immédiate. Il y distingue notre propension à attribuer à tous les corps extérieurs une vie similaire à la nôtre mais dotée de plus d’énergie de par leurs actions «ordinairement plus puissantes ». Il considère cette phase initiale qu’il qualifie de théologique comme située immédiatement après l’état mental où s’arrêtent les animaux supérieurs et dont le degré le plus abouti se traduit dans « l’adoration des astres ». Il ajoute à ce propos : «quoique cette première forme de la philosophie théologique se retrouve avec évidence dans l’histoire intellectuelle de toutes nos sociétés, elle ne domine plus directement aujourd’hui que chez la moins nombreuse des trois grandes races qui composent notre espèce ». En 1844, on définit encore les races par les couleurs de peau, respectivement, blanche, jaune et noire.
  • Comte nomme le second stade «polythéisme » tout en déplorant la confusion que font certains de ses contemporains avec l’état précédent. Pour bien dissocier les deux, il précise que l’esprit théologique que traduit son polythéisme, s’appuie sur la libre prépondérance spéculative de l’imagination, alors que le fétichisme caractérisé par l’instinct et le sentiment ne prévaut que dans les théories humaines. Le fétichisme est ainsi dépossédé de son objet car l’idée même de la vie est «retirée aux objets matériels pour être mystérieusement transportée à divers êtres fictifs ». Il définit ces derniers comme invisibles et dont l’intervention continue est source de tous les phénomènes, qu’ils soient matériels ou humains. Comte considère ce stade comme le plus élaboré possible de l’esprit théologique. Il rajoute : «la majorité de notre espèce n’est point encore sortie d’un tel état, qui persiste aujourd’hui chez la plus nombreuse des trois races humaines, outre l’élite de la race noire et la partie la moins avancée de la race blanche ». (Il convient de situer ce propos dans son contexte historique. En effet, au milieu du XIXème siècle l’emprise de la religion est encore importante dans nos sociétés ce qui confère à l’analyse sociologique de Comte une réelle pertinence).
  • Le troisième et dernier stade théologique, le «monothéisme », accompagne le déclin de la philosophie initiale qui a exercé durant des siècles une influence majeure. Quoique plus apparente que réelle, elle eut à subir la constante érosion du temps qui conduisit l’imagination à être supplantée par la raison en ce qu’elle assujettie les phénomènes naturels à des lois invariables.

Comte constate que cohabitent à son époque les deux stades assurément inconciliables et, force est de constater qu’aujourd’hui cette situation, bien qu’ayant évoluée, montre que le stade intermédiaire n’est pas encore dépassé et que perdure une imbrication de ces deux états. Un retour sur le passé, montre que même à une époque où l’esprit philosophique prévalait envers les phénomènes élémentaires, comme par exemple celui de la «théorie élémentaire du choc » (sensée donner lieu à tout mouvement dans l’univers), il était encore des philosophes (Malebranche) qui, dans la continuité de Descartes, soutenaient l’idée d’une intervention «directe et permanente d’une action surnaturelle », dès lors que l’on tentait de remonter à la cause première d’un événement donné.

A l’issue d’un développement sur la longue succession d’étapes conduisant à l’émancipation de l’intelligence, Comte nomme l’état abouti «positivité rationnelle ». Ainsi après avoir rejeté «l’inanité radicale des explications vagues et arbitraires » l’esprit de l’homme renoncera à une recherche « absolue » pour privilégier celui de l’observation, seule base envisageable quant à l’accessibilité de connaissances susceptible de répondre à des besoins réels.

Cette dernière étape marque un coup d’arrêt à la logique spéculative qui, on le constate, s’appuyait sur des principes souvent confus que n’étayait aucune preuve suffisante (relire "l’exemple de démonstration" de Descartes et de ses "tourbillons" que j'évoque dans l'article qui lui est consacré). Cependant, compte-tenu que « l’exploration directe des phénomènes accomplis » ne saurait être suffisante pour nous permettre d’en modifier l’accomplissement, le véritable «esprit positif » cherche avant tout à voir, dans le but de prévoir et à étudier ce qui est, afin d’en déduire ce qui sera, en s’appuyant sur les lois naturelles invariables.

Après cette réflexion qui permet de souligner une, parmi les multiples manières d’appréhender l'approche d'un sujet aussi vaste que l’astronomie, il devient inévitable de l’élargir à la cosmologie, dès lors que l’astronomie atteint aujourd’hui une maturité qui ne permet plus guère de conjectures, tant elle est bordée par ce «monothéisme » identifié par Comte.

La question que l’on pourrait alors se poser et qui, elle aussi, ressemble à un puits sans fond, est bien celle d’envisager nos actuels modèles cosmologiques, comme de nouvelles réminiscences de nos croyances les plus intimes qui, apparaissant sous des aspects inhabituels pour nos modes de pensée, seraient à priori légitimées par l’attrait du jamais vu. On devra garder à l’esprit que les sciences ne se libèrent pas facilement des croyances, en ce que l’on peut croire au progrès de ces dernières tout comme Malebranche croyait en un bras divin animant la grande mécanique céleste.

Il est donc ambitieux de vouloir circonscrire un domaine aussi vaste que l’astronomie (au sens le plus large du terme), à fortiori si l’on envisage de remonter à ses premières sources écrites et de cheminer jusqu’aux hypothèses qu’elle nous propose aujourd’hui, en réponse à l’interrogation d’un homme d’église du siècle précédent et non moins scientifique2 : «D’où venons-nous ? Qui sommes-nous ? Où sommes-nous ? Où allons-nous ? ».

Très vite, il m’a semblé impossible d’aborder un tel parcours sans poser quelque-uns des principes fondateurs de notre pensée en la matière. Je n’envisagerai pas, pour autant, la période protohistorique, bien qu’il soit plus que probable qu’elle marque, à sa manière, le point de départ de ce que l’histoire nous laisse comme premières traces d’une pensée raisonnée. J’ai déjà eu l’occasion de mentionner que la philosophie ou plus exactement la «Philosophie naturelle » englobait, entre autres, depuis ses débuts et jusqu’à l’approche du siècle des Lumières, la totalité des disciplines que nous qualifions aujourd’hui de scientifiques et ce, avant que l’autre partie de cette philosophie originelle ne se scinde à son tour en disciplines distinctes qui s’approprient des domaines spécifiques de notre pensée et des connaissances qui la sous-tendent.

Dès le VIIème et VIème siècle avant notre ère, Thalès, fondateur de l’école de Millet avait, avec ses élèves ou disciples, posé les bases d’une cosmologie dont les principes reposaient sur les quatre éléments, Terre, Eau, Air et Feu. Ces derniers marquaient l’amorce d’une distanciation avec la mythologie qui jusqu’alors prévalait. Dès la fin du VIème siècle av. J.-C., l’idée de l’Univers s’étoffe encore et s’enrichit à travers l’école pythagoricienne qui introduit une approche plus physique du monde. Pour autant, les philosophes de cette période dite présocratique (Socrate : 470-399 av. J.-C.) ne peuvent être perçus comme des scientifiques, tant la notion de rationalité n’a pas encore pris suffisamment corps dans leur démarche. Cependant, ils s’éloignent de cette mythologie composée d’un amalgame de théologie et de récits poétiques, pour faire prévaloir un langage et des concepts empreints de davantage de rigueur.

Il ne nous est parvenu que peu d’éléments pour nous permettre de bien cerner les différents courants de pensée des présocratiques en matière de cosmologie, si ce n’est précisément que les critiques qu’en firent ultérieurement Platon et Aristote. En effet, les objections que ces derniers ne manquèrent pas de soulever, quant aux conclusions de leurs prédécesseurs, les conduisirent à en commenter les principes et, par ce fait, à nous en livrer une connaissance plus approfondie, bien que partielle. Dans des articles à venir, je serai donc conduit à évoquer «Timée » de Platon et le «Traité du ciel » d’Aristote en tant que premiers textes dont nous soyons sûr de la provenance. «Timée » apparaît fortement imprégné de mythologie et le démiurge qui y opère est souvent affublé d’une personnalité bien plus proche de celle d’un homme que de celle que l’on pourrait attribuer à une entité suprême. Le «Traité du Ciel », quant à lui, marque une évolution, confirmant que ces ouvrages du maître et de l’élève furent parmi les tout premiers à poser la question de la connaissance scientifique et à proposer de surcroît l’usage de l’outil mathématique. (à suivre...)

 

1:J.W.Draper-"Les conflits de la science et la religion" libr. Germer Baillère-Paris 1882. / lire aussi : André Giret- "l'Astronomie et le sentiment religieux" Paillard-1964 / Nicolas Wiseman- "Discours sur les rapports entre la science et la religion révélée" A.Royer-1843.

2: Abbé Théodore. Moreux (directeur de l'observatoire de Bourges) "oeuvres" impr. Paul Ferron-Vrau - 5 rue Bayard - Paris 1909