Abu Raihan "Al Biruni" (973-1050)
Abu Raihan, dit « Al Biruni » (973-1050?) est un des plus grands érudits arabes. Sa culture immense embrasse tous les domaines: astronomie, physique, minéralogie, médecine, pharmacie, astrologie, philosophie, ethnologie, histoire… Il est né à Khiva dans l’actuel Ouzbékistan, ville traversée par de nombreux voyageurs et marchands venus de lointaines contrées dont les récits l’ont captivé depuis son enfance. Pour l’étude des mathématiques, il fait preuve d’une étonnante précocité. Il a la réputation d’être sociable, curieux et de préférer entretenir des contacts humains plutôt que de rester enfermé dans ses spéculations intellectuelles. Il maîtrise plusieurs langues, le grec, le sanscrit, le persan, l'hébreu, en plus de l'arabe, sa langue natale. Dés l’âge de dix sept ans, il commence à rédiger livres et traités divers. On évalue aujourd’hui son œuvre à plus de cent cinquante ouvrages, renfermant treize mille pages. A vingt deux ans, il effectue des travaux astronomiques remarqués et deux ans plus tard, il devient astrologue à Djurdjian, à la cours du prince Habou al Hassan Qabus. Lorsque ce dernier perd le pouvoir en 1012, Al Biruni rentre dans sa patrie et se met au service de son souverain Abdul Abas Mamoun, dont il devient l’astrologue. C’est à cette époque qu’il échange une correspondance avec le célèbre philosophe, médecin et scientifique persan, Abn Sina (Avicenne). De nouveaux conflits ravagent le pays, son protecteur ainsi que toute sa famille seront assassinés. Al Biruni est alors fait prisonnier par le sultan Mahmoud « le ghaznévide » qui finira par utiliser à son tour ses précieux conseils d’astrologue. Ce nouveau poste lui donne l’occasion d’accompagner son maître au cours de ses séjours en Inde. Il s’enrichit en découvrant une nouvelle culture qui très vite le passionne au point, non seulement qu’il l’étudie, mais également qu’il traduise en sanscrit des œuvres de Grecs anciens. Il en rapportera une connaissance approfondie de la civilisation et de la science indienne. En 1066, il écrit "Al qanun al massudi ", (le canon de Massoudi) ouvrage monumental dans lequel il affirme que l’apogée du Soleil n’est pas fixe. Bien qu’admettant que la Terre tourne sur elle-même, il n’en rejettera pas pour autant le géocentrisme.
Al Biruni, dans son ouvrage Livre des clefs de l’astronomie , répertorie toutes les formules connues de la trigonométries applicables à la sphère et il en démontre un bon nombre, dont le plus connu est le théorème de la proportionnalité entre les côtés d’un triangle et les sinus des angles opposés.
Il produit de nombreux livres de mathématiques, dont onze sont réservés à la trigonométrie, alors devenue le principal outil des astronomes. Il corrige des erreurs de Ptolémée et établit par la suite des tables extrêmement précises où il pousse les résultats à quatre chiffres après la virgule. Sa table des sinus, appelés alors demi-cordes, est calculée avec un pas de 15’ et celle des tangentes avec un pas de 30’. Il se sert de ces tables dans ses triangulations astronomiques pour les calculs de distances et d’aires. Il écrit un traité sur le calcul des proportions et à cette occasion, détermine que le nombre π est irrationnel, c’est-à-dire qu’il n’est pas le rapport de deux nombres entiers (on nomme aussi π nombre transcendant).
Al Biruni est un contributeur reconnu dans le domaine de la physique. Par exemple, il effectue des recherches sur les poids spécifiques et mesure la densité de dix huit variétés de pierres précieuses, métaux et liquides. On lui doit également des travaux sur la fabrication de l’acier (Damas est alors un centre de production métallurgique renommé). Il effectue également des observations lui permettant d’affirmer que la vitesse à laquelle la lumière se déplace est plus rapide que celle du son. Son travail sur l’hydrostatique lui permet d’expliquer comment se créent les sources naturelles ainsi que le fonctionnement des puits artésiens. Ce véritable touche à tout de la science a encore effectué sa propre mesure du rayon de la Terre, son résultat 6.339,6 km, très proche de la réalité (6.378 km) sera utilisé en Occident jusqu’au XVIème siècle.
Dans le domaine de l’astronomie, Al Biruni s'attache aux aspects de l’Univers et aux lois régissant les étoiles. Il met en place une méthode de calcul de la circonférence terrestre que les savants occidentaux appellent « règle d'Al-Bîrunî ». Il effectue avec Abu al Wafa des observations simultanées de l’éclipse de Lune du 24 mai 997 depuis Kath, son lieu de travail et depuis Bagdad où réside son collègue. Les résultats recueillis lui permettent de calculer la différence de longitude entre les deux villes. Dans son œuvre, on trouve un traité sur la rotation de la Terre autour de son axe et des commentaires sur sa forme sphérique qu’il justifie comme le montre cet extrait du "Canon de Massoudi" : « Si l'observateur conserve encore quelques doutes sur l'incurvation de la terre, reportons-nous pour confirmation à un autre argument, à savoir son ombre. A objet rond, ombre circulaire. Si l'on observe l'ombre de la terre projetée sur la lune, on s'aperçoit que ses bords sont arrondis, surtout lors d'une éclipse totale ; on peut alors voir presque toute la circonférence terrestre projetant son ombre ainsi que sa sphéricité. Il ne peut donc y avoir de doute quant à la forme de la Terre : elle est ronde de tous côtés ».
Al Biruni, comme Al Khawarizmi, développe les fonctionnalités de l’astrolabe, Il ajoute à son tympan la ligne du crépuscule (sous l’horizon) et met au point un mécanisme sophistiqué servant à établir un calendrier qu’utiliseront les religieux pour la détermination des heures de prières musulmanes.
Vers la fin de sa vie, Al Biruni compose un ouvrage qu’on peut qualifier d’autobiographique. Il y évoque la volonté et la ténacité qu’il a dû déployer au cours des nombreuses péripéties marquant son existence. Bien qu’astrologue officiel de plusieurs princes, il sut établir les limites de cette discipline. Il écrit: « Avertissement contre l'art de faire illusion que sont les jugements astrologiques » et « Livre des soleils guérisseurs des âmes », où il met en garde contre la croyance que la vie humaine dépendrait de la conjonction des astres et de la position des planètes à l'instant de la naissance.