Jérôme Lalande - Astronomie des dames
Cet ouvrage fut écrit à l'attention des dames et d'un lectorat néophyte, il se présente comme une sorte de "divertissement" et non comme un support d'étude.
Remarque : Avant de poursuivre cette présentation, je tenais à signaler la parution en 2022 d'un livre écrit par l'astrophysicien canadien Jean-René Roy qui s'est également penché cette oeuvre. Qui, mieux que lui, auteur de nombreux ouvrages et, tout comme Lalande, ayant passé une partie de sa vie à observer le ciel, pouvait nous offir le regard pertinent du véritable scientifique.
Jean-René Roy nous fait découvrir différentes facettes du personnage que fut Jérôme Lalande et nous propose, en complément, un chapitre consacré aux portraits de 17 femmes astronomes remarquables qui ont marqué de leur passage (du Vème au 21 ème siècle), la longue histoire de leur discipline. Pour découvrir cet ouvrage, dont je recommande vivement la lecture, cliquer ici : Astronomie des dames.
Dans la préface d’Astronomie des dames, Lalande fait référence à la Pluralité des Mondes de Fontenelle dont il souligne la désuétude. Il fait ensuite l’éloge des femmes astronomes. Nous abordons ici un ouvrage plutôt original que Lalande dédie à Madame du Piery (1746-1789) qu’il avait rencontré le 24 avril 1779. Elle fut le grand amour de sa vie et il entretint des relations avec elle jusqu’à ses derniers jours. Dans sa dédicace Lalande écrit: « L’Astronomie des dames doit être offerte spécialement à celle qui s’en est le plus occupé, qui connaît le mieux cette science, enfin qui avait déjà formé le projet que j’exécute aujourd’hui. Il est vrai, Madame, que vous auriez le même droit à la dédicace d’un ouvrage de tout autre genre; vous réunissez tous les talents et tous les goûts avec un courage et une pénétration que rien n’arrête, et je ne connais aucune Femme plus digne de former un objet d’émulation pour tout son sexe. Mais je ne puis vous offrir qu’un petit ouvrage d’Astronomie; recevez-le, Madame, comme un gage du respect qu’inspirent l’esprit et la vertu, et de l’extrême attachement qui s’y joint, quand on a connu votre cœur. » Lalande présente Madame du Piery à ses amis astronomes et ne cache pas qu’elle étudie cette discipline. Elle fut par la suite la première femme française à donner, en 1789, un cour d’astronomie ouvert aux femmes et « mis à leur portée ». Lalande se réjouissant qu’elle permette, à ceux qui auraient pu trouver ses propres cours trop difficiles à suivre, d’avoir ainsi accès à cette discipline.
Lalande souhaite inciter les femmes à étudier l’astronomie. Vers 1770, il eut une fille nommée Marie Jeanne Harley, probablement avec une inconnue. Selon l’historien Bressan, Charles Jarrin (1813-1900), il pourrait s’agir d’une commerçante de Bourg en Bresse que l’astronome aurait eu coutume de surnommer « ma commère ». En public, il faisait passer cette jeune fille pour sa nièce. Lorsqu’elle atteint l’âge de dix-huit ans, il l’appelle Amélie et la marie avec son neveu Michel Lefrançois de Lalande, qui devint lui aussi astronome. Le jeune couple vécu avec Lalande, Amélie s’occupant de son secrétariat. Lalande était laid et de petite taille. Il resta célibataire toute sa vie, ce qui ne l’empêcha pas d’aimer la compagnie des femmes, qui le lui rendirent bien. Ces dernières appréciaient sa culture, son prestige scientifique, son esprit vif et ses répliques cinglantes. Lalande savait fort bien jouer de ses talents, sans pour autant perdre la tête, comme nous le montre ce passage de son testament moral qu’il remit à une de ses amie, Constance de Théis, Comtesse de Salm: « J’ai beaucoup aimé les femmes; je les aime encore. J’ai toujours cherché à contribuer à leur instruction ; mais ma passion pour elles a été raisonnée ; jamais elles n’ont nui ni à ma fortune, ni à mes études ; je ne suis jamais sorti le matin pour elles. J’ai dit quelquefois à de jolies femmes : il ne tient qu’à vous de faire mon bonheur; mais il ne tient pas à vous de me rendre malheureux. Elles disent que je n’ai jamais aimé véritablement ; s’il faut être fou pour cela, je conviens qu’en effet je n’ai jamais aimé. »
Si l’on compare cette description avec les longues explications détaillée et remplies d’équations que donne Lalande dans son traité Astronomie, on ne peut que convenir que ce petit fascicule s’adresse à un public très large et non initié. Lalande s’en explique d’ailleurs de la sorte: « Le spectacle du ciel est si intéressant pour tout le monde, qu’il doit nécessairement entrer dans un cours d’études; aussi l’on voit tous les jours les dames s’y intéresser, faire des questions relatives à des objets d’Astronomie, et regretter de ne pouvoir en suivre l’étude; mais il est très difficile de se satisfaire à cet égard sans figures et sans calculs: nous nous bornerons donc ici à donner un tableau général de l’Astronomie, des grands phénomènes que présente cette Science, et des découvertes curieuses faites par les astronomes; avec une idée des méthodes par lesquelles ils sont parvenus à trouver des résultats qui surprennent toujours lorsqu’on a fait aucune étude préliminaire. Je n’ai donc pu renvoyer à mon grand traité d’astronomie...ni même à l’Abrégé que j’en ai donné en un volume. » Ainsi, pouvons-nous considérer Lalande comme faisant partie des grands vulgarisateurs scientifiques désireux de partager leur savoir, comme le furent en ce domaine Fontenelle, Camille Flammarion, l’abbé Moreux ou plus bien récemment encore, Georges Gamow, Stephen Hawking, Carl Sagan ou Hubert Reeves.
Les éclipses, tout comme les comètes, font partie des phénomènes astronomiques qui ont, parmi les premiers, donné lieu à diverses interprétations. Depuis que la science astronomique existe ces phénomènes ont été abondamment commentés. Il n’y a donc rien de surprenant de les retrouver dans les ouvrages d’astronomie. Lalande se content ici d’en souligner le caractère cyclique. On notera la référence à son propre travail, effectué pour satisfaire la curiosité de Louis XV. Ce dernier était en effet passionné par les sciences et la botanique. Outre son précepteur l’abbé Fleury qui devint cardinal, Lalande avait eu des professeurs académiciens et les sciences abstraites, tout comme les sciences appliquées, avaient occupé une part privilégiée de son éducation. Le roi se tenait informé des dernières découvertes de ses savants; n’avait t-il pas surnommé l’infatigable observateur que fut Charles Messier « Le furet des comètes ». Il admirait aussi Charles Le Monnier (professeur de Lalande) et se rendit au château de Madame de Pompadour, d’où ce dernier observa les passages de Mercure en 1753 et de Vénus en 1761.
Lalande aborde ici une des conséquences directement perceptible de l’attraction, qu’il définissait ainsi: « Cette force avec laquelle tous ce corps descendent vers la Terre, soit qu’on l’appelle pesanteur, gravité ou attraction, quoique sa cause nous soit inconnue, se manifeste dans tous les points de notre globe; partout les corps graves (pesants) tendent vers le centre de la Terre par un effort constant et inaltérable... Le côté ou sont nos pieds est ce que nous appelons le bas; et par conséquent ceux qui sont à nos antipodes ayant leurs pieds opposés aux nôtres, appellent le bas le même coté que nous appelons le haut. Si la Terre est représentée par la boule C, fig.4, les corps qui sont en A tomberont en B, et le corps qui sera en E tombera en D, tous deux attirés vers le centre C de la Terre. » Une telle explication peut paraitre sommaire, lorsqu’on sait que Lalande professait au plus haut niveau les lois de la gravitation au Collège de France. Mais, par ailleurs, cela ne fait que montrer sa capacité à se mettre à la portée de tout interlocuteur et souligne une fois encore ses talents de vulgarisateur.
Le chapitre XVII de l’Astronomie des dames, condense une histoire de la mythologie des constellations. A ce titre, il m’a paru intéressant de le restituer ici dans son intégralité:
« De l’explication des Fables par le moyen des Etoiles et du Soleil » .
« C’est une chose bien propre à exciter la curiosité pour l’Astronomie, que de voir l’usage qu’on en a fait chez tous les peuples du Monde; ainsi nous croyons devoir en présenter ici une idée, en faisant voir que les religions païennes, et les Fables les plus célèbres, sont des allégories astronomiques, ainsi que l’a démontré Dupuis de l’Académie des inscriptions et Belles lettres. L’origine des Constellations parait être relative à la vie des anciens Pasteurs; et pour ainsi dire un calendrier rural de l’Égypte. Il y a quatre Constellations qui se lèvent au tems des moissons, et l’on y trouve, en effet, une jeune fille qui tient un épi, accompagnée de son père qui tient lui-même une faucille, (le Bouvier) et qui est précédé d’un attelage de bœufs (la grande Ourse), et entre eux une gerbe de blé (la chevelure de Bérénice); il serait difficile que des figures jetées au hasard eussent entre elles une liaison aussi intime et des rapports si marqués avec la moisson Égyptienne à cette époque. De même le Verseau et les poissons indiquèrent la saison du débordement du Nil et de l’inondation de l’Égypte. »
« Mais ces noms une fois donnés aux différentes Etoiles, occasionnèrent ensuite tous les romans que l’imagination des Orientaux se plut à enfanter. Ainsi le Soleil considéré comme la force de la Nature, et passant successivement dans les douze signes du Zodiaque, fit imaginer les douze travaux d’Hercule dont nous parlerons bientôt; l’Histoire d’Adonis répond au Soleil; l’Histoire de Pluton n’a été calquée que sur la constellation du Serpentaire, qui parait que quand le Soleil descend vers le midi; et celle de Proserpine sur celle qu’on appelle aujourd’hui la Couronne. Celle-ci offre surtout un exemple bien singulier de la complication de ces anciens Romans. On trouve dans les Auteurs de mythologie, que Jupiter, amoureux de Cérès, se métamorphose en taureau; il en nait Proserpine; Jupiter est ensuite amoureux de Proserpine, et pour s’unir à elle il se métamorphose en serpent; enfin de ce nouveau mariage nait un taureau. Cérès est la constellation de la vierge; Proserpine celle de la couronne; au printemps, le signe du Taureau se couche au même endroit que celui de la Vierge, dans le tems même que les constellations de la Couronne et du Serpent se lèvent: six mois après ces constellations se couchent le soir ensemble, dans le tems que le Taureau commence à se lever; c’est ainsi que Proserpine et le Serpent donnent naissance au Taureau; ce sont ces générations monstrueuses que l’on n’avait jamais comprises, mais que l’Astronomie explique de la manière la plus heureuse et la plus évidente. L’on a dit que Proserpine était six mois aux enfers, et six mois dans le Ciel; cela vient de ce que la même constellation qui par son lever du matin, déterminait le passage du Soleil aux régions australes, et à l’hémisphère inférieur, déterminait six mois après, par son lever du soir, le retour de cet Astre vers nos régions septentrionales, et annonçait son passage dans les derniers degrés du Bélier, lorsque l’astre du jour ramenait la lumière dans nos climats; alors elle présidait à l’hémisphère supérieur, ou boréal, règne de la lumière; c’est-à-dire que Proserpine montait au Ciel. Toute l’histoire de Minerve est une allégorie de la lumière, et les constellations voisines du Bélier ont fourni tous les attributs de cette Divinité. Janus qui présidait à l’année, et qui portait les clefs du tems, est l’épi de la Vierge, Etoile qui se levait à minuit le premier jour de l’an, et qui ouvrait l’année; voila pourquoi on faisait de Janus le portier du Ciel. On lui donnait quatre visages, parce qu’il répondait aux quatre saisons; les constellations qui se lèvent en même tems formaient la famille ou les attributs de Janus; on y remarque le vaisseau qui l’accompagnait toujours; le Bouvier, ou Icare, qui était grand-père de Janus; la Vierge ou érigone, qui était sa mère, suivant Plutarque; ses frères Faustus et Felix, expriment les souhaits de bonne année, dont l’usage subsiste encore (Journal des savans, Janvier 1786 ). »
« Phaéton est la constellation du Cocher; effrayé par le scorpion, il tomba dans l’Éridan, parce que le cocher se couche le matin avec la constellation de l’Éridan, quand le Soleil est dans le signe du scorpion. J’ai dit que les douze travaux d’Hercule avoient été imaginés d’après les douze signes du Zodiaque. En effet le combat d’Hercule contre les Amazones répond au bélier, parce que quand le Soleil y est , la constellation d’Andromède entre dans les rayons du Soleil, et que la Vierge se couche le matin. De-là Hercule partit pour la conquête de la Toison d’or, c’est-à-dire que le Soleil entrait dans le Taureau; ou la conquête des vaches de Géryon, parce que c’était le lever de la grande Ourse, qu’on appelle aussi les Bœufs d’Icare. J’ai dit que les douze travaux d’Hercule avoient été imaginés d’après les douze signes du Zodiaque. En effet le combat d’Hercule contre les Amazones répond au bélier, parce que quand le Soleil y est, la constellation d’Andromède entre dans les rayons du Soleil, et que la Vierge se couche le matin. De-là Hercule partit pour la conquête de la Toison d’or, c’est-à-dire que le Soleil entrait dans le Taureau; ou la conquête des vaches de Géryon, parce que c’était le lever de la grande Ourse, qu’on appelle aussi les Bœufs d’Icare. »
« Le triomphe d’Hercule sur le chien Cerbère répond à l’entrée du soleil dans les Gémeaux, qui est le tems où se couche Procyon, ou le petit Chien. Le voyage d’Hercule en Espérie, c’est-à-dire au couchant, où il fut pour enlever des brebis à Toison d’or, est le tems où se couchait le soir la constellation de Céphée, (anciennement on y mettait un berger avec un troupeau de brebis); elle est placée sur celle du Dragon, et voila pourquoi Hercule eut à combattre le dragon qui gardait les Hespérides. L’entrée du Soleil au signe du Lion répond à la victoire d’Hercule sur le Lion de Némée. Le coucher de l’Hydre céleste qui vient après a fait son triomphe sur l’hydre de Lerne. Le combat contre les Centaures exprime le lever du centaure Céleste, qui arrive quand le Soleil est dans la Balance. Hercule qui chasse les oiseaux du lac Stymphale, est l’entrée du Soleil dans le Sagittaire, marquée par le lever du Vautour, de l’Aigle et du Cygne, oiseaux célestes. Il nettoie ensuite les écuries d’Augias; c’est le coucher des Etoiles du Verseau qui sont sous le Capricorne, ou le Bouc, emblème de la saleté et de l’infection. Le combat d’Hercule contre le Taureau de Crète, est l’allégorie du coucher de la constellation du Centaure, moitié homme, moitié taureau. Enfin il dompte les Cavales de Diomède qui vomissent du feu; parce que quand le Soleil est dans les Poissons, les constellations de Pégase et du petit Cheval se lèvent le matin avant le Soleil; aussi Hercule les conduisit au mont Olympe, comme des chevaux célestes. Les Fables de Pluton, de Sérapis et d’esculape, sont faites sur la constellation du serpentaire ou Ophiucus, qui annonçait le passage du Soleil dans les signes inférieurs; le génie Solaire était Jupiter au printemps, et Pluton en Hiver. Cerbère, le chien de Pluton, est l’Etoile du Chien, qui se couche au lever du Serpentaire, et indique la même époque. Nous parlerons du monstre à trois têtes, de chien, de lion et de loup. En Égypte, le Taureau ou le Bœuf Apis était sacré, et il portait toutes les marques de la génération. Pomponius Mela* dit que c’est le Dieu de toutes les nations. Les fêtes de Bacchus étaient les mystères du Taureau. C’est à côté d’un homme qui avait des pieds et des cornes de taureau, qu’on plaçait l’œuf Orphique qui contenait tout et produisait tout. Au Japon, on plaçait l’œuf entre les cornes du Taureau. Suivant les Perses, tout est sorti du Taureau; il est le principe visible de tous les biens. On le place à côté de Mithras** . »
* Pomponius Mela: Un des tout premier géographe romain. Vers l’an 40 de notre ère, s’inspirant d’Ératosthène, il décrit la Terre constituée de cinq terres agencées sur deux hémisphères. Deux terres glacées situées aux extrémités et où régnait de grands froids, une terre envahie par de fortes chaleurs, située sur la zone centrale et, situées de part et d’autre de cette zone dans chacun des hémisphères, deux zones habitables. Celle habitées par les Antichtones(peuples qui habitent des contrées de la Terre diamétralement opposées) et la notre entourés par les mers.
** Mithras: Divinité indo-iranienne qui fit l’objet, à Rome, d’un culte qui dura les deux premiers
« Dans l’Inde le Portier du Ciel est représenté avec une tête de Taureau, et le Bœuf est consacré dans toutes les pagodes indiennes. Les Juifs adoraient le veau d’or; les Celtes juraient sur leur Taureau d’airain. Dans les Dionysiaques de Nonnus*, Bacchus, ou le Soleil, part du Taureau, et y revient à la fin du Poème; en sorte que les aventures de Bacchus, contenues dans ce poème de plus de vingt mille vers, ne sont autre chose que le mouvement annuel du Soleil. Suivant Macrobe**, Bacchus passait pour être la force qui meut la matière, l’intelligence qui l’organise, l’âme qui se distribue dans toutes ses parties, la meut et l’anime, et imprime une force harmonique au Ciel ou aux sept sphères. L’on aperçoit dans différents auteurs, que tous les grands Dieux du Paganisme se réduisent tous à la seule force motrice de la matière et à l’âme du monde qu’on exprimait sous des noms, des formes et des attributs différents. Bacchus, ou le Taureau, était tantôt Lion, tantôt Serpent, suivant les diverses constellations vers lesquelles passait le Soleil. Le combat de Jupiter contre le géant typhon aux pieds de Serpent, finit dans le poème de Nonnus avec l’hiver; l’ordre est rétabli, la paix est rendue à la nature. »
« En effet, le serpent céleste, Génie de l’hiver, se couche alors le matin; le Taureau se lève, avec Orion qui avait péri par la piqure du Scorpion, autre constellation qui annonce l’hiver. Le Poète nous dit qu’après le déluge Bacchus naît des foudres de Jupiter; ce déluge était l’image des pluies de l’hiver, auxquelles succédait le règne du feu, c’est-à-dire le printemps; alors Bacchus s’incarnait en Taureau, attribut de ce Dieu; il marchait contre Astréus, Général Indien, campé sure le bord du fleuve Astacus, qui signifie l’écrevisse; c’était le signe ou entrait le Soleil un mois après être sorti du Taureau; et son triomphe était à la plus grande hauteur du soleil, au solstice d’été, c’est-à-dire dans le Lion; il découvrit le lion à l’aide d’un chien, parce qu’en effet, la constellation du Chien annonçait par son lever l’entée du Soleil dans le Lion. Dans le solstice il est plus courts. Dans l’équinoxe d’automne, Bacchus devient le Dieu de la Vigne, parce que le Soleil la fait mûrir dans cette saison. Icare, père d’érigone, est celui qui le premier reçoit du vin, parce qu’érigone qui est la constellation de la Vierge, et Icare qui est celle du Bouvier, paraissent le soir dans cette saison. Il est ensuite amoureux d’Ariane, c’est l’étoile de la Couronne qui vient après les deux autres, en sorte que l’histoire de Bacchus n’est que la suite des constellations.
L’histoire de Phaëton est également faite d’après le mouvement du Soleil; Ce n’est autre chose que la constellation du Cocher, qui, par son lever héliaque, marquait l’équinoxe du printemps, le retour de la chaleur, le règne de la lumière et du feu; or la chaleur était l’embrasement général de l’univers pour les poètes, comme les pluies de l’hiver en étaient le déluge. Phaëton était fils de Climène, qui signifie inondée, parce que cette constellation commençait à paraître après les inondations. Cette Nymphe épousa le Soleil, les Nymphes de l’Océan prirent soin de Phaéton; toutes les Etoiles faisaient la garde autour de son berceau; l’Océan, pour amuser cet enfant, le jetait en l’air et le recevait ensuite dans son sein; devenu plus grand, il se faisait un petit char, auquel il attelait des béliers, au bout du timon il avait mis une espèce d’Etoile qui ressemblait à l’étoile du matin, dont il était lui-même l’image, suivant Nonnos, qui donne aussi à Phaëton le nom de Porte-lumière. Le lever héliaque de cette constellation arrivait à l’équinoxe, tems où l’on célébrait en égypte une fête en mémoire de l’embrasement du globe. Pendant tout le tems que dure le règne du feu, c’est-à-dire tout l’été, le Cocher se trouve le matin sur l’horizon avec le Soleil, jusqu’à ce qu’enfin le Soleil, après s’être rapproché le plus près du nord, regagne l’équateur, et arrive à l’équinoxe d’automne vers le Scorpion; c’est le terme de la chaleur et de la course de Phaëton, qui alors se couche le matin, et disparait sous l’horizon avant le lever du Soleil: c’est précisément la route que suit Phaëton dans la description qu’Ovide** nous fait des écarts. Il s’avance vers le Nord, et brûle de ses feus l’Ourse, le Dragon et le Bouvier, et enfin revient au Scorpion, dont la vue effraie ses chevaux qui se précipitent et s’approchent de la Terre. »
* Nonnus: Poète épique Grec du Vème siècle , né en égypte, qui se convertit au christianisme.
** Macrobe: (Ambrosius Theodosius Macrobius) Philosophe et homme politique romain. Vers 399, il gouverne l'Espagne, puis la Gaule, en qualité de lieutenant d'un préfet du prétoire. Il devint proconsul à Carthage. Doté d’un esprit curieux, ouvert à toutes les connaissances humaines, il a écrit une encyclopédie en sept livres: Les Saturnales.
*** Ovide: Poète latin né en 43 av. J.-C, qui fut témoin de la naissance de l’Empire romain. Il a écrit de nombreuses œuvres, dont un poème comprenant près de douze mille vers, « Les Métamorphoses », dans lequel il décrit la naissance et l'histoire du monde gréco-romain jusqu'à l'époque de l'empereur Auguste.
« Le jeune Phaëton, foudroyé, périt et tombe dans l’Éridan. C’est la constellation dont le coucher précède de peu de minutes celui de Phaëton ou du Cocher qui est dessus. Cette apparence astronomique, ce coucher du Génie du printemps, accompagné de l’Éridan, qui se fait le matin lorsque le Soleil parcourt les Etoiles du Scorpion, ont donné naissance à la Fable du jeune fils du Soleil dont on pleurait la chute en Italie, comme on pleurait la mort d’Osiris en Égypte, et d’Hercule en Syrie. Plutarque* qui ignorait la cause d’un pareil deuil, trouvait cette cérémonie bien singulière. Il est ridicule, dit-il, que les hommes nés tant de siècles après la mort de Phaëton changent de vêtement et annoncent de la tristesse pour sa perte. Effectivement il serait difficile de rendre raison d’un deuil, qui se serait perpétué si longtemps, s’il n’avait pour origine quelque objet remarquable pour l’univers, consacré par des cérémonies religieuses. Le coucher de la constellation du Cocher est suivi du lever du cygne qui figure aussi dans l’histoire de Phaéton. Le lever du soir des Pléiades se fait dans le même mois que le coucher du matin du Cocher.»
« Or les Pléiades étaient sœurs de Phaëton, et c’étaient des Nymphes des Eaux; elles pleurèrent sa mort, et furent changées en peupliers qui sont des arbres aquatiques; en sorte que l’allégorie des pluies est encore ici soutenue: au reste le Poète ajoute que Jupiter envoya aussitôt des torrents de pluie pour réparer les malheurs de la Terre et en détremper les cendres brûlantes; que Phaëton fut placé au Ciel dans la constellation du Cocher, ou que Jupiter le mit dans les constellations sous le nom et la forme d’un Conducteur de char, ainsi que le fleuve Éridan, dans lequel il avait péri.« Le Scorpion qui figure dans cette Fable, est représenté dans un ancien monument de Mithras, Dieu des Perses, comme dévorant les testicules du taureau équinoxial; c’est celui qui fit périr Orion, qui fit mourir Canopus étoile du gouvernail du vaisseau d’Osiris, ou allégoriquement Pilote du vaisseau. C’est à l’entrés du dix-septième degré du Scorpion que les égyptiens fixaient l’époque de la mort d’Osiris; c’est lui qui dans l’Edda, livre sacré des anciens peuples du nord, figure à côté du Serpent et du Loup Feuris, qui ont pour sœur Héla ou la Mort, et dévorent le Soleil. Ainsi tous les accessoires de la Fable de Phaëton, et toutes les théogonies qui s’y rapportent, indiquent également la fin des chaleurs et de la végétation, ou le deuil de la Nature. Le culte des animaux dans l’antiquité a donné lieu souvent de calomnier les usages anciens, parce qu’on en ignorait l’origine; c’est encore une des applications curieuse de l’Astronomie; on voit évidemment que le Taureau qui était consacré partout, n’est autre chose que la constellation de l’équinoxe. Le Chien ou Mercure Anubis, était l’étoile Sirius qui annonçait les moissons et les chaleurs de l’été. L’Etoile du Poisson austral, qui servit au même usage, fut encore en plus grande vénération chez les Syriens; c’était l’Etoile de Dagon, dieu des bleds et Dieu-Poisson, qui faisait que les Syriens adoraient une statue de Poisson. Plutarque nous dit aussi que les égyptiens honoraient un Poisson sacré qui sortait de la mer au moment du débordement, et dont la vue était pour eux l’annonce agréable d’une crue d’eau qu’ils désiraient. Ce Poisson est l’Etoile du Poisson qui se levait alors; elle avait l’avantage de déterminer le solstice par son lever du soir et son coucher du matin le même jour: la durée de son apparition mesurait celle de la plus courte nuit de l’année; elle se levait au moment où le crépuscule affaibli permettait aux étoiles de paraitre, et se couchait aux premiers rayons du jour. Cette circonstance singulière de la retraite et du retour du Génie qui guidait la marche de la nuit, donna lieu à la Fable du Mercure Oannes, animal amphibie, qui avait des pieds et une voix d’homme, et une queue de poisson. Il venait nous dit la Fable, pendant la nuit à Memphis, et le soir se trouvait encore à la mer Rouge, et répétait tous les jours la même course. Il avait instruit les égyptiens, et ils tenaient de lui leur Astronomie et plusieurs autres Sciences. D’après la fonction de Génie de l’année, l’étoile du Nil, et d’astre avant-coureur des eaux, il n’est pas étonnant que les égyptiens lui aient fait honneur de leurs connaissances, comme ils en faisaient honneur à Sirius, leur Mercure Anubis, Génie de l’équinoxe du printemps. Le retour de ce Poisson à la mer Rouge, vers laquelle il revenait chaque soir, s’explique fort simplement par son retour à l’orient de l’Égypte et à la mer Érythrée d’où il semblait sortir le soir après avoir disparu le matin au couchant. »
* Plutarque: Philosophe grec (46-120) auteur de plusieurs traités de morale, de philosophie, de théologie et de politique. Érudit doué d’une connaissance encyclopédique.
« Le Poisson austral se levait au sud-est de l’Égypte, au même point de l’horizon ou l’habitant de Memphis plaçait la mer Rouge. Il serait d’autant plus difficile de donner de la réalité à cette tradition, qu’il n’y a pas de fleuve qui forme une communication entre Memphis et la mer Rouge; mais l’allégorie est évidente, en employant le Poisson céleste. Les principaux points de l’année , les équinoxes et les solstices, étaient exprimés aussi par quatre Génies, ou quatre figures symboliques, qui n’étaient autre chose que les constellations; il en est parlé dans Job, et dans Saint Clément d’Alexandrie, et l’on s’en est servi pour accompagner les quatre Évangélistes*, avec lesquels on peint en effet le Taureau, le Lion, l’Aigle, et le Verseau sous la figure d’un homme. La Chimère que l’on voit dans la fable de Bellérophon est un monstre ou composé astronomique, formé par la chèvre et le serpent dont les levers annonçaient le printemps et l’automne, unis au Lion qui était le signe solsticial. Le monstre qui avait trois têtes, de chien, de loup et de lion, était un emblème de même espèce, composé de la route du Soleil dans les signes supérieurs, et annonçait le passage du Soleil dans les signes inférieurs; aussi il était placé près du Génie des Enfers; il marquait les trois principaux points de la sphère; le levant où était le loup, le couchant où était le chien, et le méridien où était le lion solsticial, lorsque le Soleil se levait en automne. Le chien des enfers le Cerbère, avait aussi la tête hérissée de serpents, parce que la constellation de l’Hydre se trouve placée au dessus de celle du chien; il<figure dans la descente d’Hercule aux Enfers, parce que quand le Soleil est dans cette partie du Ciel, la constellation d’Hercule approche de l’horizon inférieur, et que sa même massue et son bras sont couchés lorsque le Soleil parcourt les derniers degrés des Gémeaux, ou pendant l’onzième travail d’Hercule; Tous ces exemples rendent l’explication astronomique des Fables aussi certaine que curieuse. Elle est, d’ailleurs, indiquée par les Anciens: Lucien*, dans son Traité de l’Astrologie, nous dit en propres termes, que d’après les ouvrages d’Homère** et d’Hésiode***, les Fables anciennes viennent de l’Astrologie, et qu’on a pas tiré d’ailleurs l’aventure de Mars surpris avec Vénus. Hésiode appelle les Dieux enfants de la Terre et du Ciel étoilé, nés du sein de la nuit et alimentés par les eaux de l’Océan, où l’on disait en effet que les Astres descendaient tous les jours. Jamblique**** nous dit que Cheremon prêtre d’Égypte, et plusieurs autres, ne voyaient dans tout ce qu’on disait d’Isis et d’Osiris, et dans toutes les Fables sacrées, que les mouvements du Soleil et des étoiles, les phases de la Lune, l’ hémisphère supérieur et inférieur, enfin des choses naturelles, mais non des personnages qui eurent existé. Enfin il apparait que les créateurs d’anciennes Religions furent les Astronomes, et l’on retrouve tous leurs symboles dans les constellations, ou dans les mouvements du soleil, et les circonstances de l’année. On trouve également dans les étoiles, l’explication de l‘Apocalypse, commentée tant de fois, sans que personne l’ait compris; c’est le sermon mystique de la veille de Pâques, dans les mystères de la lumière; ils se célébraient à l’équinoxe, sous le signe du Bélier, le premier des signes, le chef de l’initiation ».« On y expliquait la destiné des âmes attendant au séjour du mal un état plus heureux, et le retour au séjour de la lumière dont elles étaient émanées. On choisissait le temps où le Soleil triomphe de ténèbres, pour rappeler le triomphe de Dieu à la chute de l’ancien monde ».
* Lucien: Lucien de Samosate (env.120-180) était un rhéteur et satiriste syrien qui écrivait en Grec .
** Homère: Poète grec de la fin du VIIIème siècle avant J.-C. à qui on attribue les deux premières œuvres de la littérature occidentale: l’Iliade et l’Odyssée. Aujourd’hui, on ne sait toujours pas si Homère a réellement existé, ou si son identité a été construite.
*** Hésiode: Poète grec du VIIIème siècle avant J.-C. Auteur de « Les travaux et Les jours et de La Théogonie » dont il est ici probablement question ici, et qui est considérée comme le meilleur récit des origines , pour les Grecs anciens.
**** Jamblique: Philosophe néo-platonicien né en Syrie (242-325). Selon le mythe platonicien des âmes déchues, Jamblique pense que des hommes sages ont été envoyés par les dieux pour éclairer l'humanité, composée d'âmes qui ont chuté .
« Le Bélier était le signe de la régénération mystique, comme il était l’époque de la régénération physique: aussi Dieu assis sur le trône de l’Agneau s’écrie: Je vais faire toutes choses nouvelles; et durant les premiers siècles de l’église, les fidèles attendaient la veille de Pâques, la fin du monde, la venue de l’époux, les noces de l’agneau. Le nombre sept est employé vingt fois dans l’Apocalypse le nombre douze, quatorze fois, ce qui indique bien l’allégorie astronomique: Les sept villes de la Lydie qui y sont nommées étaient comme sept loges* de la même société, et chacune était sous l’inspection d’une planète. Il parait que les mystères de cette secte, qui était l’initiation phrygienne, se célébrait à Pepuzza. Mais Jean s’adresse aux fidèles de Thyatire, où c’était la religion dominante. On y voit le Ciel appuyé sur les signes des quatre saisons, le Taureau, le Lion, l’Aigle ou la Lyre, qui répondaient au Scorpion; et l’homme ou l’ange du Verseau, qui occupait le solstice d’hiver: ce sont les symboles des quatre évangélistes. On y reconnait aussi les constellations du printemps; le vaisseau ou l’arche qui se lève le soir; la Vierge qui poursuit un serpent, comme on le voit sur le globe céleste; le fleuve de l’Éridan, que le serpent vomit pour submerger la femme; ce fleuve est en effet la constellation qui se lève au coucher de la Vierge: l’ange Michel qui terrasse le dragon, comme l’Hercule céleste remporte la victoire sur la constellation du Dragon qui descend quand celle d’Hercule monte. Un prince nommé Bélier régnait, suivant Pausanias, quand Python fut tué par Apollon. On trouve, dans l’Apocalypse, la Baleine, qui est en effet placée sur le Bélier, tandis qu’au nord monte la tête de méduse, autre constellation et l’on voit réellement sur le globe, que lorsque le Bélier se lève, il est entre la queue de la Baleine plus au midi, et méduse plus au nord, mais qui montent ensemble: Méduse est près du Génie armé d’une épée, où l’on reconnait la constellation de Persée, et qui triomphe de la première et de la seconde bête; on y voit aussi la constellation du Bouvier, qui était à l’occident, lorsque Persée était à l’orient, ainsi que le Bélier. »
« Le nombre de la bête dans l’apocalypse est 666, et c’était le talisman des anciens Astrologues; en sorte qu’on ne peut se refuser à l’explication astronomique de l’Apocalypse. La constellation de la vierge est celle qui fournit le plus d’emblèmes, le plus d’allégories, le plus de fables. Elle porte un épi, et l’on en fit Cérès, déesse des moissons. Cérès, s’unissant à Neptune, avait produit un cheval, parce que quand cette constellation se couche, celle de pégase se lève. Comme elle est voisine de la Balance, on en fit Thémis; comme elle est près de la navigation Isis: aussi la ville de Paris, qui est la ville d’Isis, avait un vaisseau pour emblème. Au printemps, elle se levait à l’entrée de la nuit; c’était la Sibylle qui ouvrait la porte de enfers; à l’équinoxe, elle ouvrait la porte du jour; au solstice d’hiver, elle se levait à minuit; c’était Janus qui commençait l’année; c’était l’étoile des mages qui annonçaient la naissance de Jésus-Christ. On représenta l’image du dieu du jour, nouveau né, entre les bras de la constellation sous laquelle il naissait et toutes les images de la vierge céleste proposées à la vénération des peuples, la représentèrent allaitant l’enfant mystique qui devait détruire le mal, confondre le prince des ténèbres, régénérer la nature, et régner sur l’Univers. J’ai cru ne pouvoir mieux terminer l’Astronomie, qu’en faisant connaitre l’usage qu’on en fit dans les siècles les plus reculés, et le moyen qu’elle fournit pour l’explication de ce qu’on célèbre encore, et dont on ne connaissait pas l’origine. On peut voir à ce sujet le Mémoire sur l’Origine des constellations. A Paris chez la veuve Desaint, rue du foin,1781 et le grand ouvrage intitulé Origine de tous les Cultes, ou Religion Universelle, 1795, 3 vol. in-4. Chez Agasse. »
* Sept loges: On peut noter au passage que Lalande appartenait à une loge maçonnique nommée: « loge des sept sœurs »