Alphonse X de Castille (1252-1284)

Alphonse X « le savant » (1252-1284) est roi de Castille et de Léon. Son règne tourmenté est marqué par une succession de combats contre les Maures, de démêlés avec les souverains d’Europe, de tentatives de rapprochement avec l’empereur germanique, de tensions avec le Saint-Siège et une multitude de désordres internes. Ce roi qui se débat dans les agitations politiques de son règne, marque en revanche dès sa jeunesse un vif intérêt pour l’étude des sciences. Il est un érudit en avance sur son temps. Au contact des savants juifs, arabes et chrétiens, il étudie l’astrologie et l’alchimie. Ses brouilles successives avec les papes Alexandre IV, Urbain IV, Clément IV et Grégoire X, lui permettent en contrepartie de conserver une certaine indépendance. Il se sert même, sans scrupule, dans les caisses d’un clergé qui dispose alors de riches revenus, bien que parallèlement il soit accusé d’impiété. Alphonse X n’est pas un astronome, cependant sa contribution au rayonnement de cette science est loin d’être négligeable. En effet, c’est lui qui (suivant les historiens) réunit à partir de 1242 les plus grands astronomes de son temps parmi lesquels: Ibn Mousa, Joseph ben Ali, Jacob Abuenn, Samuel et Josuah el Connoso, sous la direction du juif Isaac ben Saïd ou de Abou Ragel, son maitre d’astronomie personnel. Ces savant établirent, à partir de l’Almageste, des tables complètes du mouvement de tous les astres. Ils ne produisent pas de nouvelle théorie ou ne remettent pas en cause le système géocentrique mais s’évertuent à corriger au mieux les erreurs commises par Ptolémée.

Cet ouvrage les mobilise durant quatre ans et son coût, considérable, s’élève à 40.000 ducats. Ces tables connues sous le nom de Tables alphonsines, paraissent en 1252 et coïncident avec le début du règne d’Alphonse X. Elle se sont substituées aux anciennes tables de Ptolémée et permirent une détermination plus précise de la durée de l’année. Par exemple, elles indiquent le lieu exact de l’apogée du Soleil à  23°40’ dans le Gémeaux, ce qui s’avère exact à 1°30’ près. Les astronomes qui ont étudié ces tables par la suite, déplorent leur complexité et la présence de calculs inutilement alourdis par la prise en compte d’un système de précessions des équinoxes totalement imaginaire nommé La trépidation des fixes. Dans ce système les astronomes d’Alphonse X partent du principe que les étoiles ont un mouvement inégal en longitude, tantôt accéléré, tantôt ralenti et tantôt moyen. Ils vont même jusqu’à le représenter sous les traits d’un cercle de 18° de rayon dont le centre parcourt l’écliptique en quarante neuf mille ans, pendant que les points marquant les équinoxes sur la sphère des étoiles, parcourent la circonférence de ce cercle en sept mille ans.

Il est probable que le choix de ce nombre (7.000) ait été influencé par les juifs cabalistes participant au projet et qu’il n’a pas vraiment de rapport avec les mesures qui ont pu être effectuées à cette occasion. La légende raconte que le roi Alphonse X, bien qu’éduqué à la connaissance des sciences, eut tant de mal à comprendre ces calculs complexes qu’il s’écria: « Si Dieu, avant de créer le monde avait pris soin de me consulter, j’aurais pu lui donner quelques bons conseils ». Tous ces savants convoqués qui ont été regroupés pour travailler ensemble à Tolède ont également produit un ouvrage: Libros del saber de Astronomia, comportant une étude complète sur les fixes de la huitième sphère (étoiles) « las estrellas de la octava esfera » dans lequel apparaissent de larges emprunts à l’Almageste. Les quarante huit constellations représentées sont en effet calquées sur les dessins des vieux manuscrits. L’œuvre est complétée par un traité sur les astrolabes et sphères armillaires, fortement inspiré des manuscrits d’Al Battani.