Héraclide Du Pont (-390 à -339)

Héraclide du Pont, dit le Pontique (-390 à -339) fut historien, philosophe et astronome. Son œuvre est si riche et variée qu’elle embrasse toutes les disciplines. Riche, orgueilleux, vivant dans le luxe et la démesure, il étale un tel faste que les athéniens transforment son surnom de Pontique en Fastueux (en grec les deux mots sont très proches). Mais toute cette extravagance n’empêche pas ses contemporains de le reconnaitre comme un des plus grands érudits de son temps. Disciple de Platon, il suit également l’enseignement des pythagoriciens ainsi que celui d'Aristote. Cependant il conserve sa liberté de pensée et ne s’aliène à aucune doctrine. Deux de ses ouvrages "De la Nature" et "Des choses qui sont dans le ciel" , ont marqué de leur sceau l’histoire de l’astronomie. En temps que philosophe, Héraclide exagère les positions de son ami Platon, concernant le caractère divin du monde. Mais ce dernier lui garde sa confiance, au point qu’il lui aurait demandé d’assurer la direction de son école durant un de ses voyages en Sicile. Ce qui nous intéresse ici dans l’œuvre d’Héraclide, c’est sa vision d’un monde qu’il décrit sans bornes, dans lequel l’éther infini accueille tous les astres qu’il considère entourés d’air (comme la Terre) et qu’il prétend habités. Pour lui, les comètes sont des nuages situés très haut, éclairés par la lumière supérieure . Les âmes sont de même nature que la lumière et séjournent dans la voie Lactée avant de rejoindre les corps.

Sa cosmologie est remarquable, elle dépasse celle des pythagoriciens. Il y explique que la Terre tourne d’orient en occident sur elle-même « autour du centre du monde » et ce, sur un axe invariable. Il est le premier à affirmer aussi clairement son opposition au dogme sacré de l’immobilité de la Terre. Pourtant, il ne pousse pas davantage ses investigations et conserve d’autres hypothèses pythagoriciennes comme celle de la vitesse uniforme des astres ou de la parfaite circularité de leur course dans le ciel. Parallèlement, il innove en rejetant le point de vue de ses maitres Platon et Aristote, lorsqu’il réfute leur vision concentrique des sphères célestes, au profit d’une proposition plus ingénieuse: S’il admet en effet, comme ces derniers, que la Terre est au centre du monde, il proclame que les astres Vénus et Mercure ont de « petites orbites », laissant en dehors d’elles, la Terre et le centre du monde pour aller graviter autour du Soleil en le suivant dans sa révolution annuelle (partie droite du schéma ci-dessus ). Grace à cette affirmation, Héraclide sera le premier à considérer Vénus et Mercure comme des satellites (au sens actuel du terme) du Soleil. On peut regretter qu’il n’ait pas étendu sa vision aux autres planètes et à la Terre elle-même… Mais ne soyons pas impatients, laissons l’histoire évoluer au rythme qui lui est propre.

Si on s’en réfère à certains récits comme ceux d’Hippobote ou de Démétrius de Magnésie (paraissant suspects aux yeux des historiens), la fin que connut Héraclide fut pour le moins mouvementée. Parlant de lui: « Il tua, dit-on, un homme qui avait usurpé la tyrannie à Héraclée. Pendant une famine, ses compatriotes envoyèrent consulter l’oracle, qui, gagné par les présents d’Héraclide, répondit que le fléau cesserait si les Héracléens décernaient une couronne d’or à ce philosophe et s’ils s’engageaient à l’adorer comme un demi-dieu après sa mort. Héraclide fut en effet couronné en plein théâtre; mais au milieu de son triomphe, il périt frappé d’apoplexie; en même temps la pythie, qui s’était laissée corrompre, mourait mordue par un serpent. Dans la prévision de sa fin prochaine, Héraclide avait recommandé à ses amis de cacher son corps, et de mettre à sa place un serpent, afin que l’on crut qu’il avait été enlevé au ciel. La ruse fut découverte et au lieu d’honneurs divins, Héraclide ne recueillit que le ridicule ». Bien qu’il paraisse curieux d’entendre de telles légendes autour d’un homme aussi prestigieux qu’il le fut, on notera que la présence permanente de la mythologie, chez les Grecs, développe une extraordinaire capacité à s’attacher autant à des personnages imaginaires, qu’à des personnages ayant réellement existé.