William Lassell (1799-1880)
William Lassell (1799-1880) est né à Bolton dans le Lancashire. Son père négociant en bois, originaire de Liverpool, est issu d’une famille d’horlogers réputés. Après ses études primaires à Bolton, William devient apprenti chez un négociant. Il y reste durant sept années avant de s’installer comme brasseur en 1825. Dans les années 1830, les liaisons avec l’Amérique contribuent à un essor sans précédent des chantiers navals de Liverpool. Les ouvriers sont de gros consommateurs de bière, chacun boit facilement dix ou douze pintes par jour (environ 9 à 11 litres !). Lassel bénéficie d’un marché porteur et fait rapidement fortune, malgré la présence estimée de plus de cinq cents brasseurs sur la seule ville de Liverpool. Astronome amateur autodidacte Lassel a réalisé son premier télescope de sept pouces de diamètre vers 1821. Une dizaine d’années plus tard, ses moyens lui permettent d’aménager un observatoire à proximité de sa demeure qui porte un nom prédestiné « Starfield » (champ d’étoiles). Il construit un télescope de neuf pouces, fixé sur une monture équatoriale, ce qui fait de lui un précurseur dans ce domaine. L’utilisation de son télescope s’avère si encourageante qu’il entreprend, vers 1844, la réalisation d’un autre télescope de vingt quatre pouces de diamètre (env. 61 cm) de conception révolutionnaire. En étroite relation avec l’ingénieur mécanicien et astronome James Nasmith, il conçoit une machine à polir, entrainée par une machine à la vapeur, avec laquelle il fabrique un miroir parabolique qui pèse à lui seul 115 kg. Il est le premier à concevoir un tube en fonte et une monture dans laquelle le métal a totalement remplacé le bois. Cette monture est la première du genre dont les portées sont effectuées avec des rouleaux insérés dans des cages en fer, permettant des mouvements d’une précision inégalée et donnant à l’ensemble une grande stabilité, propice aux observations planétaires. En 1846, l’instrument est opérationnel. Ci-dessous (à gauche), on peut comparer la monture équatoriale de Lassell avec celle, alt-azimutale, pilotée par James Nasmith (ci-dessous à droite)
Avec son instrument, Lassell observe en direction de Neptune, découverte deux semaines auparavant, grâce au calcul, par Urbain Le Verrier et il découvre à son tour un satellite de cette planète, qui portera le nom de Triton. En 1848, persévérant dans ses observations planétaires et indépendamment de l’américain Cranch Bond, il trouve deux jours après ce dernier une huitième lune de Saturne. La découverte du satellite sera attribuée à Bond, mais Lassel, quant à lui, aura le privilège de la baptiser Hypérion. En 1851, il découvre encore deux satellites d’Uranus, Ariel et Umbriel, situés sur des orbites inférieures à Titania et Oberon, découverts par William Herschel. Les performances exceptionnelles de son télescope ont largement contribué à ses découvertes. L’observation planétaire requiert des instruments qui soient à la fois dotés d’excellentes parties optiques, susceptibles de restituer les détails de surface et de coloration avec exactitude, mais également d’une monture capable de se diriger aisément vers n'importe quelle partie du ciel et, lorsque le télescope est verrouillé sur un cible, de la maintenir stable et d’être capable de la suivre sans discontinuité. Lassel a fortement contribué au développement de l’utilisation des montures équatoriales.
Bien que non scientifique, Lassell entre en relation avec de grands astronomes. En 1850, l’allemand Wilhelm Von Struve qui travaille sur les étoiles doubles à l’observatoire de Saint-Pétersbourg, séjourne à Starfield. En quittant les lieux, il oublie des documents. Pour les lui restituer, Lassel demande à Sir George Biddell Airy, qui lui rendait visite, de les lui remettre en rentrant sur Greenwich. Le fait peut paraitre anodin, mais situé dans son contexte, on ne peut que relever qu’il était très inhabituel de demander ainsi à un astronome royal de jouer le rôle de facteur. Cette anecdote montre une certaine familiarité entre Lassel et Airy. De même, lorsque la reine Victoria visite Liverpool en 1851, Lassel est le seul notable local qu’elle souhaite expressément rencontrer et pour lequel elle va faire une entorse au protocole, en s’avançant vers lui la première, lorsqu’il entre dans son salon. La même année, Lassell fait une expérience moins heureuse, en Suède où il vient de se rendre avec son ami, l’ingénieur John Stanistreet, pour observer une éclipse totale du Soleil. Le jour venu, gardant l’œil rivé sur l’oculaire, il manque de perdre la vue lorsque le verre fumé de l’oculaire se brise sous l’effet de la chaleur solaire focalisée par sa lunette. Dans l’Angleterre victorienne seuls les astronomes de la Couronne disposent de moyens suffisants pour financer leurs recherches. Les observatoires provinciaux ne peuvent pas payer correctement leurs astronomes, ce qui les contraint à partager leur temps entre l’enseignement et la routine de leurs relevés astrométriques. Les grandes découvertes seront donc, durant un temps, le fait d’amateurs fortunés qui pourront investir dans des projets innovants et coûteux. C’est le cas de Lassell, qui part s’installer sur l’ile de Malte, en hiver 1852, pour fuir la grisaille du ciel de Liverpool.
Il fait construire un nouveau télescope (gravure ci-dessus) aux dimensions impressionnantes, qu’il installe à proximité de La Valette, capitale de l’île, alors sous domination britannique. Le miroir à lui seul pèse quatre fois plus que celui du grand télescope de Herschel, soit 3,8 tonnes et il mesure 1,83 m de diamètre. La structure mobile, comprenant le tube et la monture, dépasse les dix tonnes. Cette réalisation gigantesque a fait dire en 1855 au duc d’Argyll, lors d’une cession de la British association à Glasgow: « Cet instrument en agrandissant énormément le domaine de l’astronomie, a jeté quelque incertitude sur la généralité des lois qui régissent les corps célestes et fait douter si les nébuleuses spirales obéissent bien à ces lois… ». Lassel identifie la quantité impressionnante de six cents* nébuleuses et en dessine certaines avec une précision inégalée, comme par exemple la nébuleuse d’Orion (ci-contre). Mais à son grand désespoir, il ne découvre aucune nouvelle planète, ni aucun satellite. Lassel, l’ancien marchant de bière, reçoit en 1849 la médaille d’or de la Royal Astronomical Society et la Médaille Royale en 1858. En 1870, il devient président de la « R.A.S ». Après son séjour à Malte, il souhaite s’installer à Melbourne, mais suite au refus des autorités australiennes, il est contraint de rentrer en Angleterre où il retrouve son télescope de vingt quatre pouces. Le télescope géant resté à Malte sera démonté et vendu à la ferraille en 1860, suite à des difficultés financières passagères de Lassel qui se retirera prés de Windsor, à Maidenhead, où il mourra à quatre-vingt-un ans.
* Selon le Dr Varadaraja Raman (publication du Metanexus Institute)