John F.-W. Herschel - Traité d'astronomie
John Herschel marque l’astronomie par la découverte d’une multitude d’étoiles doubles, de nébuleuses et d’amas stellaires. Il est à l’origine du catalogue NGC, référence dans la dénomination des étoiles. Egalement chimiste, il invente en 1839 le moyen de fixer les images en les immergeant dans un bain d’hyposulfite de soude, composé essentiel des fixateurs en photographie argentique. Il met au point un procédé photographique utilisant du papier recouvert d’une couche photosensible. C'est à lui que l’on doit les termes de « négatif » et « positif ».
Son Traité d’astronomie est d’une grande clarté.Herschel parvient à y expliquer simplement des choses parfois très complexes. Il y témoigne d’une intelligence supérieure et d’un rare talent de vulgarisateur. voici un extrait des toutes premières phrases de son introduction qui résument parfaitement sa démarche:
"Le premier soin qui débute dans l'étude d'une science doit être de préparer son esprit à recevoir la vérité, par l'abandon de toutes les notions imparfaites et adoptées à la hâte concernant les objets et les rapports qu'il va examiner, comme pouvant tendre à embarrasser et à égarer sa marche. Il doit aussi faire une sorte d'effort pour se résoudre à adopter, malgré les préjugés contraires, toute conclusion qui lui paraitra appuyée sur une observation exacte et une déduction logique, fut-elle de nature à renverser toutes les notions qu'il s'était faites précédemment, ou qu'il avait admises sans examen sur le foi des autres..."
Cet homme sensible fut un scientifique, chimiste, astronome et philosophe reconnu et respecté. On lui prête également une influence sur les études de Charles Darwin, père de la théorie de l’évolution des espèces.
Herschel traite ici de l’atmosphère. On peut remarquer que le style et la teneur de cet ouvrage se démarque de ceux que l’on vient de parcourir précédemment. Nous percevons une nette évolution qui traduit l’ampleur et la fulgurance des avancées technologiques et scientifiques, mais également, de la part des astronomes comme Herschel, d’une manière plus moderne, analytique et rationnelle, d’aborder les domaines qu’il étudie. En ce début du XIXème siècle, tout parait possible et envisageable, à un moment où la démarche des hommes de science semble plus que jamais ouverte et libérée de ses anciennes pesanteurs.
Les mesures fondamentales de l’astronomie, comme la parallaxe, occupent toujours une place prépondérante, en tant que seules techniques alors utilisées permettant d’évaluer l’éloignement des étoiles. A la suite de cet extrait, Herschel, qui se montre ici comme un précurseur, rejette l’hypothèse qui veut que ces dernières soient éloignées de nous d’une distance dont la plus petite, avoisinerait la centaine de milliers de fois le diamètre de la Terre. Il écrit: « Elle est en réalité incomparablement plus grande... et ce minimum de distance, tout immense qu’il nous parait, peut être ici considéré comme rien ». Il en conclue: « Qu’on suppose le spectateur à la surface de la Terre ou au centre, il en résulte que les phénomènes du mouvement diurne seront les mêmes pour tous les habitants de la Terre, soit que l’on fasse tourner le ciel autour de la Terre, ou la Terre sur elle-même, en sens contraire »
A travers cet extrait évoquant la constitution physique du Soleil, on voit de nouveau émerger la démarche du scientifique moderne. Herschell signale l’influence des rayons solaires sur les phénomènes du magnétisme terrestre, mais également leur impact sur notre climat. Il ouvre ainsi une voie qui verra l’avènement d’une nouvelle discipline scientifique: la météorologie. À la fin de cet extrait, il évoque « l’analyse prismatique des rayons solaires » comme susceptible d’apporter de nouvelles informations, ce qui montre qu’il connaissait les expériences conduites dès 1814 par Joseph Von Fraunhofer .
Herschel réfute la possibilité que la Lune soit habitée, il s’appuie en premier lieu sur l’absence d’atmosphère à la surface de notre satellite et en second lieu, par les conditions climatiques extrêmes qui doivent y régner. Il écrit « Il semble impossible, faute d’air, que des être vivants analogues par leur organisation à ceux qui peuplent notre globe, se trouvent à la surface de la Lune. Rien n’y indique l’apparence d’une végétation, ni de modifications dans l’état de la surface que l’on puisse attribuer à un changement de saisons. » Pourtant, comme nous le verrons dans des extrait de livres postérieurs à la parution de ce traité, les arguments scientifiques et fondés de Herschel, n’ont pas suffit pour contenir l’imagination débordante de certains de ses contemporains.
Confirmant le principe de la gravitation, Herschel traite des anomalies des mouvements planétaires, qu’il l’attribue à l’influence d’autres planètes ou satellites ainsi qu’à celle du Soleil. (la page ci-dessous fait référence à une des conséquence, et non des moindres, de l’étude de ces variations de mouvements). L’analyse des anomalies en question, aboutira parallèlement à la mise en évidence, grâce au calcul, de l’existence d’éventuelles « masses » situées à proximité des planètes étudiées. De ce fait, elle permettra à des observateurs de diriger leurs télescopes vers les zones du ciel où ces masses sont supposées évoluer. C’est ainsi qu’Urbain le Verrier étudiant les anomalies de la trajectoire d’Uranus (découverte par William, le père de John Herschel), mettra en évidence l’existence de la planète Neptune sans, dira t’-on, ne jamais l’avoir observée de ses propres yeux. Tandis que l’étude des relevés d’observations de John Herschel ou de Jérôme de La Lande, ont fait apparaître que ces derniers avaient déjà observé Neptune, sans pour autant se douter qu’il s’agissait d’une planète.
La masse volumique de la surface solaire qui est de 1408 kg/m3 est effectivement d’environ 0,25 fois la densité moyenne de la Terre (5500 kg/m3). Celle qui règne au centre du Soleil est cependant 27 fois plus élevée, avec 150.000 kg/m3, ce qui valide totalement l’ordre de grandeur du rapport donné par Herschel (de 27,9 à 1), concernant la pesanteur terrestre d’un poids de 1kg, que l’on transporterait à la surface du Soleil. Herschel extrapole à partir de cette donnée, purement issue des lois de la physique, pour réfuter l’hypothèse, encore présente dans certains esprits, d’une Terre qui serait immobile au centre de notre système.
Pythagore cherchait une harmonie dans les distances entre la Terre et les planètes, qu’il comparait aux sons d’une gamme musicale. Ici Herschel fait plus sérieusement référence aux travaux de Johann Elert Bode et à la loi qui porte son nom. Cette loi que l’auteur considère ici aussi fondée que celle de Kepler, laisse supposer l’existence d’une planète entre Mars et Jupiter. Herschel avance l’idée que ce que nous appelons aujourd’hui la « ceinture d’astéroïde », et dont il ne connaissait guère que quelques « planètes ultra zodiacales » (Cérès, Junon, Pallas et Vesta), pouvait être à l’origine, une seule et unique planète. On notera qu’aujourd’hui la loi de Bode est, tout au plus, considérée comme une curiosité ou une relation empirique, rendue caduque par la découverte de Neptune en 1846.
Empédocle d’Agrigente, Ibn al-Hassan ou Roger Bacon avaient supposé que la lumière pouvait être ralentie, suivant le milieu dans lequel elle se déplaçait, sous-entendant qu’elle possédait une vitesse propre et de ce fait qu’elle pouvait ne pas être instantanée, idée majoritairement répandue. Galilée même avait conduit d’infructueuses expériences sur le terrain, en utilisant des lanternes distantes, qu’il occultait pour tenter de mettre en évidence une vitesse de déplacement de la lumière. Mais il fallait se rendre à l’évidence que les technologies d’alors ne permettaient pas de procéder à ce type de mesure. Il fallut donc attendre la seconde moitié du XVIIème siècle pour que Olaüs Römer parvienne à un résultat probant en la matière. Herschel nous relate ici l’histoire de cette découverte.
Herschel délimite distinctement la frontière qui sépare les ignorants de ceux qui étudient la nature. Il aborde ce chapitre par ces mots: « L’aspect extraordinaire des comètes, leur mouvements rapides et en apparence irréguliers, les dimensions imposantes qu’elles acquièrent parfois, ce qu’il y a d’étrange et d’inattendu dans leur apparitions et leurs disparitions, en ont fait dans tous les temps un objet d’étonnement, mêlé de frayeurs superstitieuses pour les ignorants, et une énigme pour ceux qui étaient plus familiarisés avec les merveilles de la création et les opérations des causes naturelles ».
Herschel défini la « grandeur » d’une étoile tout en soulignant son caractère aléatoire. Il encourage le recours à une évaluation photométriques chiffrée. Il envisagera rapidement la mesure des distances: « … la distance des étoiles est donc plus grande que 4 800 000 000 rayons terrestres... l’imagination se perd dans de tels nombres... Le seul moyen de concevoir de pareilles distances, est de le mesurer par le temps que la lumière emploie à les parcourir. » Il montre comment la lumière d’une étoile met plus de trois ans pour arriver à la Terre. Revenant à la notion de « grandeur », il poursuit: « quelles distances assignerons-nous donc à ces innombrables étoiles de petites grandeurs que le télescope nous découvre?... si l’on admet que la lumière d’une étoile dans chaque ordre de grandeur, soit la moitié de la lumière d’une étoile de l’ordre qui précède, il en résultera qu’une étoile de la première grandeur devrait être reculée à une distance 362 fois plus grande pour nous paraitre comme une étoile du seizième ordre ». Il déduira que la lumière de certaines étoiles met plus de 1.000 années pour nous parvenir, donnant ainsi une nouvelle idées des dimensions en jeu dans l’Univers.
L’astronomie purement observationnelle permet de faire un constat des phénomènes célestes. Associée à la physique, elle tente de les expliquer avec des lois. Les étoiles périodiques sont un bon exemple pour illustrer les limites auxquelles se heurtaient les astronomes du XVIIIème siècle. Je rappellerai que ces étoiles ainsi que les étoiles doubles ont fait l’objet d’un catalogue établi par William Herschel, que John, son fils compléta par la suite. Les cause réelles de la luminosité variable de certaines étoiles ne commenceront à être élucidée qu’au XXème siècle.
Les premières étoiles doubles, ainsi nommées, ont été mentionné dans l’almageste de Ptolémée, mais ce n’est qu’au XVIIème siècle que l’apparition des lunettes astronomiques permet à des astronomes comme Giovanni Riccioli ou Galilée de commencer à en faire état. Ces derniers pensaient alors qu’il s’agissait de doubles optiques. L’étude systématique des étoiles doubles donnera lieu en 1781 à l’établissement d’un premier catalogues de 60 couples d’étoiles, par l’astronome Christian Mayer (1719-1783). Quatre ans plus tard William Herschel, publie à son tour un catalogue qui en contient 454. Il avait auparavant, dés 1802 découvert l’existence de couples d’étoiles qu’il nomma «binaires » et montré comment ces étoiles pouvaient être liées entre elles par les forces gravitationnelles. John complètera l’œuvre de son père en publiant un catalogue comprenant 3346 «nouvelles » étoiles doubles.
La nature des amas stellaire est longtemps restée énigmatique. Le premier groupement d’étoiles mentionné par les grecs semble être les Pléiades, dont le nom provient de la mythologie (les Pléiades sont sept sœurs, filles d'Atlas et de Pléione). Herschel est dans l’investigation scientifique à propos des amas stellaires. Évoquant les nébuleuses « résolubles », il écrit: « les nébuleuses résolubles peuvent être considérées comme des amas trop éloignés, ou formés d’étoiles d’un éclat intrinsèquement trop faible pour être individuellement aperçu.... » Il donne ainsi une nouvelle fois, une idée des dimensions gigantesques de l’univers.
Herschel évoque ici évoque une nébuleuse qui n’est autre que la nébuleuse d’Orion (ci-dessous, dernière figure en bas à droite, on peut la voir telle qu’elle apparaissait dans son télescope). Il fait également état d’une autre nébuleuse située dans « Le chêne de Charles ». Cette constellation inventée par Edmund Halley, et aujourd’hui disparue, se situait entre le Centaure et le « Navire Argo » (également disparu); elle fut scindée en trois constellations distinctes par Nicolas Louis La Caille: la Carène, la Poupe et les Voiles. Il semble que la nébuleuse dessinée par James Dunlop (1793-1848), dont il est question dans cet extrait, soit bien celle de la Carène (NGC 3372) découverte par l’abbé La Caille en 1751/1752, lors de son séjour en Afrique du sud. On notera également que la galaxie d’Andromède était alors nommée nébuleuse, nous rappelant au passage que la distinction entre les galaxies et les nébuleuses n’existait pas encore à l’époque ou John Herschel écrivait ce traité.
1ère planche: 1 Mars, 2 Jupiter, 3 Saturne.
2ème planche :1 Amas stellaire, 2 comète , 3 nébuleuse d'Andromède.
3ème planche: 1 tâches solaires avec dessin explicatif , 2 et 3 (Orion) nébuleuses non résolubles.