Al Mamun (786 - 833)

Après la mort de Ptolémée, l’école d’Alexandrie subsiste encore quelque temps, portée par sa renommée, sans qu’aucun savant n’ait l’envergure nécessaire pour la maintenir au niveau où elle s’était hissée. Le renouveau de la science en orient suit l’évolution des conquêtes militaires et territoriales arabes qui progressivement s’établissent de l’Afghanistan à la Turquie et de la Perse à l’Espagne. Les califes successifs favorisent l’éclosion de nouveaux foyers d’émulation culturelle en particulier au Caire et à Bagdad, en y fondant des écoles. Le premier à nous laisser une trace significative est Haroun al Rachid qui règne à Bagdad de 786 à 809 et ordonne la construction d’une  maison de la sagesse, Bayt al Hikma , qui n’est à l’origine qu’une immense bibliothèque qui par la suite s’ouvrira plus largement vers l’extérieur. Ainsi, sous le règne de son fils Al Mamun (786-833) qui dure de 814 à 833, la « maison de la sagesse »  accueille à Bagdad « avec une grande tolérance » des savants de toutes origines et confessions.

Dans le but de réunir les savoirs de son temps, Al Mamun organise une véritable collecte d’ouvrages hébreux, syriaques, grecs et indiens. Il impose, dans un traité de paix signé a l’empereur byzantin Michel III, que ce dernier lui fournisse les ouvrages en sa possession. Il met en place depuis l’ile de Chypre, alors conquise, une organisation logistique pour permettre d’assurer le rapatriement vers Bagdad des livres recueillis. Ces ouvrages sont ensuite transcrits en arabe par des traducteurs dont le travail est lui-même contrôlé par une commission qui se réunit chaque semaine sous la présidence du calife lui-même. Comme on peut le constater, Al Mamun a compris que le savoir contribue au rayonnement de son peuple. Il en fera un vecteur de sa stratégie géopolitique (Cette remarque n’enlève rien à son propre intérêt pour les sciences). Il a pour ambition de faire de l’arabe « la langue universelle du savoir ». L’astronomie retrouve alors une place de choix. Al Mamun fait construire deux observatoires, un à Bagdad et l’autre à Damas, à partir desquels il effectue personnellement une mesure de l’obliquité de l’écliptique, qu’il établit à 23°35’ (en réalité cette valeur oscille; elle est actuellement de 23°27’). Inspirée par la méthode d’Ératosthène, il fait effectuer sur les bords de la Mer Rouge la mesure du degré terrestre. Les commentaires de Louis Pierre Sédillot (Mathématicien et orientaliste. 1808 -1975) sont évocateurs concernant cette période: « Ce qui caractérise l’école de Bagdad à son début, c’est l’esprit véritablement scientifique qui préside à ses travaux; marcher du connu à l’inconnu, se rendre exactement compte des phénomènes, pour remonter des effets aux causes, n’admettant comme vrai, que ce qui n’a été démontré par l’expérience, tels sont les principes enseignés par les maitres; les Arabes étaient au neuvième siècle, en possession de cette méthode féconde qui devait être, si longtemps après, entre les mains des modernes, l’instrument de leurs plus belles découvertes ». Sur le plan politique et militaire, le règne d’Al Mamun est perturbé par un grand nombre d’incidents. Son attachement à la vérité scientifique le met également en porte à faux avec la doctrine des religieux, en particulier lorsqu’il prétend que le Coran a été écrit et n’est donc pas Le livre éternel prétendu.

Al Khawarizmi (783-850), mathématicien et astronome, protégé d’Al Mamun et membre de la « maison de la sagesse », traduit l’Almageste, écrit deux traités sur l’astrolabe, établit des tables astronomiques inspirées de tables indiennes et dresse dans sa géographie un inventaire des latitudes et longitudes des principaux lieux connus. Voici ce qu’il dit de son calife: « L'imam et émir des croyants al-Ma'mun, m'a encouragé à composer un ouvrage concis sur le calcul « al-jabr » et « al-muqabala », limité à l'art du calcul agréable et de grand intérêt, dont les gens ont constamment besoin pour leurs héritages, leurs testaments, leurs sentences, leurs transactions, et dans toutes les affaires qu'ils traitent entre eux, notamment l'arpentage des terres, le creusement des canaux, la géométrie, et autres choses de la sorte ». A cette même époque, Charlemagne le guerrier et conquérant est sacré empereur par le pape Léon III, tandis qu’ Al Mamun, sans relâche, s’affaire de son côté à la préservation des savoirs scientifiques.