Père Angelo Secchi - Les étoiles

"Les étoiles" deux tomes édités en 1879 à Paris chez Germer Baillière et Cie - (issu de ma collection)

Je ne reviendrai pas sur la biographie du père Secchi qui fut l’un des personnages incontournables de l’astronomie à la fin du XIXème siècle.Son ouvrage Les Etoiles, essai d’astronomie sidérale présente, entre autre, son travail sur la spectroscopie stellaire, dont il fut l’initiateur. Cet ouvrage lance  également un pont entre l’astronomie traditionnelle fondée l’observation et une nouvelle forme d’astronomie que nous appelons de nos jours astrophysique. Secchi ouvrit une ère nouvelle dans laquelle évoluent toujours nos actuels chercheurs

Le père Secchi montre ici, à juste titre, que la détermination de la couleur des étoiles est tributaire des écarts de perceptions relatifs aux caractéristiques intrinsèques de la vision de chaque observateur. Son approche novatrice consista initialement à utiliser un mode opératoire complémentaire qui proposait d’observer les couleurs des étoiles après leur passage à travers un prisme. Il décomposait la couleur des étoiles pour faire apparaitre leurs composantes chromatiques. Cette démarche se rapprochait de l’analyse scientifique, dans laquelle les aléas liés à l’interprétation sensible n’avaient plus leur place. Par la suite Secchi fera encore évoluer sa démarche, ainsi il écrira: « nous avons abandonné cette manière de faire parce que le spectroscope nous a enseigné à bien mieux préciser la nature des couleurs… »

Secchi ne fut pas le premier à exploiter l’analyse des étoiles à partir de leur spectre. En revanche, on lui doit leur première classification spectrale. Cherchant en effet à savoir si la composition chimique des étoiles était aussi variée que leur nombre (les différences de colorations évoqués page précédente étant probablement un des facteurs qui l’incita à utiliser cette technique), Secchi parvint à analyser prés de quatre mille étoiles  et à les classer en quatre types distincts. Le premier type regroupait les étoiles blanches ou bleues, le second type était réservé aux étoiles de couleur jaune, les étoiles orangées ou rouges faisaient partie du troisième type et enfin le quatrième type renfermait des étoiles « bizarres et variées » selon les propres termes de Secchi. Cette première classification devint l’ossature du classement utilisé aujourd’hui, dans lequel les étoiles sont organisées en fonction d’un ordre de températures décroissantes.

De haut en bas, Le «type 2 » est celui des étoiles de même type que le Soleil et dont Secchi nous dit qu’il comprend un très grand nombre d’étoiles. A niveau de ses caractéristiques il commente : « La finesse des raies exige que l’air soit très-pur et tranquille pour qu’on puisse les voir distinctement ». Il note également que, pour les avoir examinées à différentes époques, beaucoup d’étoiles variables de cette famille passent du 2ème au 3ème type, sans toutefois pouvoir fournir une explication à ces changements. Le « type 1 » possède un spectre continu, marqué des quatre raies noires de l’hydrogène. Le « type3 d’Orion » est ici le spectre de Betelgeuse (alpha orionis), le « type 3 » d’Hercule est celui de Ras Algethi (alpha orionis, une étoile double) toutes deux des géantes rouges au sujets desquelles Secchi précise: « Ces spectres doivent être considérés comme réellement formés de deux autres superposés… l’hydrogène existe dans ces étoiles mais il est  difficile de le voir, parce qu’il est en partie renversé, c’est-à-dire qu’il est lumineux… »

A propos du « type 4 » Secchi écrit: « très bizarre et varié… il comprend des étoiles très curieuses ». La spectrographie n’avait pas encore révélé ses secrets qu’elle ouvrait déjà de nombreuses perspectives. En effet, comme on le constate sur les graphiques ci-contre, l’analyse de l’intensité lumineuse des différentes parties du spectre donnait également matière à différentier les étoiles et d’autres sources lumineuses, comme les comètes ou les nébuleuses caractérisées par leurs spectre en émission. Secchi, convaincu de l’apport essentiel de la spectrographie, conclut: « L’étude des spectres nous a montré des diversités très intéressantes dans les étoiles variables et qui peuvent nous donner la clef de phénomènes sur lesquels on a fait tant de conjectures… »

Secchi commente les résultats de l’analyse spectrale de différentes zones solaires. Il revendique la découverte d’une fine « couche » bordant le Soleil, dont les caractéristiques spectrographiques diffèrent avec celle du disque lui-même et de sa périphérie. Cette couche, pas encore nommée, était en réalité la photosphère qui est la couche de gaz formant la partie visible du Soleil. C’est de cette zone que provient l’essentiel des raies en émission, les raies en absorption apparaissant lorsque les photons qui s’échappent de la photosphères sont stoppés par la présence d’atomes dans la chromosphère, située au dessus. Outre la présence des substances identifiables par comparaison, on notera donc que la spectrographie révéla également l’existence de substances alors inconnues sur la Terre. C’est l’exemple de l’hélium (He), ainsi nommé en référence au grec « hélios » signifiant Soleil et découvert à l’occasion d’une éclipse le 18 aout 1868 par Jules Janssen et J. Norman Lockyer.

La résolution des nébuleuses en amas stellaire fit faire un prodigieux bond en avant à notre conception de l’univers, tant par ses dimensions que par sa structure. A travers ces figures on peut découvrir quelques unes de ces formations que Herschel nomma « open cluster » ou « globular cluster » . L’existence de ces amas ouverts ou globulaires donna lieu à de multiples conjecture. Secchi émit ses propres réflexions: En premier lieu il envisageait que la disposition « en rayon » des étoiles composant les amas résultait de leur appartenance à une même masse originelle qui, en se condensant, se serait solidifiée en astres distincts. Puis, il évoquait la différence de densité apparente des ces astres comme résultant des différences de distance. Enfin, si les spectres continus des parties centrale de ces formations faisaient penser qu’elle n’étaient pas gazeuses, il n’excluait pas la présence d’une « partie aériforme » qui serait simplement à une température trop basse pour pouvoir émettre de la lumière.

Les nébuleuses n’en finissaient pas d’interpeller les astronomes, qui s’interrogeaient pour savoir si toutes s étaient des amas d’étoiles ou si certaines étaient des masses gazeuses impossibles à résoudre, d’autant qu’en dépit de leur grande variété, leur spectres montraient des caractéristiques communes. L’hydrogène, composante commune de ces spectre semblait pourtant se détacher. On sait aujourd’hui que l’hydrogène constitue effectivement les trois quart de la masse de l’univers et plus de 90% si on considère le nombre d’atome qui le compose. Les figures ci-dessus donnent un idée de la variété des forme et des agencement de ces amas.

Un autre problématique pour les astronomes était de « compter » les étoiles. Secchi en donne d’ailleurs une définition originale: « Les étoiles passent pour innombrables, et sont jusqu’ici le symbole le plus expressif des objets n’ayant pas de nombre qui les définissent… » Les plus grands astronomes du XIXème siècle s’y sont essayé pour finalement admettre que seule une évaluation de leur nombre restait à leur portée. Cet extrait décrit la méthode de comptage qu’utilisa Herschell que nous pourrions de nos jour qualifier de comptage statistique. Cependant, bien que des contemporains de Secchi, comme Argelander, Bessell ou des astronomes du Harvard Collège aient procédé de la sorte, l’auteur conclue: «Ces chiffres ne permettent pas de déterminer facilement les dimensions de l’espace où tant de corps sont répandus… pour y arriver il sera bon de connaitre d’abord les dimensions de notre système. »

Je reprend l’intégralité de la conclusion de cet ouvrage qui outre de faire un état de lieux des connaissances, montre que cette transition que j’évoque au début de mon commentaire, à propos des mesures physiques, se traduit par l’établissement des fondements de l’astrophysique. En vingt six points Secchi synthétise l’essentiel de ce qu’il a pu tirer de ses travaux.

1°: Chaque étoiles est un système à lui seul.
2°: Chaque système répond aux lois de la gravitation.
3°: Certains systèmes peuvent être des compositions d’autres systèmes.
4°: Aucune loi connu ne permet de justifier les structures de ces compositions.
5°: La forme de la voie lactée reste un mystère*. 6°: Le Soleil appartient à un de ces systèmes d’étoiles.
7°: Outre les amas stellaires, il existe des amas très étendus constitués principalement de gaz.
8°: Aucun mouvement propre  ne caractérise les masses nébuleuses.
9° En dehors de certains éléments relatif à leur répartition dans le ciel, on ne connait pas les dimensions réelles de étoiles.
10°: Les étoiles les plus proches sont situées à 3,3 al et la taille de notre système tout entier est négligeable par rapport à celle d’une nébuleuse.

11°: Les plus lointains des astres visibles avec un télescope se situent à 10,000 al (le télescope spatial actuel  permet de voir des formations distantes de plusieurs milliards d’al ).
12°: Il est impossible de connaitre la profondeur du ciel, bien qu’il soit impossible aussi d’affirmer qu’il est infini, le changement des unités de mesure ne fait que relativiser nos propres dimensions. Tout en dehors de ces limites ne peut être que le fruit de notre imagination.
13°: Ce sont les mêmes matériaux, régis par les mêmes lois, qui composent la totalité de l’univers.
14°: La vie existe ailleurs dans l’univers selon que des astres  passent par un stade équivalent au notre durant leur évolution.
15° Par analogie avec les différentes formes de vie ayant habité notre planète, on peut supposer que d’autres planètes puissent être habitées par des formes de vie toutes aussi différentes. (Il est surprenant de voir ici l’astronome attitré du Vatican tenir de tels propos, il s’en expliquera dans le point suivant).

16°: La vie ne se réduit pas à la forme que nous lui connaissons. D’autres conditions physiques et chimiques peuvent être propices au développement de vies différentes. La multitude des étoiles existe pour qu’e ces dernières soient en mesure d’engendrer des conditions favorables à l’apparition et au développement de la vie, il dépend de « l’architecte » de la faire apparaitre.
17°: La vie est partout dans l’univers. L’homme ne représente qu’une étape de l’évolution de la vie. Autant il existe des formes de vie inférieures à la sienne, autant l’homme doit avoir conscience qu’il peut aussi en exister de bien supérieures.
18° L’astronome doit s’adonner à l’étude physique de l’univers en sachant que son échelle temporelle est tout aussi relative que celle de ses dimensions.
19°: Dans l’univers, aucune situation existant à un moment donné n’est immuable, sans quoi il n’existerai plus aucun mouvement et l’univers serait statique.
20°: Les comètes sont des objets extérieurs qui traversent notre système, leur luminosité provient de la réflexion de la lumière solaire et de la phosphorescence qui apparait lorsque cette même lumière solaire excite certains de ses matériaux constitutifs comme le carbone.

21°: La chaleur est à la force qui anime l’univers, elle est elle-même un mouvement. Les échanges d’énergies se font à travers des vibrations évoluant dans milieu continu nommé éther qui relie entre eux tous les corps de l’espace. Ainsi ces vibrations se manifestent par la chaleur, la lumière ou l’activité chimique. Ce sont les différences de densités de ces formes d’énergies inégalement réparties dans l’univers qui sont à l’origine des forces gravitationnelles, électriques et électromagnétiques.
22°: La gravitation s’exerce sur la totalité de la création, bien qu’il existe d’autre forces d’origine encore inconnue.
23°: les cycles du Soleil et leur incidence sur le magnétisme terrestre témoigne de l’existence d’une force elle aussi inconnue.
24°: On est loin d’avoir atteint les limites de ce que la recherche peut nous apprendre.
25°: Le monde connu se limite à celui la vitesse de la lumière nous laisse percevoir.
26°: Les limites de la science sont assujetties à celle de l’instrumentation, pour révéler la grandeur de l’œuvre divine.