John Dollond (1706-1761)

John Dollond (1706-1761) est né dans le quartier londonien de Spitalfields. Son père, qui était un huguenot (protestant) normand, y possédait un atelier de production de soie. Il préféra quitter la France, comme bon nombre de ses collègues, à la suite de la révocation de l’édit de Nantes par Louis XIV, car il craignait que sa famille ne fut inquiétée. Il s’installa à Londres et y reprit son activité de producteur et de négociant de soie. Contraint d’arrêter très tôt ses études, John aide son père et travaille sur les métiers à tisser. Mais il adore les études et continue, seul, à s’initier au latin et au grec, tout en dévorant parallèlement des traités de mathématique, physique et anatomie. John qui s’est marié très tôt, suit avec une attention soutenue l'éducation de ses enfants. Son fils aîné, Pierre, fait preuve d’une minutie d’une dextérité et d’un sens pratique hors du commun. John Dollond, qui ne lui voit pas d’avenir à ses cotés, lui achète un petite atelier d’opticien.  Le travail de la soie devenait de moins en moins rentable, en raison de conditions climatiques bien plus défavorables à l’élevage du ver à soie que sur le continent. Finalement en 1752, à l’âge de quarante six ans John arrête son activité et rejoint son fils dont l’atelier était devenu prospère. Rapidement, il approfondit ses connaissances en optique au point de publier dès l’année suivante un premier mémoire qui parait dans « Les transactions philosophiques » de la Royal Society, intitulé: Avantage des oculaires multiples. Dollond s’intéresse à l’héliomètre utilisé par Bouguer pour mesurer le diamètre apparent des planètes et du Soleil. Il propose de substituer dans la construction de cet instrument, les deux moitiés d’un même objectif en verre aux deux objectifs distincts qui équipaient le modèle de Bouguer (gravure en fin d'article). En 1647, alors qu’il commençait à s’intéresser à l’optique, Dollond avait écrit à Leonhard Euler (mathématicien Suisse), car ce dernier prétendait qu’il était possible de corriger l’aberration chromatique .

Peter Dollond (1731-1821), fils de John

Sur cette question, Dollond ne connaissait alors que les travaux de Newton qui avait un avis inverse. Depuis qu’il travaillait avec son fils, il s’était documenté et avait acquis un livre de Samuel Klingenstierna (mathématicien et astronome suédois) qui l’avait interpelé. Ce suédois ayant recours à la géométrie y réfutait les thèses de Newton sur la réfraction de la lumière.

Dollond se lança alors dans une série d’expérimentations et conclut qu’il était possible de corriger l’aberration chromatique. Il publie le résultat de ses travaux dans Compte rendu d’expérience sur les différentes réfractions de la lumière. Il y explique comment il a utilisé une association de lentilles concaves et convexes pour corriger l’aberration. On peut noter qu’avant lui, un opticien amateur nommé Chester Moore Hall, avait mis au point un objectif à lentilles multiples qui atténuait sensiblement le chromatisme. Mais ce dernier décida bizarrement de garder le secret sur son invention. On sait qu’il avait commandé à deux tailleurs différents, deux lentilles en verre distincts, du « flint » et du « crown » dont les particularités diffèrent en raison de leurs teneurs en composés chimiques (terres rares). Ces tailleurs de verre avaient le même fournisseur, Georges Brass, qui se trouvait être également celui de Dollond. Brass qui perçoit tout l’intérêt d’un tel assemblage de lentilles ne déposera aucun brevet de fabrication, mais il fait part de sa découverte à Dollond.

Dès lors, Dollond travaille à la mise au point d’un assemblage de lentilles qu’il prendra soin de faire breveter. Il obtient la médaille Copley en 1758, pour son mémoire sur la correction de l'aberration chromatique. Trois ans plus tard, le 28 mai 1761, il est élu membre de la Royal Society, mais le 30 novembre de la même année, il est foudroyé par une attaque d’apoplexie pendant qu'il étudiait un mémoire d’Alexis Clairaut , Théorie de la Lune . Ses objectifs sont de plus en plus copiés par d’autres opticiens peu scrupuleux, indépendamment du brevet qu’il a déposé. Son fils Georges (gravure ci-dessus) dépose un recours devant la justice et obtient gain de cause. Les concurrents des Dollond doivent lui verser des sommes d’argent en compensation des préjudices. En 1774, au terme de la validité du brevet, le prix des télescopes a diminué de moitié, contribuant à entretenir l’intérêt grandissant pour l’astronomie et l’essor du commerce des instruments optiques. Le nom de Dollond est alors réputé au-delà des frontières et ses télescopes sont très recherchés.

Cette gravure présente deux héliomètres: celui de Bouguer (fig.186) et celui de Dollond (fig.187). Je reprends ici des extraits de descriptions issus de l’ouvrage Astronomie de Jérôme de La Lande, publié en 1764. Le célèbre astronome commente:
«  Le micromètre objectif est une des plus belles invention moderne et des plus utiles pour le progrès de l’astronomie, aussi bien que celle des verres achromatiques; on aurait pas cru il y a 20 ans qu’il restait à trouver deux choses aussi curieuses et aussi importantes, et qu’on les trouverait si tôt »… « L’effet du micromètre objectif consiste à donner deux lunettes dans un seul tuyau et avec un seul oculaire »… « On voit dans la fig.185 un cercle AAA qui représente le champ de la lunette ou le cercle visible au foyer des deux objectifs et de l’oculaire; ST est un cercle qui représente l’image du Soleil formée par l’un des objectifs de l’héliomètre; RV est l’image que donne l’autre objectif. Quand on veut mesurer le diamètre du Soleil on approche les deux verres jusqu’au point où les deux images se touchent en un point T; l’écartement des deux objectifs évalué en secondes, donne la distance des deux centres C et B, c’est-à-dire, le diamètre du Soleil, cet écartement des objectifs est toujours égal au diamètre de l’image qui se forme à leur foyer »… « L’invention de l’héliomètre de M. Bouguer que j’ai décrite, fut appliquée en Angleterre en 1753 aux télescopes, comme je le sus par une lettre de M. Short* à Don Georges Juan**, écrite au mois de janvier 1745; mais ce fut d’une manière un peu différente; elle consiste à partager un objectif en deux parties égales que l’on fait mouvoir en sens contraire, et que l’on place à l’extrémité d’un télescope; M. Short et M. Dollond furent les premiers qui en firent construire, et ils en attribuèrent la première invention à M. Savery*** ».

Ci-dessous, quelques instruments fabriqués par Dollond.

* James Short (1710 -1768): Opticien, fabricant de télescopes.
** Juan y Santacilia, alias George Juan (1713-1773) astronome espagnol né à Madrid. Nommé correspondant de La Condamine à l’Académie des Sciences le 26 janvier 1746.
*** Servington Savery (1670-1744): Scientifique anglais professeur à Oxford. « En 1748 Bouguer présente l’héliomètre à l’Académie des sciences. M. Short l’apprend en 1752 et ressort des archives de La Royal Society, un mémoire datant de 1742, déposé par Servington Savery auprès de la Royal Society qui présente un instrument équivalent »