Heinrich Olbers (1758-1840)
Heinrich Wilhelm Matthäus Olbers (1758-1840), est né à Aarbergen à proximité de Hesse en Allemagne. Son père Jean Georges et son grand père Caspar étaient tous deux pasteurs protestants. A l’âge de quatorze ans, Heinrich perd son père. A la même époque, il commence à s’intéresser à l’astronomie. Après s’être procuré des cartes célestes et des livres traitant de cette matière, il dispose d’une bonne connaissance du ciel étoilé. En 1777, il étudie la médecine à l’université de Brême et suit simultanément les cours de mathématique d’Abraham Kästner qui lui enseigne l’analyse infinitésimale. En 1780, dans sa thèse de doctorat De oculi mutationibus internis, il explique comment l’œil s’adapte à toutes les distances. Ce sera un des rares mémoires de médecine qu’il écrira. Olbers s’est révélé en tant qu’astronome vers 1779, à Göttingen, alors qu’il veillait au chevet d’un de ses patients et qu’il calcula l’orbite de la comète que Bode venait de découvrir. Il exerçait sa profession de médecin à Brême, où il résidait, se partageant entre son métier et l’astronomie (En 1830, il célébra d’ailleurs le cinquantième anniversaire de son doctorat de médecine, lors d’une fête publique au cours de laquelle Gauss, Bessel, ses élèves et ses amis lui remirent les diplômes honorifiques que lui avaient décernés plusieurs université allemandes). Il s’installe un modeste observatoire dans la partie supérieure de sa résidence située au cœur de la ville. Il dispose de fenêtres donnant vers les horizons sud et nord et fait placer une ouverture sur son toit, afin de pouvoir observer le zénith. Il possède une lunette achromatique de 3 pieds, équipée d’un micromètre fabriqué par Dollond, un télescope, un quart de cercle, un sextant et une horloge astronomique. Depuis cet observatoire, il retrouve, tout comme Zach à Gotha, l’astéroïde de Piazzi, Cérès. En 1802 et 1807, il découvre dans la même région du ciel, deux autres astéroïdes, Pallas et Vesta. En 1810, il devient correspondant de l’Académie des sciences de Paris et en 1829, il est nommé associé étranger.
Le 26 mars 1811 à Montpellier, Honoré Flaugergues, un juge de paix également astronome, découvre une comète. Elle reste visible à l'œil nu pendant cinq cent dix jours et possède une énorme queue dont la dimension dépasse la distance de Mars au Soleil. Olbers l’observe et rédige un traité dans lequel il émet l’hypothèse qu’une « action répulsive », due à l’électricité qu’engendre la proximité du Soleil et de la comète, peut avoir une influence sur la forme et la position des éléments de cette dernière. Il s’oppose en cela à Newton, Kepler ou Euler, qui sont plutôt en faveur d’un effet calorifique, dû à une transmission de la chaleur des rayons solaires à travers l’éther et à des élévations de température sur les couches éthérées voisines de la comète. En mars 1815, Olbers découvre à son tour une comète, mais son nom reste connu, essentiellement en raison du paradoxe qui porte son nom et au sujet duquel il publie un article, en 1823, sous le titre La transparence de l’espace cosmique. Je me propose ici d’en reprendre quelques extraits.
Un jour, Kepler s’était posé la question de savoir pourquoi, la nuit, le ciel était noir. En 1726, Olbers revient sur cette interrogation et la formule de manière plus complète. En guise d’entrée en matière, il nous dit : « Le grand et le petit, dans l'espace ne sont en vérité que des concepts relatifs; nous pouvons concevoir des créatures pour lesquelles un grain de sable serait aussi gros que l'est pour nous la Terre entière; et inversement un autre ordre des choses, dans lequel des corps dont la grandeur dépasse celle des planètes et du Soleil ne seraient que ce qu'est, pour nous, le plus petit des grains de sable … Déjà la distance du Soleil à notre Terre est si grande que l'on a cherché, pour rendre sa grandeur plus concevable, à calculer le temps qu'il faudrait à un boulet de canon pour la parcourir! Mais, en outre, chaque étoile fixe est un soleil et la plus proche de nous est située à une telle distance que, par comparaison, la distance de la Terre au Soleil s'évanouit presque complètement… Par le moyen des télescopes, des étoiles toujours plus nombreuses et plus petites deviennent visibles à mesure que ces instruments deviennent plus parfaits. Et notre raison doit consentir, si difficile que ce soit à l'imagination, à se représenter encore distinctement des distances et des espaces si grands que Herschel avec ses télescopes géants regardait dans le ciel des objets qui sont quinze cents fois, voire plusieurs milliers de fois plus éloignés de nous que Sirius ou Arcturus... »
Il poursuit: « Le regard perçant du maintenant défunt Herschel est-il arrivé près des bornes de l’univers? S'en est-il même approché sensiblement? Qui pourrait le croire ? L'espace n'est-il pas infini? Ses bornes se laissent-elles, elles-mêmes penser. Est-il concevable que la toute-puissance infinie ait laissé vide cet espace infini? » Dans cette introduction, Olbers nous montre que selon lui, l’univers ne possède pas de limites. Il argumente même en citant Kant: « Tout ce qui est fini. tout ce qui a des limites et un rapport déterminé à l'unité est également loin de l'infini. » En cela, il affirme que l’infini ne saurait être quantifié, puis il continue: « Il reste donc au plus haut point vraisemblable que ce n'est pas seulement cette partie de l'espace que notre regard, même si fortement armé, a découvert ou peut découvrir, mais l'espace infini tout entier qui est peuplé de soleils, avec leur suites de planètes et de comètes. Je dis au plus haut point vraisemblable, car la certitude, notre raison bornée ne peut pas nous la donner; les autres lieux de l'espace pourraient contenir des créatures tout autres que soleils, planètes, comètes ou matière lumineuse dont, peut-être, nous ne pouvons avoir aucune notion ». Olbers cite également Halley lorsque ce dernier, faisant référence à la gravitation à propos des « soleils » (étoiles) il écrit : « Si leur ensemble n'était pas infini, on trouverait dans l'espace qu'il occupe un point qui serait son centre de gravité et tous les corps de l'univers devraient tomber vers lui d'un mouvement sans cesse accéléré, et donc s'effondrer les uns sur les autres; c'est seulement parce que l'univers est infini que tout peut se maintenir et rester en équilibre. » Olbers pense que: «L’espace cosmique n'est pas absolument transparent, il suffit d'un degré extrêmement faible de non-transparence pour anéantir totalement cette inférence fondée sur l'hypothèse d'un ensemble infini d'étoiles, mais si contraire à l'expérience, que le ciel tout entier devrait nous envoyer de la lumière solaire. Supposons, par exemple, que l'espace cosmique soit transparent à un degré tel que, de 800 rayons envoyés par Sirius, 799 parviennent jusqu'à la distance qui nous sépare de lui: alors ce très petit degré de non-transparence sera déjà plus que suffisant pour que le système des étoiles fixes s'étendant à l'infini ait pour nous l'apparence qu'il a effectivement ». Olbers effectue une démonstration mathématique qui explique que, non seulement, toute la sphère céleste est couverte d'étoiles, mais encore, qu’elles devraient être placées les unes derrière les autres sur des rangs infinis et s'occulter les unes les autres, comme le montre le schéma.
On peut préciser au préalable que jusqu’au XVIème siècle, on a pensé que la lumière des étoiles les plus éloignées était trop faible pour être visible. On peut aussi évoquer Kepler, pour qui l‘Univers est fini et l'espace est vide. Les parties sombres entre les étoiles n’étant autre, selon lui, que la paroi du mur qui englobe l'Univers. Comment se satisfaire d’une telle affirmation ? Olbers imagine donc, en premier, l’infinité des étoiles qui peuplent le ciel et qui, côte à côte, devraient éclairer à nos yeux et en tout point, l’ensemble de la sphère céleste. Puis, il objecte en disant qu’il existe une matière froide composée de fines poussières en suspension dans l’Univers, qui empêche la lumière des étoiles de nous parvenir. De ce fait, il explique que, plus les étoiles sont éloignées, plus il y a de poussières à « traverser » et donc d’opposition à vaincre pour cette lumière. Ce qui montre qu’à partir d’une certaine distance, la lumière perd beaucoup de son énergie et devient trop faible pour arriver jusqu’à nous ou en tout point de l’univers infini où un observateur pourrait se positionner.
Olbers s’est appuyé sur la réflexion d’un astronome Suisse, Jean-Philippe Loys de Chéseaux qui, en 1740, avait déjà imaginé que l'espace pouvait, en quelque sorte, « absorber » l'énergie de la lumière. (On sait aujourd’hui que l'intensité lumineuse faiblit d’un facteur 4 lorsque la distance est multiplie par 2). L’explication de Olbers parut un temps satisfaisante. Seulement, lorsqu’on commença, par la suite, à se demander ce que devenait l’énorme quantité d’énergie absorbée par ces « poussières », l’explication d’Olbers perdit en véracité. Il faudra cependant attendre le milieu du XIXème siècle, pour que des astronomes comme Arago travaillent à partir d’autres hypothèses. Olbers meurt à l’âge de quatre vingt deux ans. Sa bibliothèque qui contenait de nombreux ouvrages traitant de cométographie, fut rachetée par l’observatoire de Pulkovo (à proximité de Saint-Pétersbourg) où une partie d’entre eux est encore conservée.