John Herschel (1792-1871)
John Herschel (1792-1871) est né à Slough, à proximité de Windsor. Il est le fils unique de l’astronome William Herschel et de Mary Pitt, fille d’un riche commerçant. Ses parents ont respectivement cinquante cinq et quarante deux ans lorsqu’il vient au monde. Son enfance baigne dans la musique, les sciences et la religion. Sa tante, Caroline Herschel, astronome elle-même, qui ne réside plus dans la maison familiale depuis le mariage de son frère William, est pourtant présente quotidiennement pour aider ce dernier durant ses observations. Elle fait participer son jeune neveu, qui lui restera très attaché, à ses expériences de physique et de chimie. John effectue sa scolarité à l’école du docteur Gretton à Hitcham puis il fait un bref passage au collège d’Eton d’où sa mère, très protectrice, le retire sous prétexte qu’il est maltraité par ses camarades de classe. Le professeur Roger lui donne alors des cours de mathématiques qui lui permettront, en 1809, d’entrer au collège St John de Cambridge. Il y fait la connaissance des mathématiciens Georges Peacock et Charles Babbage. Ce dernier travaillera plus tard à la réalisation d’une « machine à différences », considérée comme une lointaine ancêtre de nos ordinateurs. En 1813, John et ses deux amis fondent la Analytical Society of Cambridge, petite société savante qui se donne pour objectif d’introduire en Angleterre la notation différentielle et les méthodes de calcul infinitésimal, déjà développées sur le continent par Lagrange, Euler et d’Alembert. John semble être fait pour une carrière de mathématicien, lorsqu’il est élu fellow à Cambridge et qu’il devient correspondant de la Royal Society. Après quelques hésitations qui lui feront suivre des cours de droit durant 18 mois, il revient finalement enseigner les mathématiques à Cambridge. Le tournant qui marque son entrée en astronomie semble s’être amorcé durant les vacances qu’il passe en été 1816 avec son père qui, âgé de soixante dix huit ans, sent ses forces diminuer. John confie dans un courrier à son ami Babbage, qu’il va revenir à Cambridge, uniquement le temps nécessaire pour régler ses dettes, rassembler ses livres et faire ses adieux à l’université, puis qu’il va reprendre, à Slough, les observations interrompues de son père.
John n’abandonne pas pour autant la chimie et la physique. Il effectue des recherches sur la polarisation, la biréfringence, l'interférence de la lumière et des ondes sonores ainsi que l'analyse spectrale. En 1819, il publie un traité dans lequel il fait apparaitre que le thiosulfate de sodium peut dissoudre les sels d'argent. Il invente les termes positif, négatif, photographie et instantané, pour décrire les différentes phases de l’élaboration d’une image. En 1821, il visite la France, la Suisse et l'Italie et reçoit la médaille Copley pour son travail sur l'analyse mathématique. En 1822, il est en voyage lorsqu’il apprend le décès de son père. En 1824, il retourne en France et rencontre Biot, Laplace et Arago, puis il séjourne en Allemagne où il s’entretient avec Fraunhofer et William Henry Talbot, autres pionniers de la photographie. En 1823, il révise les observations de son père sur les étoiles doubles et publie un catalogue qui en comprend 380. En 1824, élu secrétaire de la Royal Society, il vient habiter à Londres. En 1825, il reçoit la médaille Lalande de l’Académie des Sciences de Paris et participe à la mise en place de la Royal Astronomical Society qui lui décerne une médaille d’or en 1826. James South, son principal collaborateur, avec lequel il a effectué un grand nombre d’observations, reçoit conjointement les mêmes distinctions. Herschel devient président de la Royal Astronomical Society en 1827. Il publie à cette occasion une compilation de six catalogues, comprenant 3346 systèmes d’étoiles et il rédige plusieurs articles pour des encyclopédies. En 1829, John épouse Margaret Brodie Stewart, qu’un de ses amis, inquiet de le voir encore célibataire, lui avait présenté.
La même année, les précurseurs de la photographie, Talbot et Daguerre, utilisent et font évoluer la formule de Herschel concernant le papier sensibilisé par les sels d’argent qui, exposé à la lumière et traité au thiosulfite de sodium, produit une image. Ce procédé cyanotypique « blue print » de Herschel restitue une image à base de tons de bleu de Prusse. Il restera utilisé quelque temps avant d’être provisoirement détrôné par les daguerréotypes. En revanche, il fera l’objet d’une exploitation industrielle et commerciale en tant que moyen de reproduction de plans dans les cabinets d’architectes et les bureaux d’étude, jusqu’à ce que vers le milieu des années 1950, les photocopieuses fassent leur apparition. Ci-contre, en encart, un cliché sur fond noir tiré en 1839 par John Herschel sur une plaque de verre (dimensions non respectées). Il représente une vue du télescope de quarante pieds de son père, durant sa démolition (ce qui justifie l’absence du tube). Pour avoir une meilleure idée du rendu de cette photographie historique, j’ai utilisé une image numérique de ce négatif pour en extraire un positif qui fait apparaitre les silhouettes des maisonnettes en bois au pied de la structure.
L’image 1, en tons de bleu est un cyanotype expérimental réalisé en 1842 à partir d’une gravure. L’image 2 est le négatif d’une gravure, fixé au thiosulfate.
Ci-aprés, l’image 3 est un cyanotype d’une feuille de chêne, réalisé par Herschel, qui, en tant que voisin et ami du père de la botaniste Anna Atkins, à initié cette dernière à l’exploitation de la technique photographique pour répertorier des spécimens végétaux. L’ouvrage de cette dernière, British Algae, est considéré comme une référence scientifique. Il présente en outre la particularité d’être un des premiers du genre, dans lequel l’impression fait appel à l’utilisation de matériaux sensibles à la lumière, pour l’illustration des textes (image n° 4)
En 1831, Babbage propose Herschel à la Présidence de la Royal Society, mais les scientifiques « traditionnalistes » s’y opposent. Ils considèrent Herschel comme un réformateur et ne souhaitent pas lui confier un tel poste. En 1833, apparemment dépité par cet échec, il s’embarque à Portsmouth pour aller observer le ciel austral et effectuer le même travail que son père avait effectué sur l’hémisphère nord. Depuis les voyages de Halley et de La Caille en Afrique du Sud, l’exploration du ciel austral n’avait quasiment pas progressé. John prend soin d’emporter son télescope de vingt pieds. Son épouse et trois de leurs enfants l’accompagnent. Ils arrivent au Cap en Janvier 1834 et s’installent dans la maison d’un propriétaire hollandais à Feldhausen. John met en place son observatoire et le 18 mars, il peut commencer à travailler avec Thomas Maclear, astronome royal résident. Les familles des deux astronomes entretiennent des relations amicales. Durant le séjour de Herschel, les deux hommes relèvent les positions de plusieurs dizaines de milliers d’étoiles, dont mille sept cent huit nébuleuses et deux mille cent deux étoiles doubles, qui compléteront un ouvrage publié en 1847, sous le titre Result of Astronomical observations. Cet ouvrage comprend sept parties traitant des nébuleuses, des étoiles doubles, des grandeurs apparentes des étoiles, de la constitution de la voie lactée, des observations de la comète de Halley en 1835, des satellites de Saturne et des observations des taches solaires.
Un jour de l’an 1835, le capitaine de vaisseau Caldwell arrive d’Amérique avec quelques exemplaires du journal « New York Sun » qui relate une découverte extraordinaire faite sur la Lune, attribuée à John Herschel. Louis Figuier, écrivain et vulgarisateur scientifique, nous parle de cette série d’articles dans la rubrique scientifique du journal La Presse. Il écrit: « D’après le journal américain, l’astronome anglais avait vu dans notre satellite, les paysages les plus fantastiques, habités par des créatures impossibles. Il avait vu des rochers et des montagnes de couleur rouge vermillon; des arbres dont les branches formaient des festons et les feuilles des plumes; des quadrupèdes légers, gracieux comme des gazelles et armés de cornes au milieu du front, comme la licorne des anciens; des amphibies de forme sphérique, roulant avec rapidité à travers les cailloux du rivage; des ours à cornes; des bisons à visière de chair sur les yeux; des castors à deux pieds et sans queue, sachant allumer le feu… Enfin, sir John Herschel avait aperçu, dans la Lune, des hommes pourvus d’énormes ailes, voltigeant par troupes et nageant dans les lacs comme des canards. Toutes ces merveilles avaient été reconnues au moyen d’un système nouveau de lentilles et de miroirs, combinés de telle sorte que la Lune paraissait rapprochée jusqu’à la distance de 80 mètres! »
Figuier conclut: « L’auteur de cette lettre, un certain Locke assurait tenir tous ces détails du docteur Andrews Grant, collaborateur d’Herschel au Cap ». La nouvelle s’était répandue comme une trainée de poudre dans toute l’Europe. Arago de l’Académie des sciences avait même dû intervenir pour démentir et montrer que ces articles étaient habillés d’un flot de détails pseudo-scientifiques, totalement faux. Avant cela, il en avait fait une lecture à ses condisciples, qui auraient eu quelque peine à contenir leurs rires. Herschel prit bien la chose et plutôt que de crier au scandale, se montra amusé par la supercherie et probablement heureux d’avoir trouvé une bonne occasion de faire un pied de nez aux attitudes orthodoxes qu’arboraient trop souvent les savants de son époque. L’affaire fut un succès commercial pour le journal qui tripla quasiment son tirage durant la parution des articles et qui fit publier un petit ouvrage compilant les fameux articles, qui tira à soixante mille exemplaires et fut plusieurs fois réimprimé.
Au Cap, John s’est aussi intéressé à la botanique. Fasciné par la beauté et la diversité de la flore avoisinante, il réalise avec son épouse un inventaire comprenant cent trente et une planches illustrées. Pour reproduire avec une exactitude scientifique les différentes espèces, il utilise une « chambre claire », instrument inventé en 1807 par le physicien William Hide Wollaston. Cet instrument permet, par un procédé optique, de superposer l’image du sujet sur le papier à partir duquel il ne reste plus qu’à reproduire les contours de l’objet. Margaret colorie à l’aquarelle tous les dessins de son mari (ci-contre). Herschel a également mis au point un programme d’observations météorologiques qu’il conduit simultanément depuis plusieurs lieux d’Afrique du Sud. Ce plan d’observation fut adopté en 1844 par le gouvernement et permit de mettre an place une méthodologie généralisée à l’ensemble du pays. L’intérêt de Herschel pour cette « nouvelle » science, remonte aux années où il a voyagé en Europe et durant lesquelles il étudiait aussi la minéralogie en collectant des cristaux dans les Alpes, pour effectuer ses expériences en optique. La météorologie lui doit également l’invention de l’actinomètre, instrument de mesure qui permet d’évaluer l’intensité du rayonnement solaire. Composé d’une sorte de thermomètre à grand réservoir, rempli d’un liquide bleu favorisant l’absorption de la chaleur, il permet de noter alternativement le réchauffement en une minute d’exposition au Soleil et le refroidissement à l’ombre sur une même durée. Herschel exploite cet appareil en particulier pour analyser l’équilibre entre la chaleur interne de la Terre et celle du rayonnement solaire, lors d’expériences qu’il effectue sur le comportement des gaz chauffés. Il peut ainsi faire des similitudes avec de nombreux phénomènes atmosphériques observés. Le séjour en Afrique du Sud, que l’astronome a personnellement financé, dure cinq années qui, selon son propre aveu, comptent parmi les plus heureuses et les plus productives de son existence. De retour à Londres, il fait de nombreuses publications qui traitent de sujets aussi variés que les météorites ferreux, les étoiles variables ou la structure de l’œil du requin. Il est honoré en 1836, lors du couronnement de la reine Victoria, où il reçoit le titre de baronnet, puis en 1839, celui de Docteur de l’Université d’Oxford. En 1848, il devient président de la Royal Society of London . En 1850, il tombe malade, ce qui ne l’empêche pas de travailler à un catalogue de dix mile trois cents étoiles doubles. En 1855, il devient membre étranger de l’Académie des sciences de Paris. Outre ses nombreux ouvrages, Herschel a rédigé 152 mémoires pour la Royal Society, dont trente six traitent des sciences de la Terre. Il a enfin donné un grand nombre de conférences. En 1871, il s’éteint paisiblement à son domicile. Ses funérailles sont célébrées à l’abbaye de Westminster.