Jean Baptiste Delambre (1749-1822)

Jean baptiste Joseph De Lambre (1749-1822) né à Amiens, est l’ainé de six enfants dont le père tient un petit commerce de draperie. Vers l’âge de quinze mois, il contracte la variole. Entre la vie et la mort durant plus de deux semaines, il en réchappe en gardant toutefois des séquelles de sa maladie. Il a perdu ses cils et ne supporte pas la lumière. Il entre au collège jésuite d’Amiens où enseigne alors l’abbé Jacques Delille, le célèbre poète et écrivain, qui probablement ne s’attendait pas à ce qu’un un jour, son jeune élève devienne son collègue au Collège de France. A l’âge de vingt ans, De Lambre a encore de sérieux troubles de la vision. Angoissé à l’idée de perdre la vue, il continue pourtant ses études en déchiffrant tout ce qu’il peut trouver traitant de sciences et de mathématiques, matières pour lesquelles il éprouve un intérêt qui dépasse la curiosité. Destiné à la prêtrise, sous l’insistance de ses professeurs, il se rend à Paris pour y continuer ses études. Il bénéficie d’une bourse et intègre le collège du Plessis où il étudie les langues classiques. Il s’initie également à l’allemand, l’anglais et l’italien, langues qu’il parlera couramment par la suite. Lorsqu’il passe l’examen d’entrée à l’université, sa vue défaillante lui joue des tours et il échoue. Ses parents qui ne peuvent payer ses études l’invitent à regagner Amiens. Obstiné, il refuse et continue courageusement à étudier par lui-même. Il trouve à Compiègne une place de précepteur du fils d’une riche famille. Il doit étudier plus sérieusement les mathématiques afin de pouvoir les enseigner. A cette époque, un médecin nommé Bida, lui conseille vivement d’apprendre l’astronomie. De retour à Paris en 1771, il entre au service de Jean Claude Geoffroy d’Assy, receveur général des finances et personnage considérable. Il est précepteur de son fils auquel il enseigne les lettres. Il reçoit une rente viagère, certes plus modeste qu’un salaire, mais qui lui apprend à se suffire de peu.

A la Révolution, De Lambre change son nom en Delambre. C’est alors qu’il repense aux conseils du médecin compiégnois et qu’il se met à étudier l’astronomie moderne dans l’ouvrage de Lalande Astronomie. Ce n’est qu’à l’âge de trente six ans qu’il assiste aux cours de Jérôme de Lalande au Collège de France et qu’il devient son meilleur élève, au point que le célèbre astronome lui propose de devenir son assistant. Delambre avait parlé à son maitre du docteur Bida. Lalande lui écrivit pour le remercier au nom de l’astronomie: « Monsieur ce que vous voulez bien me mander de Mr Delambre me fait bien plaisir. Je ne suis néanmoins pas surpris de la rapidité de ses progrès dans l’immensité des cieux. Ce qui en lui m’a toujours étonné, c’est la vivacité, la précision, la netteté de toutes ses perceptions. Je me souviens qu’il maniait les matières les plus abstraites, quoique nouvelles pour lui, avec une grande facilité… ».  En 1786, Delambre observe un transit de Mercure. Le jour de l’évènement, à l’heure prévue, le ciel est nuageux. Alors que les autres astronomes ont cessé d’observer, Delambre patient continue en espérant une amélioration des conditions. C’est alors que le ciel se dégage et laisse apparaitre le transit encore en cours et qui arrive avec quarante minutes de retard sur l’horaire prévu. L’astronome ne peut que constater que les prévisions sont erronées. Il envisage d’en établir de nouvelles. Delambre est avec Lalande à l’Académie, lorsque ce dernier fait une lecture des observations de son assistant. Pendant cette réunion, Laplace communique ses travaux sur les perturbations des trajectoires des planètes. Delambre, impressionné par l’exposé, décide aussitôt de faire lui-même une vérification des calculs de Laplace et se consacre à l’étude de l’orbite de la planète Uranus qu’avait découvert Herschell. Lalande et Laplace ont justement proposé comme sujet du prochain concours de l’Académie, le calcul précis de l’orbite de cette planète. Lorsque les participants remettent leurs copies, le comité composé de Cassini, Lalande et Méchain ne peut que retenir l’excellent travail de Delambre. Le prix lui est décerné avec un commentaire élogieux qui dit à peu prés ceci: « astronome d’une telle sagesse et d’un tel courage, capable de reprendre 130 années d’observations astronomiques, d’en évaluer leurs insuffisances et d’en extraire une juste valeur … ». Geoffroy d’Assy, chez qui loge Delambre, aménage une nouvelle demeure en 1788, rue du Paradis, dans le Quartier latin. Sous les conseils de Lalande, il y installe un petit observatoire au dessus de la chambre de Delambre. En 1789, l’observatoire est prêt, équipé de bons instruments. Delambre y travaille à la rédaction de ses tables qui comprennent les données relatives au Soleil, à Jupiter et ses satellites (page suivante, détail d’un de ses relevés sur les mouvements d’Io), à Saturne et Uranus.

Delambre publie ses tables en annexe de la troisième édition de l’Astronomie de Lalande. Il est élu membre associé de la section de mathématiques de l’Académie des Sciences et reçoit de nouveau un prix. En 1790, la « commission des poids et mesures » décide de mettre en place un système métrique pour remplacer les anciennes unités. Ce comité prévoit de faire mesurer une portion du méridien pour déterminer la valeur qui servira à calculer la dimension du mètre. Méchain, Legendre et Cassini sont désignés pour réaliser ce travail, mais suite au refus de Cassini d’effectuer des mesures sur le terrain, c’est finalement Delambre qui le remplace. Tout comme nous l’avons vu précédemment pour Pierre Méchain, Delambre va devoir, lui aussi, se surpasser pour mener à bien cette importante mission où il est en charge des mesures de triangulation entre Rodez et Dunkerque. Dés juin 1792, malgré les perturbations dues à la révolution, Delambre se rend en repérage sur ses futures bases aux alentours de Paris. En septembre, il est brutalement arrête, ses seuls papiers sont des ordres émanant de Louis XVI qui vient alors d’être emprisonné.

Lorsque la Convention lui remet de nouveaux ordres, il poursuit son travail mais, en décembre 1793, il est de nouveau stoppé. Cette fois il fait l’objet d’une suspension par le « Comité de Sécurité Publique » qui impose qu’à son poste soit désigné un fonctionnaire qui aura « fait la preuve de ses vertus républicaines et de son aversion pour le pouvoir royal ». Finalement, il n’est pas inquiété outre mesure et en 1795, il est admis au Bureau des Longitudes. Il peut reprendre les mesures de ses triangles entre Orléans et Bourges. En 1797, il fait la jonction Bourges-Evaux (ville thermale de la Creuse) puis, en 1797, il continue entre Evaux et Rodez. Sur son parcours, il rencontre de nouveaux obstacles qui ne sont pas relatifs à la configuration du terrain. Ainsi écrit-il depuis la Corrèze: « Les habitants de Meymac et de Bort voulaient abattre ces deux signaux, qu’ils regardaient comme la cause des pluies continuelles qui tombaient depuis deux mois… » ou encore, entre Carcassonne et Rodez: « tous les signaux érigés dans le cours de l’été précédent depuis la montagne Noire jusqu’ici, ont été pareillement abattus ou incendiés, même plusieurs fois de suite et je ne pus parvenir cette fois-ci à conserver les nouveaux que par l’effet des proclamations que les administrations départementales firent publier et afficher dans les villages et métairies des environs…». En 1798, il arrive entre Melun et Paris où il doit effectuer des mesures d’une extrême précision pour déterminer une des bases de sa triangulation. L’année suivante, il rend enfin ses résultats à une commission chargée de les analyser. Depuis 1792, il a gardé des contacts avec Méchain, parfois irréguliers mais jamais interrompus. C’est lui qui sortira Méchain de la situation de désespoir dans laquelle il se trouve. En juin de la même année, la dimension du mètre est fixée et le premier étalon fabriqué à partir d’une barre de platine. Delambre rencontre Napoléon qui lui dit: « les conquêtes vont et viennent, mais votre travail durera ». En 1800, il est nommé président du Bureau des Longitudes et devient, en 1801, secrétaire de l’Académie des sciences. En 1803, il contracte une grave fièvre rhumatismale, mais il continue de travailler.

Il se marie à l’âge de cinquante cinq ans avec Elizabeth Aglaé Leblanc de Pommard, veuve et mère d’un de ses assistants, Achille-César-Charles de Pommard. Le couple continue de vivre dans la résidence de D’Assy où Delambre a conservé son observatoire. A la mort de son ami Méchain, Delambre lui succède à la direction de l’Observatoire de Paris. En 1807, il est nommé président de la section d’astronomie au Collège de France en remplacement de Lalande. En 1809, il reçoit un prix pour ses travaux sur la méridienne. Napoléon qui connaissait Delambre depuis le jour où il avait été la première fois à l’Institut, eut l’occasion de lui témoigner sa considération en le nommant inspecteur général des études puis, en 1808, trésorier de l’Université. Delambre fut également élevé aux titres de Comte de l’Empire (ci-contre, ses armoiries), Chevalier puis Officier de la Légion d’honneur, en 1821. Il laisse une bibliographie conséquente comprenant plus d’une quinzaine d’ouvrages, dont certains sont consacrés à l’histoire de l’astronomie. Bien qu’ayant reçu les plus grands honneurs, il ne les a jamais cherchés et a su rester sa vie durant un homme d’une grande modestie.