William Herschel (1738-1822)

William Herschel (1738-1822) est né à Hanovre en Allemagne. Son père Jacob, musicien talentueux, ne dispose pas d’une fortune suffisante pour pouvoir assurer une éducation complète à ses quatre filles et ses six garçons. Il parvint cependant à tous les initier à son art. Dés l’âge de 14 ans, William joue de la flûte et du violon dans la fanfare de Hanovre. Il étudie le français et marque un goût prononcé pour la philosophie, avec une préférence pour la métaphysique. Il a vingt et un ans, lorsqu’il accompagne son grand frère Jacob en Angleterre. Il souhaite, comme ce dernier, y trouver un métier dont il puisse vivre. Malheureusement, les relations de son frère ne suffisent pas à lui procurer ce travail et l’obligent à subir deux années de grande précarité au terme desquelles il parvient enfin à décrocher un poste d’instructeur de musique, dans un régiment cantonné à proximité de la frontière écossaise. Il s’y montre excellent musicien, au point d’acquérir une certaine renommée grâce à laquelle il est nommé organiste à Halifax dans le Yorkshire. Comme ses revenus sont modestes, il donne des cours particuliers de musique et parvient ainsi à une certaine aisance qui lui permet de se remettre à étudier les matières qu’il avait délaissées auparavant, par nécessité. Autodidacte, il achève son apprentissage du français et aborde en parallèle l’étude de l’italien, du grec ancien, de l’algèbre et de la géométrie. A vingt huit ans, promu organiste de la chapelle de Bath, il voit s’accroitre sensiblement ses revenus, mais son poste lui crée rapidement de lourdes contraintes. Bath est alors une station thermale des plus huppée et Herschel ne peut refuser de prendre en charge les nombreux élèves, enfants d’aristocrates, qui désirent suivre ses cours. Un jour, il a l’occasion de louer un télescope pour observer le ciel. Il va découvrir bien plus d’étoiles qu’il ne l’aurait jamais imaginé. A partir de ce moment débute sa passion pour l’astronomie.

Très vite, il souhaite acquérir un télescope et écrit aux fabricants londoniens dont les réponses lui montrent que les coûts de tels instruments ne sont pas à sa portée. Loin de se décourager, il décide qu’il va fabriquer lui-même son télescope. François Arago, dans Analyse de la vie et des travaux de William Herschell (éd.1843) écrit: « Le musicien de la chapelle octogone se lance aussitôt dans une multitude d’essais, sur les alliages métalliques qui réfléchissent la lumière avec le plus d’intensité, sur les moyens de donner aux miroirs une figure parabolique, sur les causes qui, dans l’acte du polissage, altèrent la régularité de la figure doucie, etc. Une si rare persévérance reçoit enfin son prix. En 1774, Herschell a le bonheur de pouvoir examiner le ciel avec un télescope newtonien de 5 pieds anglais (1500 mm) de foyer, exécuté tout entier de sa main. Ce succès l’incite à tenter des entreprise plus difficiles… » La réputation de Herschell astronome, commence à supplanter celle du musicien qui a pourtant composé entre 1759 et 1770 plus d’une vingtaine de symphonies, une douzaine de concertos, ainsi que des sonates et de la musique religieuse. Depuis 1772, il vit avec sa jeune sœur Caroline (1750-1848) qui l’accompagne parfois en chantant lors de ses concerts. En 1774, il doit quitter sa première maison de Bath pour une nouvelle habitation qui dispose d’un toit plat, qu’il va pouvoir utiliser pour ses séances d’observation. C’est à cette époque que l’astronome Royal, Nevil Maskelyne lui rend visite et se lie d’amitié avec lui. Malheureusement Herschel doit déménager une fois de plus pour une demeure qui ne dispose pas des mêmes commodités. Qu’à cela ne tienne, il descend dans la rue pour continuer ses observations. Un soir, un passant intrigué demande à jeter un coup d’œil dans son télescope, cette personne n’est autre que William Watson, membre de la Royal Society qui vient de fonder une société de savants à Bath. Il invite Herschel à se joindre à eux.

Entre 1779 et 1781, Herschel consacre une partie de son temps à mesurer les reliefs lunaires et à restituer ses travaux aux réunions de la société savante de Bath. Le 13 mars 1781, alors qu’il travaille à son catalogue d’étoiles doubles, il repère un objet qui n’est répertorié dans aucun des catalogues dont il dispose. Intrigué, il relève les positions de cet astre. Le lendemain il le retrouve à un endroit différent et ainsi de suite durant quelques jours, à tel point qu’il pense avoir trouvé une comète. Il signale sa découverte à son ami Maskelyne et à Thomas Hornsby, alors directeur de l’Observatoire d’Oxford, qui occupe la chaire d’astronomie de cette université. D’autres astronomes dont Lalande, recevront également ces données comportant suffisamment d’éléments pour effectuer des calculs fiables de trajectoire. C’est l’astronome finlandais Anders Lexell qui, le premier, établit la période de cet astre à 83 ans, tout en notant qu’il est situé à une distance du Soleil double de celle de Saturne. Le Français Pierre Simon Laplace qui a effectué également les calculs, confirme les résultats. Herschel a découvert Uranus. Suite à cet évènement il est élu « fellow » à la Royal Society et reçoit la médaille Copley. Le roi Georges III, passionné par les sciences, souhaite le rencontrer et l’invite à Windsor. L’astronome lui expose alors ses travaux et les péripéties rencontrées lors de la réalisation de ses télescopes. Séduit par sa persévérance et la clarté de ses explications et, très probablement conscient des possibles retombées que pourraient avoir les travaux de l’astronome sur le prestige de la couronne, le Roi lui attribue une pension à vie de deux cent livres, lui offre un logement situé à Slough, non loin du Palais Royal et de surcroit le fait chevalier. Toutes ces gratifications lui permettent de se consacrer entièrement à l’astronomie.

Caroline Lucretia, sa sœur, entretient la maison et prête la main à son frère lors des interminables séances de polissage des miroirs. Elle lui sert aussi d’assistante et note ses observations chaque nuit, tandis qu’il les lui dicte du haut de sa nacelle. En effet, les dimensions et la conception des grands télescopes, nécessitent que l’observateur reste dans cette position inconfortable. (On raconte qu’Herschel pouvait y demeurer parfois jusqu’à douze heures d’affilée, y compris lorsque les températures étaient négatives). William décrit donc ce qu’il voit, et sa sœur, au bas du télescope, note l’heure précise et consigne scrupuleusement les commentaires de son frère. Comme elle s’est exercée au calcul astronomique, c’est aussi elle qui effectue les lourdes opérations permettant de ramener la position des astres à un repère donné. Un jour, William lui offre un petit télescope à l’aide duquel elle réalise, seule, un catalogue de nébuleuses. On lui doit la découverte de huit nouvelles comètes, dont celle de Encke, et de trois nébuleuses. Elle est la première astronome professionnelle, puisqu’en 1787, le Roi lui attribue un salaire de cinquante livres annuelles. Caroline réalise d’autres travaux astronomiques et complète divers catalogues, en particulier celui de Flamsteed pour lequel elle publie un index qui comporte cinq cent soixante étoiles supplémentaires. Avec regret, elle s’éloigne de son frère lorsqu’il se marie avec Mary Baldwin Pitt, mais n’arrête pas pour autant sa collaboration avec lui. Elle s’entend bien avec sa belle sœur et son jeune neveu John William. Elle réside à Slough, jusqu’au décès de son frère, puis regagne son Allemagne natale. Sa contribution, saluée par la Royal Society, lui vaut la médaille d’or en 1835 et fait d’elle, la première femme « membre honoraire ». En 1846, un an avant son décès, le Roi de Prusse Frédéric Guillaume IV lui remet la médaille d’or de la science.

En 1789, après quatre années d’interminables difficultés de mise au point, William achève la fabrication d’un énorme télescope de douze mètres, pour lequel le roi lui a attribué une bourse de quatre mille livres. Il utilise un procédé original (voir ci-contre) qui présente pour l’observateur, le désavantage de devoir rester « suspendu» au tube pendant ses mouvements, mais qui permet en revanche le passage de la lumière sans aucune obstruction puisqu’il n’utilise pas de miroir secondaire, grâce à l’orientation donnée au miroir primaire. Avec cet instrument, dès la première nuit d’observation, Herschel découvre deux satellites de Saturne, Mimus et Encelade. Ce télescope lourd à manœuvrer nécessite l’utilisation de mécanismes qui requièrent la présence de plusieurs assistants. Son miroir, dont le revêtement est fragile et qui pèse prés d’une tonne a besoin d’un longue mise en température, ce qui ne l’empêchera pas de rester fonctionnel pendant vingt six ans. On a souvent reconnu Herschel comme un « grand observateur », ce qualificatif ne devrait cependant pas occulter sa contribution essentielle dans le domaine de la cosmologie.

Inlassable, il découvre prés de deux mille cinq cents nébuleuses qu’il classe dans deux familles distinctes: les amas stellaires et les nébuleuses diffuses. Il est le premier à décrire les nébuleuses planétaires. Il effectue une exploration détaillée de la Voie lactée et en déduit qu’elle est très probablement un amas stellaire de forme lenticulaire, au sein duquel évolue notre propre système solaire. Il met au point une méthode de jaugeage du ciel, qui lui permet d’y dénombrer vingt millions d’étoiles, avec un télescope de soixante centimètres de diamètre, capable de résoudre la magnitude 15. Il identifie plus de huit cents étoiles doubles, les consigne sur trois catalogues et surtout montre que ces couples stellaires sont des systèmes soumis, comme le nôtre, aux lois newtoniennes de la gravitation. Il explique comment la plus petite étoile gravite autour de la plus grande. Il analyse les étoiles dont l’éclat varie périodiquement et en établit un catalogue. Il découvre deux satellites d’Uranus: Titania et Oberon. Il conteste le statut de planète à Cérès, Pallas, Junon et Vesta et il les nomme « astéroïdes ». Il a moins de succès, lorsqu’il reprend et perfectionne la méthode d’Hevelius pour mesurer les montagnes lunaires. On vérifiera par la suite que ses valeurs diffèrent peu entre elles et sont très éloignées de la réalité. En revanche il ne se trompe pas en affirmant, le premier, que la Lune ne possède pas d’atmosphère. En 1783, il vérifie comme Halley et Cassini II, que le mouvement de certaines étoiles est relatif et qu’il est dû à une translation du système solaire vers un point du ciel qu’il baptise apex.

Il ne se contente pas d’explorer le ciel profond, il étudie également les propriétés du Soleil, pour lequel il émet sa propre théorie vers 1795. Selon lui, il est constitué d’un corps solide opaque (qu’il considère comme froid et habitable) et d’une couche lumineuse qui l’englobe. Cette couche est soutenue, bien au dessus du corps solide par un milieu élastique transparent. Ce dernier porte sur sa partie basse une couche nébuleuse. Dans le cas ou une éruption gazeuse déchire les deux couches, la couche nébuleuse fortement éclairée par la couche lumineuse, réfléchit une grande partie de cette lumière et forme une pénombre, alors que le corps central solide, ombragé par la couche nébuleuse, ne réfléchit pas de lumière. Pour Herschel, les taches solaires (schéma ci-contre), correspondent à des ouvertures « changeantes » dans la couche lumineuse du Soleil. Elles résultent de l’effet produit par une cavité conique dont le fond noir appartient au corps solide, et dont les parois « demi-claires » appartiennent  aux parties latérales de la couche nébuleuse. La couche nébuleuse se nomme « atmosphère réfléchissante » et la couche lumineuse sera plus tard baptisée « photosphère ».

Vers 1800, Herschel a remarqué que des filtres de couleurs différentes laissent passer des quantités de chaleur inégales. Intrigué par ce phénomène, il décompose la lumière solaire à l’aide d’un prisme et utilise trois thermomètres dont il a noirci le bulbe pour favoriser l’absorption de la chaleur. Le thermomètre 1 (voir ci-contre) est positionné successivement sur les différentes couleurs renvoyées par le prisme. Les thermomètres 2 et 3, servent de témoins pour la température ambiante et restent en permanence hors de la lumière provenant du prisme. Herschel note les températures, lorsque le thermomètre 1 passe successivement sur le violet, le bleu, le vert, le jaune, l’orange et le rouge. Il constate un accroissement sensible de cette dernière au fur et à mesure où le thermomètre se rapproche du rouge. A l’issue de son expérience, il positionne le thermomètre 1 sur une zone située juste au-delà de la dernière partie visible du rouge (flèche rouge sur le graphe ci-dessous, représentant les résultats de l’expérience ). La mesure de la température en ce dernier point, lui réserve une surprise; il trouve en effet qu’elle est plus élevée encore que celle relevée sur la zone rouge, bien qu’aucune lumière n’apparaisse à cet endroit. Dés lors, il effectue d’autres expériences à partir de ces rayons invisibles qui disposent d’une propriété qu'il baptise « pouvoir calorifique ». Herschel montre que ces rayons sont réfléchis, réfractés, absorbé et transmis de la même manière que la lumière visible. Il vient de découvrir le rayonnement infrarouge. Cette découverte aura d’importantes retombées pour l’astronomie, car une partie non négligeable de la lumière qu’émettent les objets les plus froids de l’Univers, nous parvient sous cette forme. Invisible à l’œil, l’infrarouge peut être aujourd’hui mesuré et photographié par les capteurs des appareils de mesure ou de prise de vue.

Herschel est le premier de son temps à aborder l’astronomie avec une véritable ambition cosmologique. Jacques Merleau-Ponty écrit dans "La science de l’univers à l’âge du positivisme" (éd.1983): « Pour cet autodidacte extraordinaire, il ne s’agissait de rien de moins que d’étendre le pouvoir de l’observation visuelle jusqu’à lui faire produire la connaissance de la constitution des cieux, voire révéler dans les grands laboratoires de l’univers que sont les étoiles et nébuleuses les mécanismes par lesquels cette constitution s’est formée et se déforme ». Au XIXème siècle, malgré ces voies ouvertes par Herschel, les astronomes sont plus préoccupés par la recherche de la précision métrique ou par les calculs de mécanique céleste dont la finesse conduira, certes, à la découverte d’astres inconnus, mais ne saura jamais aborder les grands systèmes cosmiques. Merleau-Ponty, les décrit évoluant dans leur « docte ignorance ». Il faudra attendre que des physiciens inspirés la bousculent, en développent des outils comme par exemple la thermodynamique, pour enfin aborder une connaissance scientifique de l’univers à l’image de celle qu’avait pressentie Herschel l’astronome précurseur.

En 1802, Herschel est nommé correspondant étranger de l’Académie de sciences de Paris. Âgé de soixante dix ans, il observe encore régulièrement le ciel. Durant encore une dizaine d’années, il publie quelques communications pour la Royal Society. En 1816, il est élevé au rang de chevalier dans l’ordre hanovrien des guelfes, crée par Georges III, destiné à récompenser les services civils et militaires rendus au roi ou à l'État. En 1820, il participe à la création de la Société Astronomique de Londres qui deviendra la Royal Astronomical Society, en 1831. Il s’éteint de vieillesse sans infirmité et sans souffrance à son observatoire de Slough en août 1822.