Robert Grossetête (1175-1253)

Robert Grossetête (1175-1253) est né à Stove dans le Suffolk. On sait très peu de choses sur sa vie. Il débute probablement ses études à Hereford où il excelle dans les arts libéraux, le droit canonique et la pharmacopée, puis, il se rend à Paris et enseigne quelque temps avant de regagner son pays. Protégé par Simon de Montfort, alors comte de Leicester, il est nommé archidiacre avant de succéder à Hugues de Galles en tant qu’évêque de Lincoln. Sur le plan historique sa carrière est marquée par ses démêlés avec le pape Innocent IV, dont il réfute certains choix concernant des nominations douteuses. Il fait preuve d’une attirance prononcée pour la philosophie et s’intéresse à l’astronomie et à la cosmologie. Une partie de son œuvre réside dans des commentaires sur la physique et la logique d’Aristote. Il soutient que la Terre, tout comme les planètes, est une sphère. Il est un des premiers occidentaux à penser que les mathématiques et la géométrie conviennent à expliquer le monde physique. On lui doit un projet de réforme du calendrier julien, dont il met en évidence les imperfections. Dans une de ses œuvres majeures "De Luce ", il produit un texte scientifique où il affirme que la lumière est la source de toute matière. En voici quelques extraits:

« Je pense que la lumière est la première forme corporelle... En effet, la lumière en soi, se diffuse elle-même en toutes directions, de telle façon qu'un point de lumière engendre instantanément une sphère de lumière aussi grande que possible…L'essence de la corporéité est telle qu'elle a pour corrélat l'extension de la matière selon trois dimensions…J'ai cependant déclaré que c'est la lumière qui possède par soi cette faculté de s'automultiplier et de se diffuser instantanément en toutes directions… Donc tout ce qui effectue cette action est, soit la lumière elle-même, soit une chose qui le fait en tant qu'elle participe de la lumière elle-même, qui seule effectue cette action par soi »

« Les sages pensent que la première forme corporelle a une essence plus digne, plus excellente et plus noble que toutes les formes qui la suivent. La lumière a une essence plus digne, plus noble et plus excellente que toutes les choses corporelles. La lumière est donc la première forme corporelle… La lumière, qui est la première forme créée dans la matière première, s'automultiplie elle-même de tous côtés une infinité de fois, et s'étend uniformément en toutes directions. Au commencement des temps, elle déployait la matière, qu'elle ne pouvait laisser derrière elle, en l'étirant avec elle en une masse proportionnée à la taille de l'édifice du monde… La lumière, par sa multiplication infinie en toutes directions et de façon égale, étend également la matière de tous côtés, en une forme sphérique. Par une conséquence nécessaire de cette extension, les parties extrêmes de la matière sont plus étendues et plus raréfiées que les parties internes, proches du centre.»

« La lumière est la forme et la perfection de tous les corps, mais elle est plus spirituelle et simple dans les corps supérieurs, et plus corporelle et multipliée dans les inférieurs… L'unité de la forme, la dualité de la matière, la trinité de la composition et le caractère quaternaire du composé, font dix en étant additionnés... dix est le nombre parfait dans l'univers, parce que chaque tout parfait a quelque chose en lui comme la forme et l'unité, et quelque chose comme la matière et la dualité, et quelque chose comme la composition et la trinité, et quelque chose comme la composé et la structure quaternaire.»

Comme on le constate dans ce dernier extrait, nous sommes  loin de l’approche scientifique telle que nous la connaissons aujourd’hui, il n’en demeure pas moins qu’on peut déjà voir apparaitre un effort de rationalisation. C’est une des raisons pour laquelle Robert Grossetête se démarque parmi ceux de son temps et qu’il est considéré comme un contributeur important du développement intellectuel de la scolastique médiévale.