Ole Christensen Römer (1644-1710)

Ole ou Olaüs Römer (1644-1710) est né à Arthus au Danemark d’un père de confession protestante qui est commerçant et d’une mère fille d’échevin (conseiller municipal). Son enfance ne nous est pas connue. On trouve seulement des traces de son inscription à l’université de Copenhague en 1662. En 1668, il est logé chez Rasmus Bartholin qui travaillait sur les phénomènes de réfraction. C’est probablement à cette époque que Römer s’intéresse plus particulièrement à l’optique, tout en apprenant les mathématiques et l’astronomie. On le charge de reprendre les manuscrits de Tycho Brahé et de les ordonner en vue d’une publication. En 1671, Jean Picard est missionné par Louis XIV pour effectuer des mesures de longitude à Uraniborg. Il rencontre sur place le jeune Römer et effectue avec lui plus d’une centaine d’observations d’éclipses d’Io (un satellite de Jupiter), afin de les comparer à celles effectuées à Paris par Jean Dominique Cassini. Le but était de calculer la différence de longitude entre Paris et Uraniborg. Satisfait de sa collaboration, Jean Picard invite Römer à venir travailler en France, où il va collaborer à l’édification du château de Versailles, en particulier au niveau des calculs relatifs aux conduites d’eau et aux stations de pompage qui alimentent le palais royal. C’est à cette occasion qu’il affine le profil des dentures des mécanismes en les rapprochant de la cycloïde. On reprochera à La Hire, qui travailla avec lui, de s’être très fortement inspiré de ses travaux. Römer devient membre de l’Académie des sciences et travaille à l’Observatoire Royal où il loge. Il y fait la découverte qui l’a rendu célèbre. Également précepteur du jeune dauphin Louis de France, pour l’astronomie, il lui construit un planétarium et un éclipsarium (machine pour calculer les éclipses de Lune), pour lui permettre de mieux comprendre les mouvements célestes.

Il invente un micromètre permettant d’augmenter ou de diminuer l'image du Soleil ou de la Lune, lors de l’observation des éclipses, afin de les ajuster à la largeur des repères constitués de deux cheveux tendus sur l’oculaire. Il met également en place la lunette méridienne de l’Observatoire Royal de Paris. Mais la révocation de l’Edit de Nantes par Louis XIV, inquiète les protestants qui résident en France. En 1681, Römer rentre donc au Danemark, riche d’une réputation qui a franchi les frontières. Le roi Frédéric IV lui attribue un titre de « professeur royal » et le nomme «Directeur des monnaies, inspecteur des arsenaux et des ports ».  En 1683, Il met en place un système national de poids et mesures et fabrique des étalons issus de ses propres mesures des constantes astronomiques. Il définira ainsi le « Mille Danois » (env. 7.532 m). Un siècle après l’échec de Tycho Brahé dans cette entreprise, il réussit à convaincre le Roi d’adopter l’usage du calendrier grégorien. Lorsqu’il entreprend d’effectuer des mesures précises de parallaxe sur les étoiles, il s’inquiète de l’incidence de la température sur la précision des horloges qu’il utilise et met au point, pour surveiller ce paramètre, une échelle de températures où le point d'ébullition de l'eau correspond à soixante degrés. Le physicien Fahrenheit qui lui rend alors visite, se servira de ses notes pour établir en 1724 sa propre échelle, toujours utilisée de nos jours. Römer est directeur de l’observatoire Rundetaarn (littéralement: la tour ronde, voir ci-contre), mais effectue également des observations depuis son domicile où il utilise des instruments de sa fabrication. On peut regretter qu’aucune note écrite de ses observations astronomiques ne nous soit parvenue. Elles ont été détruites lors d’un l’incendie en 1728. Römer se marie avec marie Bartholin, fille de Rasmus. Il se remariera par la suite, sans avoir eu aucun enfant. Dans le domaine public, son passage est marqué par ses efforts pour sécuriser la Ville. Il fait mettre en place un éclairage public au moyen de lampes à huile et se préoccupe de questions sociales en accroissant les contrôles effectués sur les populations à risque comme les mendiants, les prostituées et les chômeurs. Il établit enfin un panel de nouvelles règles d’urbanisme. En 1705, il est sénateur et devient conseiller d'État en 1707.

En 1675, Jean Dominique Cassini a beaucoup observé Jupiter et ses satellites. Il émet l’hypothèse que les différences de durées des éclipses des satellites peuvent être dues au temps de parcours de la lumière jusqu’à nous, mais il se ravise et abandonne cette voie. Römer qui est alors son assistant, entreprend de faire des mesures afin de vérifier ces écarts. Il chronomètre la durée de l’éclipse et en déduit la durée d’une révolution d’Io autour de Jupiter, qu’il établit à 42,5 h. Il constate que ce résultat varie en fonction de la position de la Terre au moment de la mesure. Römer se trouve alors devant une contradiction car Kepler avait, à juste titre, défini une période constante pour ce satellite (42,5 h /1,769 j). Römer pousse sa réflexion plus loin que Cassini et comprend qu’il doit intégrer la durée que met la lumière pour franchir la distance séparant Io de la Terre. Le schéma (ci-dessous) et les explications données par Römer dans le Journal des savants, en décembre 1676, permettent de comprendre comment il procède. Il exploitera les notes de ses observations effectuées entre 1671 et 1677 et va y adjoindre celles de Picard, afin de produire des résultats irréfutables.

« Soit A le Soleil, B Jupiter, C le premier satellite qui entre dans l’ombre de Jupiter pour en sortir en D, et soit E,F,G,H,K,L, la Terre placée à diverses distances de Jupiter. Or supposé que la Terre étant en L vers la seconde quadrature de Jupiter, ait vu le premier satellite, lors de son émersion ou sortie de l’ombre en D; et qu’ensuite environ 42 heures et demie après, savoir après une révolution de ce satellite, la terre se trouvant en K, le voit de retour en D: il est manifeste que si la lumière demande du temps pour traverser l’intervalle LK, le satellite sera vu plus tard de retour en D, qu’il n’aurait été si la Terre était demeurée en L: de sorte que la révolution de ce satellite, ainsi observé par les émersions, sera retardée d’autant de temps que la lumière en aura employé à passer de L en K, et qu’au contraire dans l’autre quadrature FG, où la Terre en s’approchant, va au devant de la lumière, les révolutions des immersions paraîtront autant raccourcies que celles de émersions avaient parues allongées »

Ci-contre, on peut voir des images de Jupiter et de ses satellites, enregistrées à des intervalles de soixante minutes, l’immersion d’un des satellites est indiquée par la flèche jaune. C’est précisément l’instant de ce phénomène ainsi que la sortie du même satellite que Römer utilisa pour conduire ses mesures. Avant Galilée les philosophes pensaient le déplacement de la lumière instantané. Galilée, qui ne se satisfaisait pas de ce principe, eut l’idée de vérifier si la cette vitesse était mesurable, mais il n’y parvint pas, car les faibles distances terrestres à partir desquelles il avait effectué ses expériences, en occultant la lumière d’une lampe et en notant simultanément l’heure sur une horloge, étaient bien trop faibles. Römer connaissant LK (calculé à partir du rayon de l’orbite terrestre autour du Soleil en 42,5 h) put facilement en déduire la vitesse de la lumière. Il trouva qu’elle mettait vingt deux minutes pour parcourir le diamètre total de l’orbite terrestre (en réalité 16 mn 40 s), ce qui correspondrait à une vitesse de 214.000 km/s (pour 299.792 Km/s réels) en tenant compte qu’à l’époque le diamètre de l’orbite terrestre n’était connu qu’approximativement. Il démontre cependant, le premier, que la vitesse de la lumière est une valeur finie et met de ce fait un terme à une fausse croyance plus que millénaire. La précision qu’il obtint était déjà remarquable, si on considère les instruments de mesure dont il disposait.