Nicolas de Cues (1401-1464)

Nikolaüs Krebs, dit Nicolas de Cues (1401-1464) est un théologien et scientifique allemand, né d’une famille modeste (son père était pêcheur). Il entre dans un monastère et entreprend des études qui le conduisent à Padoue où il parfait ses connaissances en philosophie, en droit et en mathématiques. Il aurait été initialement juriste puis, il entra dans les ordres en tant que simple moine. Il sera par la suite nommé évêque de Brixen. En 1436, il présente une réforme du calendrier lors du concile de Bâle. Les papes successifs, Eugène IV, Nicolas V et Pie II, ont fréquemment recours à ses services pour diverses missions. En 1448, Nicolas V le nomme Cardinal et l’envoie en Allemagne pour mettre de l’ordre dans la vie religieuse. En quinze mois, il parcourt plus de soixante dix villes, publie des décrets, préside des synodes, tranche des conflits, stoppe les levées abusives d’impôts ecclésiastiques, punit le commerce dans les églises et nomme des délégués. Sa tâche la plus ardue consistera à réformer la vie dans les monastères où les habitudes de luxe et de concubinage sont très répandues. Durant cette légation, il se heurtera à l’opposition de l’archiduc Régismond III qui parvient à le capturer et qui exige pour sa libération une énorme rançon, ainsi que l’annulation de tous ses décrets. En 1458, il rentre à Rome où il est nommé vicaire général par Pie II. Il n’est pas astronome, mais son œuvre philosophique aura une influence considérable sur cette science. Sa doctrine particulière conduit à une remise en question du géocentrisme et du caractère fini de l’univers, alors fondement de la cosmologie médiévale. Si elle n’était pas passée inaperçue ou partiellement incomprise lors de sa parution, son œuvre lui aurait certainement valu de sérieux ennuis.

De Cues nous dit, dans son plus ancien traité philosophique « La docte ignorance », que le vrai absolu ne peut être saisi par aucune intelligence finie. Indivisible, il ne s’accommode d’aucun plus ni d’aucun moins et ne saurait être saisi par un être. Le vrai absolu s’oppose à la raison au point que nous ne pouvons rien savoir de lui. « L’homme est seulement d’autant plus savant qu’il se connait plus ignorant ». Fort de sa docte ignorance, De Cues poursuit par une considération qui lui permet d’asseoir son postulat fondamental: « Maximum absolutum incompraehensibiliter intelligitur, cum quo minimum coincidit », ce qui signifie: « Le maximum absolu dont la compréhension nous échappe est identique au minimum absolu ». En effet, ce maximum absolu est tel, qu’il n’existe aucun nombre plus grand que lui, il est donc nécessairement unique. Cette unité minimum absolu des nombres, n’est pas un nombre, mais elle est le principe (l’origine) de tous les nombres. Elle en est aussi la fin, puisqu’elle est identique au maximum absolu. Ces affirmations qui demandent un petit effort pour être comprises, annoncent pour la première fois l’existence de l’infini et s’opposent frontalement à Aristote pour qui les nombres, comme les autres choses, sont tous finis; c’est-à-dire qu’on peut toujours, par voie d’addition, en former un plus grand. De même qu’on peut également, par soustraction, en former un plus petit et cela jusqu’à ce qu’on arrive à l’unité qui, elle, n’est plus un nombre. Pour De Cues, il existe donc un maximum absolu, identique au minimum absolu et ce principe vaut pour toute chose: « en nombre, en substance, en quantité, en qualité et aussi en tout ordre, y compris pour leur commencement et leur fin ». A travers cette affirmation , De Cues établit l’éternité et la puissance infinie de Dieu, mais le revers (si je peux le qualifier ainsi) est qu’il en est de même pour l’Univers qui, infini, ne saurait donc avoir la Terre (finie) comme son Centre. La cosmologie de De Cues rejoint celle de Pythagore, selon lequel la Terre tourne autour du Soleil. De Cues s’exprimera enfin sur les inexactitudes des tables alphonsines et prétendra (à tort) avoir réussi à résoudre la quadrature du cercle. Il est considéré comme un des instigateurs de la révolution astronomique qui marquera les siècles suivants.