Al Battani (858-929)

Muhammad ben Djefar, dit « Al Battani » (?858-929) est né à Battan en Irak, mathématicien et astronome, il est considéré comme le plus grand depuis Ptolémée. Son père Jaber Al Battani l’initie aux sciences. Puis, il se rend à Raqqa, au nord de la Syrie actuelle sur les rives de l'Euphrate, et commence l’étude des textes grecs anciens, en particulier l’Almageste. Il s’oriente en parallèle sur des travaux plus théoriques portant sur la trigonométrie, l’algèbre, la géométrie et leurs applications aux calculs astronomiques. Parmi ses contributions les plus importantes on peut citer son travail sur la détermination des positions de l’azimut et du nadir (à l’opposé du zénith, le nadir la position du Soleil à minuit). Il calcule la durée de l'année solaire et des saisons. Il l’évalue précisément une année à 365 j, 5 h, 46 m et 24 s. Son résultat est proche de la valeur exacte (365 j 5 h 48’ 46’’).

Al Battani calcule aussi l'excentricité de l'orbite solaire qu’il situe à 0,0346 (à cette époque on pense que le Soleil tourne autour de la Terre sur une orbite circulaire). L’excentricité actuelle de la Terre par rapport au Soleil, comparable au calcul d’Al Battani, est de 0.0167; mais sa valeur se décale dans le temps. Au Xème siècle elle était supérieure à la valeur actuelle et se rapprochait donc du résultat d’Al Battani. Sa description du mouvement de l’écliptique montre que ses observations sont d’une rare qualité pour l’époque, malgré l’imprécision des instruments. En travaillant sur ses mesures d’inclinaison de l’écliptique il est également surpris de trouver une valeur plus faible que les 23°35' figurant sur les relevés des anciens. Sûr de ses propres observations, il se demande si cette diminution de l’angle ne traduit pas une erreur.

Il envisage alors que cette diminution puisse aussi être bien réelle. Il répète donc ses observations jusqu’à être absolument certain de ses mesures. Ce faisant, il découvre que l’obliquité de l’écliptique décroit, ce qui ne fut reconnu universellement qu’au XIIIème siècle. Ses travaux astronomiques traduits en latin sous le titre "De Motu Stellarum", rendent caduque la constante de précession de Ptolémée. En effet, l'obliquité de l'écliptique par rapport à l'équateur est une des valeurs fondamentales sur lesquelles reposent les calculs astronomiques. Les grecs depuis Ératosthène l’avaient évaluée à 23°51‘23", considérant cette valeur angulaire invariable. Al Battani démontre également la possibilité d’éclipses annulaires du Soleil et mentionne la variation de son diamètre apparent. Il corrige de surcroit les relevés anciens concernant les orbites de la Lune et des planètes. Ses recherches sur le moment précis d’arrivée de la nouvelle Lune seront utilisées par les religieux pour fixer le début du Ramadan. Pour résoudre les questions soulevées par ses recherches sur la sphère céleste, il élabore de nouveaux outils trigonométriques et préconise leur utilisation en astronomie (trigonométrie sphérique).

Il généralise l’usage des sinus en exploitant les idées d‘un de ses contemporains, Al Marwazi, (astronome qui travaille à Bagdad et introduit la notion d‘ombre, correspondant, en trigonométrie à notre tangente). Dans son travail purement mathématique, il est véritablement un précurseur lorsqu’il abandonne le calcul des cordes pour développer des méthodes utilisant les cotangentes dont il dresse également des tables. Il créé plusieurs formules de trigonométrie toujours utilisées de nos jours dont le basique:  tang a = sin a / cos a. Il démontre certains théorèmes, écrit de nombreux ouvrages dont le célèbre "Zeij al Sabi " , qui répertorie et commente le résultat de quarante deux années d’observations des étoiles et de relevés sur les planètes. Dans un autre ouvrage il s’intéresse à des problèmes astrologiques, à propos des conséquences sur les prédictions, des différences de positions relatives des observateurs.

Comme on peut le constater, cet astronome a une œuvre considérable. Jérôme De La Lande le classe parmi les «vingt meilleurs astronomes de tous les temps ». En effectuant mes recherches sur ses travaux et en notant la partie d’entre eux que je souhaitais évoquer, j’ai eu fréquemment besoin de me référer à des schémas. Afin d’être le plus clair possible pour l’illustration ce commentaire, j’en reprendrai certains ci-après:

A l’époque d’Al Battani, on dénombre plusieurs variations des mouvements de la Terre qui sont interprétés comme des anomalies de la course du Soleil. Voici en quelques schémas un rappel de la représentation que se faisaient les astronomes du Xème siècle, au sujet des orbites en général et en particulier celle du Soleil (considéré comme tournant autour de la Terre), ainsi que de trois particularités du mouvement terrestre. Dans la réalité, la Terre tourne en une année autour du Soleil en suivant une trajectoire elliptique.
D # D’: la distance de la Terre au Soleil est variable.

Selon Al Battani: Pour justifier la différence de distance de la Terre au Soleil au cours de l’année les Grecs, persuadés que les orbites ne pouvaient qu’être circulaires, ont imaginé le Soleil évoluant sur une orbite circulaire excentrée par rapport à la Terre. Al Battani défend ce principe lorsqu’il effectue ses mesures (Noter que, relativement, si ces mesures sont valables suivant un repère, elles le sont aussi dans le repère inverse).

Al Battani se rend compte que l’excentricité de l’orbite solaire qui peut se traduire par le rapport D’ / D,  évolue au fil du temps. Il a raison. Ce rapport varie en effet suivant un cycle d’une durée de 110.000 ans et une amplitude comprise entre 0 et – 0.06. Actuellement la valeur de cette excentricité (qui continue de décroitre) est de 0.02.

Une autre irrégularité réside dans variation de l’inclinaison de l’axe de rotation de la Terre (fig. ci-dessus), qui évolue suivant un cycle de 41.000 ans, en diminuant au rythme de 48’’ d’arc par siècle, dans un intervalle allant de α / 2 = 22° à α / 2 = 24°30’. Actuellement sa valeur est de 23°30’. Ce phénomène entraine au cours des siècles un déplacement apparent des étoiles.

On peut situer Zénith et Nadir, diamétralement opposés, ainsi que l’angle α, déterminant l’inclinaison de l’écliptique.

Al Battani découvre également la possibilité d’une éclipse annulaire du Soleil (figure.3). Le diamètre apparent de la Lune (en noir) y est inférieur au diamètre apparent du Soleil. La partie visible du Soleil apparait alors sous la forme d’un anneau. La figure 1 représente une éclipse partielle, le Soleil apparait alors sous la forme d’un croissant. La figure 2 est une éclipse totale, au cours de laquelle le Soleil disparait intégralement derrière la Lune.

Pour conclure et pondérer l’appréciation de Jérôme de La Lande, voici l’avis moins enthousiaste de l’historien Pierre Louis Sédillot : « Al Battani a joué le même rôle chez les Arabes que Ptolémée chez les Grecs; Tous deux ont reproduit l’exposé des connaissances acquises de leur temps et leurs ouvrages… comme Ptolémée, Il n’a qu’un titre fort contestable à la qualité d’inventeur que certains écrivains s’obstinent à lui donner encore ».