Mélange d'astronomie (an VI) 1796

"Mélanges d'astronomie" publié à Paris en 1795 (an IV de la république) chez Duprat - (issu de ma collection)

Ne parvenant pas à trouver une mention de ce Mélange d’astronomie, mis à la vente par un libraire de Leipzig, je demandais à ce dernier de m’en faire parvenir quelques images qui me permirent de parcourir la table des matières et me décidèrent à l’acquérir. Le fait que la première page soit numéroté 235 , indiquait que cet ouvrage devait comporter une première partie.

Je poursuivis donc mon enquête sur ce supposé premier volume, pour aboutir sur la Bibliographie astronomique de Jérôme De la Lande, qui dressait une liste des ouvrages d’astronomie (depuis les premiers manuscrits connus). J’y trouvais une référence (ci-contre) à Connaissance des temps, publication annuelle du Bureau des Longitudes (organisme de tutelle de l’observatoire de Paris) qui répondit enfin à mes interrogations.

Durant la période qui suivit la révolution de 1789, Lalande sut gérer son parcours en restant à l’abri des excès du pouvoir. Ainsi le trouvons nous ici rédacteur de La connaissance des temps, succédant pour cette charge à Jean Dominique Maraldi. Sur le plan historique, on  notera le préfixe « C. » devant chaque noms propre. Il signifie le «citoyen » que chaque français se devait d’utiliser pour nommer ses compatriotes. Dans cet ouvrage Lalande établit, sous le titre « Histoire de L’astronomie» une chronique détaillée des faits marquants de l’astronomie pour les années révolutionnaire IV et V (1796 et 1797). Je ne peux malheureusement en présenter ici tout le contenu, bien qu’il soit particulièrement instructif, dans le sens où il fait référence  au quotidien des astronomes. Cependant , dans les pages suivantes, je propose deux extraits significatifs pour l’année 1797.

Dans ce passage est cité le « Puy Violan », un lieu du Cantal que je connais très bien pour l’avoir arpenté à de multiples reprises. Lalande y fait référence à un courrier qu’il reçut de Delambre, alors affairé tout comme Méchain à la mesure par triangulation d’une portion de la méridienne. Delambre évoque les difficultés qu’il rencontre à proximité de Salers et donne des indications quand au régime qu’il subit pour conduire sa mission. Lalande mentionne ensuite la publications de tables trigonométriques de précision, devenues indispensables aux calculs de astronomes. Il cite enfin son neveu, qui prolongea son propre travail de description des étoiles. Il envisage d’atteindre le chiffre de 50.000 étoiles répertoriées à l’issue de l’année 1798. On pourra remarquer qu’en 1801, Lalande publiera effectivement ce répertoire sous le nom de Histoire céleste française. A ce propos, Lalande nous donne une autre indication, je le cite: «Le ministre de la Guerre, le C. Scherer, a écrit au commandant de l’école-militaire pour que l’observatoire et les astronomes ne fussent point contrariés par les opérations du service militaire». Il faut savoir que les tables astronomiques étaient de première importance pour la marine, dont la suprématie en dépendait, ce qui conduisait le pouvoir en place à octroyer de tels passe-droits.

Cet extrait souligne l’intérêt que portaient les dirigeants pour l’astronomie. On y trouve le général Bonaparte (futur Napoléon Ier) qui, en pleine campagne militaire, défend la cause scientifique. En décembre 1797, il fut lui-même élu membre de l’Institut (Académie des Sciences) et assista aux séances chaque fois qu’il le pouvait, jusqu’en 1802. Il fit y même quelques interventions notamment au sujet d’une «voiture mue par la vapeur de l’eau» que Cugnot avait mis au point quelques années auparavant, ou encore pour rendre compte des études préparatoires du projet de percement d’un canal entre la Méditerranée et la mer Rouge. On ne retient généralement de Napoléon Bonaparte que ses exploits militaires, sa chute et son exil. On ne doit pas ignorer pour autant que sous son empire, la puissance scientifique de la Française rayonna dans le monde entier. Durant son séjour à Saint Hélène, Napoléon se tenait informé des dernières avancées de la science et lisait l’histoire naturelle de Buffon, l’astronomie de Delambre ainsi que des ouvrages de cosmogonie, minéralogie, chimie et mathématiques.

Nous trouvons ici le compte rendu d’une observation effectuée en province par le « Citoyen Vidal » (1747-1819) opérant depuis Mirepoix en Ariège. Initialement, ce modeste astronome eut la chance d’être remarqué par François de Garipuy (1711-1782) astronome, conseiller de la ville de Toulouse et membre de la Société des Sciences, qui l’introduisit dans la communauté scientifique toulousaine et lui permit, dès 1769, d’observer le passage de la comète de Halley, depuis son observatoire privé. En 1791, Vidal, dont les compétences étaient reconnues, hérita des instruments de Jean-Gabriel-Amable-Alexandre Riquet, Baron de Bonrepos (grand amateur d’astronomie, procureur général de Toulouse et riche descendant de Pierre Paul Riquet, le concepteur du canal du midi). Il put alors installer un observatoire dans sa maison de Mirepoix. En 1794, il est nommé directeur de l’Observatoire de Toulouse, mais deux ans plus tard il renonce à cette charge, pour la reprendre en 1806, assortie d’un poste d’enseignant. Lalande connaissait l’importance du travail de Jacques Vidal; il écrivit un jour à ce sujet : « Peut être, à Mirepoix, on ne sait pas qu’il y a un pareil homme dans l’enceinte de cette petite ville; mais nous l’apprendrons à l’univers et à la postérité ». Vision prémonitoire, car Mirepoix, qui aurait pu s’enorgueillir de voir un de ses fils ainsi s’illustrer, lui témoigne une quasi indifférence en ne lui consacrant qu’une modeste plaque de rue.

Plus d’une trentaine de pages sont consacrées à présenter des tableaux comme celui-ci-dessus, sur lesquels les coordonnées d’étoiles nouvelles sont scrupuleusement notées, pour compléter le catalogue déjà évoqué dans mon article sur Jérôme de Lalande, Michel Lefrançois-Lalande, explora en premier lieu toute les étoiles visibles sur l'horizon de Paris. Il passa des nuits entières à noter le temps des passages et les distances au zénith des étoiles qui traversaient la lunette de son quart de cercle mural, pour ensuite établir leurs coordonnées, à partir des étoiles déjà connues. Ce travail fastidieux débuta le 5 août 1789 et se prolongea jusqu'en 1800. Le neveu de Lalande, observa ainsi cinquante mille étoiles disséminées sur toutes les parties du ciel, depuis le pôle boréal jusqu'à deux ou trois degrés au-dessous du tropique du Capricorne. Ces observations effectuées durant une douzaine d’années furent les plus considérables jamais entreprises jusqu’alors. Ce travail s’avéra précieux pour les astronomes, qui suivaient les trajectoires des comètes ou d’autres objets célestes et qui pouvaient les situer selon les étoiles présentes dans leur proximité. En 1837, la « British association for the advancement of science » reprendra ces observations pour former un catalogue dans lequel on trouve l'ascension droite et la déclinaison des cinquante mille étoiles répertoriées par le neveu de Lalande, et ramenée au 1er janvier 1800.

J’achève cette courte présentation des Mélanges d’astronomie, par une évocation du travail de Charles Messier, à travers des extraits de ses carnets. On constate que chaque évènement marquant y est notés de manière méthodique. Sur les deux reproductions ci-dessus à droite, on peut suivre quelques épisodes d’observations de satellites de Jupiter, effectuées durant l’été 1771. La même année Messier publia le premier catalogue qui porte son nom et qui ne comprenait encore que quarante cinq objets. Outre l’observation des mouvements de satellites de Jupiter, il était également dans les attributions de Messier d’effectuer d'autres travaux tel que l'observation du soleil ou des éclipses et occultations lunaires. On peut noter que parmi ses premières missions d’astronome, Messier s’était vu attribuer la surveillance du retour de la comète de Halley, prévue en 1758. L’observation de cette comète fut probablement le point de départ d’une passion et de la grande «traque» qu’il fit à ces objets tout au long de sa carrière d’astronome.

Lors de sa recherche de comètes, Messier ne découvrit pas moins de trente sept objets célestes qu’il intégra au catalogue qu’il avait initialement établi pour éviter à ses collègues toute confusion entre «les objets itinérants que sont les comètes et les objets fixes que sont les amas d’étoiles et les nébuleuses». Il leur évitait en effet de perdre du temps en confondant ces dernières avec les « objets nébuleux » dont il répertoriait les coordonnées. Messier découvrit à lui seul prés d’une quinzaine de comètes, ce qui le classe parmi les plus grands découvreurs de ce type d’objets. C’est la raison pour laquelle, selon De La Harpe, Louis XV le surnomma «le furet des comètes». L’histoire populaire voudrait que l’origine de ce surnom soit venu du commentaire d’une courtisane qui, penchée à sa fenêtre, aurait aperçu l’astronome, passant à toute vitesse (comme une comète) en rasant les murs, le dos courbé et la tête penchée vers le sol, à la manière d’un furet, ce qui lui aurait valu des moqueries à la cour du Roi. Ironie du sort, Messier qui aurait souhaité être célèbre pour ses découvertes de comètes, resta finalement dans l’histoire pour son catalogues d’objets «indésirables».