Edmond Halley (1656-1742)

Edmond Halley (1656-1742) est né à Hagerstown, un faubourg londonien. Il est issu d’une famille de commerçants enrichis en vendant du sel et du savon lors des épidémies de peste qui venaient de sévir à Londres. Edmond suit ses études primaires et se montre très tôt un brillant élève. Poussé par sa famille, il étudie le latin, le grec et l’hébreu. Il entre au collège d’Oxford à l’âge de dix sept ans et montre alors de grandes capacités intellectuelles. Curieux de nature, il aborde l’étude des sciences pour lesquelles il se découvre très vite une passion et plus particulièrement pour l’astronomie. Certains commentateurs prétendent que cet engouement remonte à sa plus tendre enfance, marquée par le passage des comètes de 1664 et 1665. A dix neuf ans, il élabore une méthode pour trouver les aphélies (point extrême d’une l’orbite) et les excentricités des orbites planétaires (l’excentricité définit la forme de l’ellipse orbitale). Peu de temps après, il écrit à John Flamsteed alors directeur de l’Observatoire de Greenwich pour lui signaler qu’il a relevé des erreurs dans les mouvements de deux planètes. Saturne aurait un mouvement plus lent et Jupiter un mouvement plus rapide, que ne l’indiquent les tables astronomiques. Flamsteed voit immédiatement en lui un jeune astronome prometteur. Il l’encourage à publier son premier article scientifique dans la revue de la Royal Society. En 1676, il est missionné par la couronne et embarque pour l’ile de Saint Hélène afin d’établir une cartographie du ciel austral. Outre ses travaux de cartographe, il effectue la même expérience que Jean Richer à Cayenne, en mesurant l’effet des latitudes sur la longueur du pendule à seconde. Il répertorie des nébuleuses alors jamais observées depuis l’hémisphère nord et, tout au long de son périple maritime, il établit une carte des déclinaisons magnétiques de la Terre. Les croquis ci-dessous illustrent ce qu’il mit en évidence et qu’il publia ultérieurement dans Tabula nautica.

Il montre que l’aiguille aimantée ne pointe pas toujours exactement vers le pôle géographique terrestre. En effet, suivant les lieux où les mesures sont effectuées, l’aiguille de la boussole enregistre des déclinaisons allant jusqu’à 20° par rapport au pôle, tantôt vers l’orient et tantôt vers l’occident. Halley utilise ses propres notes et rassemble également de nombreux relevés effectués par d’autres grands voyageurs pour tracer des courbes qui joignent tous les point où les variations de l’aiguille aimantée sont identiques. Une nouvelle cartographie voit le jour.

Ce dessin reproduit le tracé des courbes de variations du magnétisme terrestre. Halley montre qu’elles sont ordonnées de manière périodique autour d’un axe, différent de celui des pôles. Tout navigateur muni d’une telle carte, peut donc s’orienter précisément en utilisant une boussole, dés lors, qu’il tient compte des variations indiquées sur les lignes de sa carte. Halley qui vient d’établir la première cartographie magnétique de la Terre fait faire un grand bond à cette nouvelle science qu’un de ses compatriotes nommé William Gilbert avait fondée en 1600.

Halley profite de son voyage dans l’hémisphère austral pour établir des cartes météorologiques. Il réalise une étude des courants océanographiques et s’intéresse à la biologie en notant le comportement de divers animaux aquatiques comme la seiche ou l’esturgeon. Il assiste à un transit de Mercure et à son retour publie ses notes d’observations, dans lesquelles il développe une méthode qui doit permettre, lors des transits de Vénus, de déterminer à partir de calculs de triangulation la distance de la Terre au Soleil (voir schéma ci-dessous à gauche). Il part du principe que les observations doivent être effectuées simultanément en deux points de la Terre les plus éloignés possibles. La rareté de ce transit, d’une fréquence moyenne de cent dix ans, interdit à Halley d’espérer assister à celui prévu pour 1761. Ce qui n’empêchera pas la communauté scientifique de tenter l’expérience. Elle mobilise des centaines d’astronomes de tous les pays. Ce qui donnera lieu à des épopées sur lesquelles j’aurai l’occasion de revenir. Haley ne s’est pas trompé. Grâce à lui, on apprend que le Soleil est situé à 150.000 km de la Terre.

Ce scientifique pluridisciplinaire tentera également, mais en vain, de mesurer la taille d’un atome. Il conçoit une cloche qui permet à deux hommes de plonger à dix huit mètres sous l’eau pendant près d’une heure. Pour cela, il régénère l’atmosphère de cette cloche en y vidant à intervalle régulier des tonneaux étanches contenant de l'air. Les plongeurs peuvent aussi quitter cette cloche en respirant grâce à un casque alimenté par un tuyau. Cette invention rendra Halley célèbre.

Si on considère les positions respectives de la Terre de Vénus et du Soleil, on peut en déduire qu’à un instant « t » un observateur placé sur Terre au point A, verra l’ombre de Vénus sur le disque solaire au point C (la ligne rouge matérialise sa direction de visée). Si, simultanément un autre observateur terrestre observe le même évènement depuis le point B, il verra l’ombre de Vénus sur le point D du disque solaire. Si on considère le triangle [A, vénus, B], on connait son côté AB ainsi que l’angle {A, venus B}. L’application de la troisième loi de Kepler démontre que les côtes des deux triangles [ A, Vénus, B] et [D vénus, C] sont liés par un rapport égal à 0,37. La trigonométrie permet alors de calculer la distance de la Terre au Soleil.

Edmund Halley est surtout connu en raison de la comète qui porte son nom. Bien qu’il n’en fut pas le découvreur, il eut l’occasion de l’observer. Son éloge, paru en 1765 dans L’histoire de l’Académie Royale des Sciences relate l’épisode : « Monsieur Halley désirait conférer avec Monsieur Hevelius et lui faire part de tout ce qu’il avait observé de curieux à l'Isle de Saint Hélène et dans sa navigation. C’était l’usage le plus flatteur qu’il en pouvait faire pour lui-même et aussi le plus capable de lui procurer de nouvelles lumières, Monsieur Hevelius étant regardé alors par son âge, par ses immenses et savants écrits, et par la place qu’il occupait dans sa république, comme le chef des astronomes de l’Europe. Halley partit donc pour Dantzig, il y arriva le  26 mai 1679 et sans autre préliminaire, les deux astronomes observèrent ensemble le même soir comme gens qui se connaissaient depuis longtemps et qu’ils s’étaient vus dans cette commune patrie vers laquelle ils dirigeaient leurs regards »… « Conduit par de semblables motifs, M. Halley voulut voir aussi les savants de France et d’Italie. Il était à moitié chemin de Calais à Paris, lorsqu’il aperçut pour la première fois la fameuse comète de 1680, si remarquable par sa grandeur et si terrible aux yeux d’un vulgaire qui était encore très nombreux; mais elle n’annonçait à notre astronome qu’un nouveau sujet de recherches, et de nouveaux succès, car un des plus excellents ouvrages que M. Halley nous ait donné depuis, a été son « abrégé de l’astronomie cométique ». Il y réduit, conformément à l’idée de M. Newton, les trajectoires ou orbites de cette espèce de planète à de simples paraboles qui ont le Soleil pour foyer comme les ellipses des planètes ordinaires, et qui en facilitent beaucoup le calcul. Il nous met sous les yeux dans une table d’une seule page (voir illustration page suivante), les nœuds, les périhélies, les distances et les mouvement de vingt-quatre comètes des plus considérables et des mieux observées, c’est le fruit d’un travail immense; et même cette comète de 1680, qu’il croyait être celle qui parut du temps de Jules César, y joue un des rôles principaux ».

Un mois avant sa venue en France, accompagné de son ami Newton, Halley a déjà aperçu la comète qui revenait du périhélie pour aller se perdre dans les rayons du Soleil. On ne peut ignorer également que sa visite à Hevelius était guidée par le besoin d’apaiser une querelle entre ce dernier et Hooke, au sujet de la construction de lunettes astronomiques. Je profite de cette occasion pour montrer que les éloges, de toutes origines, ont pour objet de relater des faits, mais souvent aussi de les arranger quelque peu. Ces précautions prises, on aurait tort de se priver de les lire, tant leur contenu, plus littéraire que scientifique, dépeint l’esprit des temps qui les voient naître. Halley est admis à la Royal Society à l’âge de vingt deux ans. Quatre ans après, il épouse Marie Tooke, sans pour autant changer quoi que ce soit à ses activités d’astronome. Il se lie d’une profonde amitié avec Isaac Newton qui, comme je l’ai évoqué semble davantage préoccupé par ses découvertes que par la restitution de ses travaux. Avare du temps qu’il consacre à la mise en forme de ses documents, il laisse trainer ses ouvrages sans se soucier de leur publication.

Halley mesurant l’importance de ses découvertes pour la communauté scientifique décide Newton à les publier. Pour éviter à son ami les soucis de l’intendance liée à l’édition de ses œuvres, il porte à bout de bras l’entreprise jusqu’à son terme en 1686. Il n’en tire personnellement aucune gloire si ce n’est que la satisfaction d’avoir œuvré pour le progrès de la science. Cette même année, il publie Histoire des vents alizés et des moussons, qui sera suivi d’autres publications  restituant l’ensemble de ses travaux de météorologiste. Depuis qu’il a rendu publics ses relevés sur le magnétisme terrestre, ses cartes soulèvent des polémiques chez les philosophes et dans la communauté scientifique. En France, Mr Delisle, le célèbre géographe, entreprend de les vérifier. Le roi d’Angleterre, de part sa situation et les forces maritimes dont il dispose, ne peut faire moins que de donner à M. Halley le commandement d’un vaisseau avec pour mission d’établir de nouvelles cartes en parcourant toutes les mers des deux hémisphères. Halley qui va s’avérer être un excellent navigateur, largue les amarres en novembre 1698. Il descend jusqu’aux premières « glaces australes » où il effectue une multitude de relevés. Il atteindra le 52ème degré de latitude, tout comme le célèbre navigateur Amerigo Vespucci à la fin du siècle précédent. Il rentre à Londres en 1700 et démontre que partout, ses relevés correspondaient aux lois qu’il avait déterminées. Il publie à cette occasion une carte comprenant, à 1/8 prés, la totalité du globe. Halley entre à la Royal Society. Il reçoit de la part de la couronne, quelques missions d’un caractère plus politique qui le conduiront à Vienne et en Italie et dont il s’acquittera fort bien. En 1703, il intègre la chaire de mathématiques à Oxford, vacante à la suite de la disparition de Wallis. Il est choisi en 1713 pour devenir secrétaire de la Royal Society. A la mort de Flamsteed, en 1720, il devient astronome royal à l’observatoire de Greenwich, ce qui est plus à son goût que le poste de secrétaire qu’il occupait. Jusqu’en 1740, il ne cesse d’observer le ciel. Il établit des lois sur les mouvements de la Lune, domaine qui préoccupe particulièrement les astronomes de son époque. Il détermine les lieux de notre satellite par rapport à un grand nombre d’étoiles et d’autres objets célestes. En 1731, il élabore une méthode pour trouver les longitudes en mer à un degré prés (environ 20 lieues marines ou 110 km). En 1729, il est reçu à l’Académie des sciences de Paris en tant qu’associé étranger. Vers l’âge de quatre-vingt trois ans, alors en bonne santé, Halley est victime d’une paralysie. Il diminue sa charge de travail, sans déroger à l’habitude qu’il avait, de se rendre à Londres chaque semaine pour déjeuner avec des amis. Il meurt l’année suivante.