Jérôme Lalande - Abrégé d'astronomie

"Abrégé d'astronomie" publié à Paris en 1795 chez Firmin Didot - (issu de ma collection)

"L'abrégé d'astronomie" est un ouvrage qui s'adressait essentiellement à des étudiants. Il reprend les thèmes abordés dans "Astronomie".

L’abrégé d’astronomie de Lalande est un condensé de l’Astronomie dont nous venons de voir quelques extraits. Il m’a cependant paru judicieux de reprendre les premières pages de sa préface qui nous renseignent sur les motivations de Lalande pour publier un tel ouvrage. Un peu plus loin à la question: A quoi sert l’astronomie? l’auteur écrit: «  Lorsqu’une fois on éprouve cette curiosité active et pénétrante qui nous porte à scruter les merveilles de la nature, on ne se demande plus à quoi sert l’étude, car elle sert alors à notre bonheur. » Il prolonge ainsi: « l’étude est d’ailleurs un préservatif contre le désordre des passions; et il me semble qu’il faut spécialement distinguer un genre d’étude qui élève l’esprit, qui l’applique fortement, et lui donne par conséquent des armes plus sûres contre les dangers dont je parle », puis il cite Sénèque professant qu’il n’était pas suffisant de connaître le bien, si par ailleurs on n’avait pas la force de le faire.

Lalande répertorie les cent constellations alors en usage. De nos jours, l’Union Astronomique Internationale en retient quatre vingt huit. A partir des quarante huit constellations définies par Ptolémée, les navigateurs voyageant dans l’hémisphère sud en avaient établi de nouvelles et Tycho Brahé avait élevé la Chevelure de Bérénice au rang de constellation. Johann Bayer les publia en 1603, dans Uranométria. A partir de cette date, divers astronomes en ajoutèrent d’autres. Par exemple Jakob Bartsch (1600-1633) en créa quatre, Johann Hevelius sept et l’abbé la Caille quatorze, alors qu’il cartographiait le ciel austral durant de son séjour au Cap. Dans l’extrait ci-dessus, Lalande explique qu’il restait encore beaucoup à faire concernant l’exploration du ciel. On notera que la planète qu’il cite sans la nommer et qui fut reconnue comme telle par William Herschel, n’est autre qu’Uranus.

Lalande connaissait les difficultés rencontrées par ses étudiants. Il leur recommandait l’achat d’une sphère céleste  afin qu’il comprennent mieux les explications qu’il donnait durant ses cours. Les origines de la sphère, qui fut la première réalisation permettant une représentation du ciel, demeurent obscurs. Les traces les plus anciennes qui attestent d’une conception sphérique de l’univers, datent du Vème siècle avant J.-C. époque où les pythagoriciens défendaient déjà cette thèse. Dans Timée, Platon évoque une maquette: « Décrire les ballets formés par ces astres, faire connaître leurs positions diverses,...ce serait se donner une peine inutile si l’on ne pouvait jeter les yeux sur quelque modèle construit à l’imitation de ces phénomènes ». Simplicius (Philosophe grec du VIème siècle) traduit en ces termes une description encore plus précise d’Eudoxe de Cnide, datant du IVème siècle avant J.-C. : « Le mécanisme destiné à représenter le mouvement d’un astre errant se compose de plusieurs orbes solides qui ont tous pour centre le centre de la Terre et qui sont contigus les uns des autres... ». Ptolémée utilisait une sphère, Tycho Brahé en construisit plusieurs et, à la renaissance, les savants se faisaient souvent représenter en peinture à coté d’une sphère armillaire. Cet objet symbolisait alors l’apogée des connaissances. On peut noter que le drapeau Portugais porte une sphère armillaire pour signifier la puissance de sa flotte à la conquête de nouvelles terres.

De très nombreuses planches permettent aux étudiants d’exploiter pleinement cet ouvrage (Ici, à titre d’exemple, la planche XV). La fig.112 expose la parallaxe des satellites joviens. La fig.113 donne onze paraboles (graduées en jours) qui illustrent les trajectoires de comètes au voisinage du Soleil et  la fig.114 montre comment mesurer le déplacement d’une tache solaire.

La révolution de 1789 engendra des prises de décision quand à l’unification des unités de mesure. Ainsi, la loi du 18 germinal de l’an III (7 avril 1795),   introduisit le mètre (défini comme un dix-millionième du quart du méridien terrestre), l’are, le litre, le gramme et le bar. La Convention avait également souhaité la mise en place d’un calendrier « républicain ». En 1793, elle avait confié cette tâche à l’Académie des Sciences qui désigna Cassini (qui se récusera), Pingré et Lalande. Après maintes péripétie au cours desquelles Lalande dut se battre pour apporter divers aménagements à ce calendrier (afin de tenir compte des données astronomiques), une loi fut promulguée le 10 messidor de l’an III (28 juin 1795). Ceci explique que l’article « 569 » ci-dessus à droite, porte la mention « ADDITION », car il fut ajouté in-extrémis à la présente édition parue justement en l’an III. Le calendrier républicain dans lequel les semaine étaient de dix jours et où le dimanche avait disparu, fut mal accueilli par la population, ce qui ne fit que révéler la rupture et la résistance des populations rurales, face au processus de régénération politique et culturelle qui animait la révolution.

 Lalande traite de la rotation des planètes, mise en évidence par les mouvements des taches à leur surface et rendue visible depuis l’apparition des lunettes. Dans les pages qui suivent cet extraits, l’auteur commente ses propres observations de taches solaires: « Depuis 1749, je ne me rappelle pas d’avoir jamais vu le Soleil sans en apercevoir quelques unes, et même souvent un assez grand nombre. C’est vers le milieu de 1763 que j’ai aperçu la plus grosse et la plus noire; elle avait une minute au moins de longueur, c’est-à-dire quatre fois autant que la Terre entière...j’en ai vu aussi de très grosses les 28 février 1759, 11 avril 1766, et 17 avril 1767. » Il poursuit: « Pour moi, je pense qu’il y a des endroits déterminés pour la formation des taches, à en juger par les grosses tâches de 1752,1764,1777 et 1778 qui me paraissent avoir été au même point physique du disque. ». Comme on le constate, les conjectures allaient bon train, bien que la caractère cyclique qui sera mis en évidence une cinquantaine d’années plus tard par Heinrich Schwabe n’était pas encore envisagé dans cet ouvrage.