Abbé Para du Phanjas - Physique
François Para du Phanjas (1724-1797) est né au château de Phanjas à Chabottes en Dauphiné. Il fait ses études au collège jésuite d’Embrun et rejoint la Compagnie de Jésus. Il enseigne les mathématiques et la philosophie à Marseille, Grenoble puis Besançon, où il acquiert une grande renommée. L’historien régional Jules Louis Chérias s’en fait l’écho en ces termes « A Besançon, son cours de philosophie réunit jusqu’à trois cent élèves, et de plus, tous les savants de la ville; il fit de cette simple académie de province, comme une Sorbonne nouvelle... » Para du Phanjas possède une connaissance approfondie des langues anciennes comme l’hébreu, le grec et le latin.
En 1773, la Compagnie de Jésus est supprimée par le Pape Clément XIV, sous la pression des Bourbons. Para du Phanjas rejoint alors Paris où il est accueilli par l’archevêque Christophe de Beaumont qui lui obtient une bourse, accordée par la princesse Adelaïde, tante du Roi Louis XVI. L’assurance de revenus fixes lui permet de se consacrer à ses travaux scientifiques et littéraires. Durant cette période il se lie avec la plupart des savants de son époque. En 1790, il prête le serment qu’exige la constitution civile du clergé, mais il se rétracte et devient réfractaire dès 1791, lorsqu’il prend connaissance de la position du pape Pie VI qui considère, sur certains points, cette constitution hérétique et sacrilège. Para du Phanjas termine ses jours à l’hospice des Madelonnettes et meurt à l’âge de 73 ans. Son œuvre scientifique et philosophique compte parmi les ouvrages les plus connus: Éléments de métaphysique sacrée et profane, Théorie des êtres insensibles, (dont je présente ici des extraits du tome IV, Cours de physique spéculative, Tableau historique et philosophique de la religion, Théorie des nouvelles découvertes en physique et en chimie). Para du Phanjas est connu pour être un des premiers à avoir ouvertement attaqué, je le cite: « Cette philosophie qui ouvre la porte à tous les désordres, et ces systèmes qui ne tendent à rien moins qu’à abolir la force sacrée des lois, qu’à souffler et à cimenter l’anarchie, qu’à rompre tous les liens qui unissent les hommes, qu’à saper tous les fondements des empires ».
Para du Phanjas porte un jugement quelque peu réducteur sur l’astronomie des anciens. Il semble que les progrès réalisés grâce à l’apparition des lunettes d’observation aient minimisés, à ses yeux, l’apport du travail de défrichement et l’établissement de divers répertoires, auquel se sont livrés les anciens. Nous verrons par exemple dans le tome suivant, à propos de l’astronomie chinoise, que le jugement de Para du Phanjas est certainement trop hâtif. On peut cependant se réjouir que cet homme d’église n’ait eu aucune peine à adhérer à la vison copernicienne du monde et qu’il ait intégré, à la fois les théories de Kepler et leurs conséquence révélées par Newton, ce qui n’était pas le cas de bon nombre parmi ses confrères qui s’acharnaient à réfuter des évidences. Ainsi, en ce qui concerne ce type de connaissances, chez Du Phanjas, la raison ne cède pas devant le dogme.
L’abbé fait une description originale de la perception visuelle. Il justifie ainsi l’origine des constellations et nous cite deux catégories distinctes d’objets célestes: les étoiles et les étoiles nébuleuses. La nébuleuse d’Orion est mentionnée comme possédant quelques étoiles, dont la brillance parait insuffisante pour justifier l’existence de ces amas de lumière qui demeuraient encore énigmatiques. L’auteur qui évoque de manière plus générale la création, en profite pour l’élever bien au delà des considérations terrestres. Avec un texte d’apparence anodine, il parvient ainsi à indiquer une voie médiane sur laquelle la foi n’est pas forcément antagoniste à la raison. Concernant les nébulosités, il fait d’ailleurs référence aux saintes écritures, notamment à la Genèse, où il est écrit que la lumière fut crée avant le Soleil. De là à en déduire que les nébuleuses engendrent les étoiles, il restera encore bien du chemin à parcourir.
Du Phanjas traite d’un phénomène qui a toujours interpellé astronomes et physiciens: l’apparition de nouvelles étoiles et la disparition d’étoiles existantes. Il cite les Pléiades, que les premiers observateurs décrivirent comme formées de sept étoiles et dont il n’en reste aujourd’hui que six de visibles à l’œil nu. En fait, vers l’an 1.000 avant J.-C. une des sept étoiles de cette formation perdit en intensité au point de ne plus être visible. Dans la mythologie, ces sept étoiles symbolisaient sept jeunes femmes, dont six, très belles, se laissaient admirer alors que la septième, ne se trouvant pas assez belle pour demeurer parmi ses voisines, se dissimulait. Dans cet extrait, il est également question d’une apparition éphémère dans Cassiopée (probablement la supernovæ observée par Tycho Brahé, qui la décrit comme un astre « bravant l’éclat de vénus »). L’auteur tente ici de donner des explications raisonnées à ces phénomènes.
En dépit de l’affirmation que Dieu a organisé les mouvements de tous les astres, avec pour dessein d’éviter entre eux toute collision, le mouvement des comètes est ici décrit avec clarté. Sénèque semble faire partie des « incontournables » dès lors qu’il est question de comètes. A la suite de cet extrait, l’auteur rejettera la vision aristotélicienne: « On regardait communément les comètes, comme des Météores mal-faisants, ignés ou lumineux, qui se formaient de vapeurs ou d’exhalaisons très subtiles dans la plus haute région de notre atmosphère; et qui après y avoir fermenté et brillé pendant un temps plus ou moins long, s’y dissipaient et répandaient sur notre globe les venimeux principes dont ils étaient composés. De là, selon le préjugé alors reçu, les guerres, les pestes, l’intempérie des saisons, la défoliation des villes et des campagnes, la fermentation des esprits, la stérilité de la terre, les différents fléaux qui affligent le monde sublunaire, pendant et après l’apparition de ces astres sinistres, l’épouvantail du genre humain. »
En préalable à ce texte, l’auteur prend soin de préciser: « l’astronomie physique est la science des causes primitives qui produisent ou qui perpétuent dans les corps célestes les divers mouvements qui les animent. Ces causes primitives, qui donnent le branle à toute la nature, qui produisent tous les grands phénomènes que nous observons dans le monde planétaire, sont, selon Descartes, l’impulsion dans le plein; selon Newton, l’attraction dans le vide. Il serait difficile d’imaginer deux systèmes plus diamétralement opposés; deux systèmes où la fausseté de l’un entraine plus palpablement la vérité de l’autre. Le règne du premier a été brillant, mais peu durable: les plus beaux génies de l’Europe ont fait d’inutiles efforts pour le garantir de la ruine inévitable, où l’entraine de toute part le défaut de simplicité, de vraisemblance, de conformité avec des phénomènes... »
L’obliquité de l’écliptique est un des plus ancien problème auquel les astronomes ont été confronté. Tous les grands astronomes on effectué sa mesure. J’ai relevé, dans Histoire de l’astronomie ancienne de J.B Delambre, une référence au père Gaubil (voir article sur les "L'astronomie chinoise-Lettres édifiantes et curieuses") qui précise, qu’un astronomie un chinois nommé Tchou-Kong aurait établit en 1.100 av. J.-C. l’obliquité à 23°54’02’’. Comme on le constate sur le tableau, la valeur de cet angle ne cesse de diminuer au cours du temps. Les mathématiciens et astronomes Euler et Laplace ont proposé une explication à ce phénomène. Selon eux, les interactions gravitationnelles de toutes les planètes dont les orbites sont diversement inclinées, tendent à ramener leurs inclinaisons sur un même plan. Leurs actions respectives sont toutefois combattues par la masse solaire. Par le calcul, Laplace en déduira, d’une part que cette variation est périodique et d’autre part qu’elle ne saurait varier au-delà de 2 à 3°.
Les figures de cette planche illustrent le phénomène de variation de l’écliptique au cours du temps.
Il est ici question du vide, en tant que condition permettant à l’attraction de s’exercer sans contrainte. Ainsi, en admettant ce qu’il qualifie de « Loi générale et primitive du créateur », l’abbé du Phanjas se positionner implicitement en faveur de l’attraction, telle que la décrit Newton. Il aura cependant soin de comparer les théories de Descartes et de Newton avant de conclure: « La brillante et féconde imagination de Descartes osa entreprendre de remplir les vides de cette admirable machine; osa lui prêter une infinité de chimériques ressorts, dont elle n’a pas besoin, qui l’embarrassent, qui ne peuvent que la ruiner et la détruire. Le sublime génie de Newton a fait main-basse sur tous ces ressorts postiches, sur tout cet échafaudage étranger à la nature; et a réduit l’Ouvrage du créateur à n’être dans nos idées, que ce qu’il est en lui-même. Tel est l’honorable reproche qu’on ose faire à Newton, dans un ouvrage qui eut rétabli le règne des tourbillons, si le génie pouvait réaliser la fable. »
Après avoir disserté sur les effets, Para du Phanjas aborde ici « La » cause . Alors que personne ne savait donner une explication physique à l’origine des mouvements célestes. On admettra fort bien que cet abbé, scientifique et néanmoins homme d’église, puisse attribuer le mouvement céleste à la main du « Créateur ». Il écrit: « Quelque parti que l’on prenne entre ces deux grands hommes (Descartes et Newton), entre ces eux restaurateurs de la philosophie, on est forcé de reconnaître et un premier auteur et un éternel conservateur de la Nature, qui seul a établi et qui seul effectue les lois de mouvements qu’il lui a librement donné. Une physique dans laquelle on ne supposerait point de Dieu, où dans laquelle on ne supposerait qu’un Dieu oisif et sans action, serait une physique plus digne d’un stupide épicurien, que d’un philosophe éclairé. »