François Arago - Astronomie populaire
Astronomie Populaire est une somme des connaissances en astronomie au XIXème siècle. Cette discipline universelle apparait incontournable aux yeux de l’auteur qui écrit dans sa préface, citant Fontenelle: « Je ne demande à mes lecteurs que la mesure d’intelligence qui est nécessaire pour comprendre le roman d’Astrée, et en apprécier toutes les beautés » ce à quoi il ajoute: « Je serai un peu plus exigeant, mais aussi je ne me bornerai pas, comme l’ancien secrétaire de l’Académie des Sciences, à développer les théories plus ou moins plausibles qui ont trait à l’habitabilité des diverses planètes et de notre satellite; j’aborderai les questions les plus délicates de la science. Pour atteindre ce but, j’aurais besoin de plusieurs définitions et théorèmes de géométrie, d’optique et de mécanique, dont l’énoncé et même quelquefois la démonstration précèderont les développements de l’astronomie proprement dite… ». L’ouvrage est, en effet, tiré des préparations de cours que donnait Arago à l’Observatoire de Paris. Sentant sa fin proche, il concluait ainsi son avertissement au lecteur : « Galilée, déjà aveugle depuis quelques temps, écrivait en 1640 que se servir des yeux et de la main d’un autre , c’était presque comme jouer aux échecs les yeux bandés ou fermés. Pour moi , dans l’état de santé où je me trouve au moment ou je dicte ces dernières lignes, ne voyant plus, n’ayant que quelques jours à vivre encore, je ne puis que confier à des mains amies, actives et dévouées, une œuvre dont il ne me sera pas donné de surveiller la publication.»
Dans la préface de cette deuxième édition, on peut lire, sous la plume de J-A Barral qui en assura la publication: « Depuis son apparition, le succès de l’Astronomie Populaire n’a fait que croitre chaque jour. C’est que cet ouvrage, en embrassant tout le passé de la plus grande des sciences, en décrivant son état présent, a ouvert aussi les horizons de l’avenir le plus reculé... ». Je ne m’attarderai pas sur le contenu purement astronomique de cet ouvrage, pour n’en extraire que quelques passages où il est question de capacité oculaire, de mesure de la vitesse de la lumière ou d’habitabilité des objets célestes. Je présente dans l'article suivant un fascicule qui restitue l’observation de l’éclipse totale du Soleil, pour le 2 juillet 1842.
Tout au long de sa carrière, Arago s’est évertué à inciter ses collaborateurs à pousser plus loin leurs investigations. A ce titre, il est bien plus qu’un simple scientifique, il est un émulateur de la science et de la recherche. On retiendra, par exemple, l’influence qu’il eut sur Léon Foucault, en le poussant à poursuivre ses expériences sur les miroirs tournants afin de mesurer la vitesse de la lumière, mais aussi la promotion qu’il fit, auprès de l’Académie, du procédé photographique de Daguerre ou encore ses encouragements à Urbain Le Verrier afin qu’il s’engage dans les calculs qui le conduisirent à découvrir la planète Uranus.
La « durée de la sensation de la vue » n’est autre que la persistance rétinienne, phénomène connu depuis fort longtemps. Ainsi, dans La république, Platon en fait état, dans l’allégorie de la caverne: «au moment où il aurait la vue faible, avant que ses yeux ne fussent rétablis - et le temps ne serait pas court, tant s'en faut ! jusqu'à l'habitude…». Léonard de Vinci se penche également sur cette question écrivant: «Si l'œil qui regarde l'étoile se tourne rapidement de la partie opposée, il lui semblera que cette étoile se compose en une ligne courbe enflammée. Et cela arrive parce que l'œil réserve pendant un certain espace la similitude de la chose qui brille et parce que cette impression de l'éclat de l'étoile persiste plus longtemps dans la pupille que n'a fait le temps de son mouvement…». Arago mentionne l’expérience effectuées par Patrick d’Arcy (1725-1779) qui parvint à mesurer la durée de la persistance rétinienne, avant d’évoquer l’acclimatation de l’œil à la vision nocturne, bien connue des observateurs.
La sensibilité de l’œil, ne s’explique qu’à partir du moment où l’on connait la physiologie de cet organe, ce qui n’était pas le cas à l’époque d’Arago qui, considérant l’œil comme un assemblage de trois lentilles, cherchait des causes purement optiques. Seule la présence, sur la rétine, de cellules sensibles de nature et de fonctions distinctes, ainsi que leur disposition spécifique permettent d’expliquer cette particularité de la vision. Je reviens sur la persistance rétinienne qui se traduit par une sorte de mémorisation de l’image durant environ 1/12ème de seconde. Elle est attribuée au temps de traitement biochimique des signaux reçus par la rétine, transmis au cerveau. Cette propriété que possède l’œil est exploitée par le cinéma qui à partir d’une succession d’images fixes parvient à donner l’impression d’un mouvement continu. Elle donna également lieu à la mise au point d’un grand nombre d’appareils au noms barbare de thaumatrope, folioscope, phénakistiscope, zootrope, praxinoscope …
L’auteur aborde ici le caractère infini de l’espace céleste et le fait que si tel est le cas les étoiles devraient couvrir la totalité du ciel, ce qui aurait pour effet de nous faire apparaitre le ciel nocturne avec une luminosité homogène. Ce paradoxe, nommé « de Chezeaux - Olbers » pose la question des différences d’intensité lumineuse que l’on constate selon les zones de la voute céleste observées. Pour y répondre, Arago envisage l’hypothèse qu’une proportion des étoiles est « obscure et opaque » formant ainsi une sorte de masque réparti de manière indéfinie. De nos jours d’autres objections ont été émises, comme le fait que ce paradoxe suppose une distribution homogène des étoiles, ce qui n’est pas le cas, puisque on sait que ces dernières se regroupent sous forme de galaxies ou d’amas. Les chercheurs envisagent également que la durée de vie limité des étoiles et la vitesse fini de la lumière produisent à la mort d’une étoile une sorte de discontinuité lumineuse. Enfin l’explication la plus récente avance que l’expansion de l’univers cause une perte de luminosité des étoiles les plus lointaine de par le décalage de leur lumière vers le rouge. La question soulevée ici par Arago n’a donc toujours pas trouvé d’explication entièrement satisfaisante et le paradoxe demeure à ce jour irrésolu.
Dans ce chapitre intitulé «De l’influence des tâches solaires sur les températures terrestres» Arago tente un parallèle entre les deux phénomènes. Un certain Batista Baliani n’avait-il pas écrit à Galilée, en 1614, que «le froid devenait plus rigoureux quand le nombre de tâches augmentait». Afin de vérifier cette hypothétique influence, William Herschel amorça une étude simultanée des prix du blé de 1550 à 1717 (ne disposant pas de données météorologiques suffisantes il avait admis que le cours du blé, variait suivant les conditions climatiques) et du nombre de taches solaires observées aux mêmes époques. Les résultats ne furent pas concluants, ce qui permettra à Arago, une fois de plus de mettre le doigt sur une question pertinente tout en incitant des chercheurs à poursuivre leurs investigations.
Les résultats obtenus par Angelo Secchi mettent en évidence la corrélation entre les variations de l’aiguille aimantée et les cycles de Schwabe. Arago abondera dans ce sens après avoir fait vérifier les données par un collaborateur*. On sait que les taches solaires sont les foyers éruptifs des tempêtes solaires qui peuvent perturber sensiblement nos communications ou engendrer des dysfonctionnement sur nos grand réseaux de distribution électrique. Des chercheurs travaillent actuellement sur les vents solaires franchissant notre magnétosphère (bouclier électromagnétique qui protège la terre des rayonnements) et sur leurs possibles incidences sur le climat et l’activité tectonique ou sismique de la Terre. Sur la question de l’habitabilité du Soleil, Arago répond d’une manière qui peut surprendre de la part de cet éminent scientifique. Cette réponse que l’on pourrait de nos jours considérer absurde, ne fait, compte tenu des connaissances de son époque qu’illustrer l’ouverture d’esprit du savant.
* Jean-Augustin Barral (1819-1884) agronome, physicien et chimiste, découvreur de la nicotine. C’est lui qui supervisa la publication de cet ouvrage « Astronomie populaire » après la disparition d’Arago.
Ce chapitre, aussi explicite que réduit, montre qu’Arago croit à la pluralité des mondes habités. En cela, plus d’un siècle et demi après Fontenelle, on constate que les positions ont peu évolué. Arago n’ira pas cependant, comme Camille Flammarion ou Percival Lowell jusqu’à consacrer un ouvrage entier à défendre ces thèses. Si de nos jours la question ne se pose plus en ces termes auprès de la communauté scientifique, c’est parce que les progrès des chercheurs n’ont fait que repousser cette question, sans pour autant la résoudre. On continue néanmoins à cherche ou à envisager très sérieusement la présence de traces de vie extraterrestre au sein de notre système mais aussi au-delà, en particulier depuis la découverte des exo-planètes. Considérée probable et s’est définitivement écartée du modèle anthropomorphique pour s’orienter vers des organismes biologiquement plus « primitifs ».
Je reprend ici l’expérience conduite en 1849 par Hippolyte Fizeau (1819-1896) pour mesurer la vitesse de la lumière et qui fut la première qui n’utilisa pas l’astronomie. L’expérience eut lieu entre Montmartre et Suresnes, lieux distants de 8633 m. A l’aide d’une glace sans tain « M » incliné à 45°, Fizeau envoie un puissant faisceau lumineux (flèche verte) issu d’une lampe à oxygène et hydrogène, située à Suresnes, en direction d’une lunette dotée d’un miroir, installée à Montmartre. Ce miroir renvoie le faisceau (flèche rouge) vers son point de départ. C faisceau traverse alors le miroir sans tain et peut ainsi être examiné à travers l’oculaire « O ». Fizeau peut donc observer la lumière placée prés de lui, après que ses rayons aient effectué le trajet Suresnes-Montmartre-Suresnes. A ce stade, il lui reste à déterminer le temps que met la lumière pour franchir ce double intervalle. L’ingéniosité de Fizeau consiste à placer une roue dentée « R » (720 dents), mue par un mécanisme d’horlogerie capable de lui imprimer une vitesse de rotation très rapide et uniforme, sur le trajet de la lumière. Chaque fois que cette roue positionne une dent devant le faisceau de lumière, ce dernier est intercepté, tandis que lorsque se présente un intervalle situé entre deux dents, le faisceau passe librement. Supposons qu’initialement, la roue « R », encore fixe (fig.1 ci-dessus) présente un intervalle vide au passage de la lumière, l’image réfléchie sera alors observé en « O » sans affaiblissement. Si maintenant la roue tourne avec une vitesse telle que chaque dent mette, pour venir occuper la place du vide qui la suit, un temps supérieur à celui nécessaire pour que la lumière effectue son aller-retour, l’observateur pourra encore observer la lumière (fig.2). Enfin, la rotation de « R » atteindra une vitesse telle, qu’une partie des rayons lumineux trouvera son passage progressivement fermé par une portion croissante de dent, et ce, jusqu’à ce que la vitesse de la roue dentée soit telle que le temps employé par une dent pour occuper le vide qui la précède soit précisément le même que celui que met la lumière pour effectuer son trajet. Ensuite, compte tenu de la distance parcourue par la lumière, soit: 17.266 m, de la vitesse de rotation de « R » et du nombre d’intervalles de cette roue, Fizeau put évaluer la vitesse de la lumière à 315.000 km/s.