François Arago - Eclipse de Soleil
Cet extrait est issu du compte rendu de la séance du 6 juin 1842 à l’Académie des Sciences. Arago y évoque une éclipse totale de Soleil à venir et évoque des phénomènes non encore résolus, sur lesquels il incite ses collègues à se pencher. Il fait ensuite quelques commentaires et rectifications. Ce document pourrait être perçu comme une sorte d’ordre de mission à l’attention des astronomes, en effet, dans son ouvrage « François Arago, un savant généreux » (2008. éd. EDP sciences) James Lequeux écrit: « C’est surtout à l’Académie des sciences, où il est chez lui et où sa position de secrétaire perpétuel le rend tout puissant à partir de 1835, qu’Arago a le loisir de faire passer ses idées… ». François Sarda écrit également à ce propos dans « les Arago » (2002.ed. Tallandier): « A l’Académie, François a rapidement acquis une place éminente. Rapporteur fréquemment sollicité, il contribue à honorer ou à écouter, à choisir pour un mémoire la publication ou la mise dans un tiroir….François Arago n’avait pas besoin de titre pour dominer l’Académie… »
Cette carte établie à partir des calculs des astronomes, fait apparaitre trois lignes qui marquent les limites au-delà desquelles l’éclipse totale n’est plus visible. Les lieux idéaux pour observer ce phénomènes étant ceux situés au plus près de la « ligne centrale » (ici, les villes de Perpignan ou de Digne) car ils permettent de bénéficie d’une durée d’observation maximale de l’éclipse totale. Ainsi, vue depuis Montpellier ( situé à 21’’,5 de la ligne centrale) l’éclipse totale commença à 5h51’14’’ et finit à 5h53’12’’ soit une durée d’observation de 1’52’’, tandis que depuis Digne situé à 1’4’’ de la ligne centrale, l’éclipse totale débuta à 6h1’8’’ et finit à 6h3’28’’ soit une durée d’observation de 2’20’’.
Parmi les questions restant à approfondir, Arago mentionne le phénomène qui se produit lors d’une éclipse totale de Soleil et qui fait apparaitre une « couronne lumineuse » autour de la Lune. Il énumère ici des observations, notant au passage la variété des interprétations qu’ont put en faire les astronomes au cours des siècles. A la différence de éclipse annulaire qui ne laisse pas voir une telle couronne lumineuse autour de notre satellite, l’éclipse totale de Soleil est effectivement la plus spectaculaire. On sait aujourd’hui que cette couronne que l’on appelle couronne solaire n’est autre que l’atmosphère très étendue du Soleil qui recouvre sa basse atmosphère , la chromosphère, seulement visible avec un coronographe ou de manière éphémère, à l’occasion d’une éclipse. En 1842, Arago ignorait la nature de cette couronne. Jules Vernes qui s’intéressait de près à la science écrivait encore vers 1873: « On sait que pendant une éclipse totale de soleil, la lune est entourée d’une couronne lumineuse. Mais quelle est l’origine de cette couronne ? ».
L’auteur soulève rapidement l’incidence d’une éclipse totale sur le comportement animal avant de passer à une partie plus propre à une analyse scientifique des observations. À ce titre l’hypothèse de l’atmosphère solaire et les méthodes proposées évoquée sur la page n°12, pour en identifier la présence sont significatives. Ainsi, dans les pages qui suivent Arago proposera d’effectuer d’autres vérifications. Par exemple, il suggère qu’une partie des observateurs délaissent l’éclipse pour déterminer le nombre et la grandeur des étoiles qui deviendront visible à l’œil nu. Il propose également aux astronomes d’observer les différences de colorations des objets terrestres et de l’atmosphère durant l’évènement. Enfin Arago en référence à des travaux infructueux, basés sur une analyse des variations d’absorption sur les « bandes de Fraunhofer » effectué lors de l’éclipse de 1836, écrit: « Supposons le Soleil entouré d’une atmosphère. Les rayons qui nous viendront des bords de l’astre auront traversé cette atmosphère dans une plus grande épaisseur que les rayons émanant du centre ». Arago recommande au astronomes de ne pas perdre de temps à effectuer une telle expérience, d’autant qu’elle peut être conduite en dehors d’une éclipse. Il veille à une bonne gestion de la recherche scientifique, montrant une fois encore sa toute puissance et une indéniable lucidité en ce domaine.