Charles Messier (1730-1817)

Charles Messier (1730-1817) est né à Badonviller en Lorraine, dixième d’une famille de douze enfants, il  perd son père à l’âge de onze ans. Il se rend à Paris en 1751, avec pour seul talent, sa belle écriture et ses capacités pour le dessin. Il devient copiste de l’astronome Joseph Nicolas De Lisle, auprès duquel il est chargé de tenir des registres d'observations. De Lisle vient de rentrer de St Petersbourg où le Tsar Pierre le Grand, lui avait confié, en 1725, la création d’une école d’astronomie. Il s’est enrichi et habite à Paris, l’hôtel de Cluny, où il vient d’installer son propre observatoire. Messier copie les notes de son maître, des cartes de la grande muraille de Chine et un plan de Pékin. Parallèlement, le secrétaire de De Lisle, Libour, l’initie à l’observation quotidienne du ciel, à celle des éclipses et à la recherche des comètes. C’est probablement lui qui fait naître chez le jeune homme une passion qui ne le quittera plus. Ce dernier écrira dans ses mémoires: « Dès la fin 1753, je commençais à être bien exercé dans le genre de travaux qui me convenaient le mieux. ». Delambre rajoute dans ses commentaires sur Messier: « Sa curiosité pour les phénomènes astronomiques s'arrêtait au plaisir de les observer, d'en marquer exactement le temps et les autres circonstances, sans jamais sentir l'ambition de me mettre en état de les calculer et de les prédire ». De Lisle avait rapporté de Russie une importante collection de livres, de manuscrits, d'observations astronomiques et géographiques, qu’il offrit au dépôt des cartes de la Marine, recevant en échange une rente annuelle et le titre d'astronome de la Marine. Il engage Messier en tant que commis de dépôt, le loge, le nourrit et lui octroie un appointement de cinq cent francs par an. Cette générosité de De Lisle était loin d’avoir un motif honorable.

En effet, De Lisle conservait pour lui seul les observations de Messier, en particulier, celles de la comète de 1758 (dont les relevés furent effectués du 15 août au 2 novembre) et celles de 1759 (comète de Halley). A cette époque, De Lisle déjà âgé de soixante quatorze ans, renonce à sa chaire d'astronomie au Collège Royal, pour se livrer à des pratiques de dévotion à l’abbaye de Ste Geneviève. Les commentaires qu’on peut lire sur le vieil homme, probablement à bout de forces, sont peu élogieux: « Delisle ne calculait aucune orbite, et ne tirait aucune conséquence des observations dont il s'emparait exclusivement, bien différent en cela de tous les astronomes » nous dit Delambre dans son Histoire de l’astronomie au XVIIIème siècle. Messier, livré à lui-même, va consacrer son temps à ses propres recherches. A partir de ce moment, il traque les comètes avec succès, à tel point que, d’après La Harpe, le roi Louis XV, informé sur ses découvertes, le surnomme « le furet des comètes ». Dans ses Correspondances littéraires adressées au Grand Duc de Russie, La Harpe évoque Messier en ces termes : « Il a passé sa vie à éventer la marche des comètes; et les cartes qu’il en a tracées passent pour être très exactes. Le nec plus ultra de son ambition, est d’être de l’Académie de Petersbourg. C’est d’ailleurs un très-honnête homme, et qui a la simplicité d’un enfant. Il y a quelques années qu’il perdit sa femme; les soins qu’il lui rendait empêchèrent qu’il ne découvrit une comète que Montagne de Limoges lui escamota. Il fut au désespoir… Dès qu’on lui parlait de la perte qu’il avait faite, il répondait, pensant toujours à sa comète: Hélas! J’en avais découvert douze; il faut que ce Montagne m’ôte la treizième ! Puis se souvenant que c‘était sa femme qu’il fallait pleurer, il se mettait à crier: Ah! Cette pauvre femme, et il pleurait toujours sa comète. » Il n’est pas certain que ces faits soient totalement exacts, mais ils nous donnent cependant une indication sur la sensibilité de Messier qui, chaudement recommandé par La Harpe, devint membre de l’Académie de St Petersbourg après avoir communiqué au Roi de Prusse la carte d’une de ses comètes. Peu après, Messier, devint en titre « astronome de la Marine », tout comme son ancien maitre De Lisle. En 1770 il est en concurrence avec Jean Sylvain Bailly pour une admission à l’Académie des sciences de Paris. Malheureusement il ne lui manque qu’une seule voix pour être nommé. On lui reproche de ne s’être préoccupé que d’observations et d’avoir constamment négligé les calculs et la théorie. Messier était modeste et disposait de peu de matériel. Delambre commente: « Il faut lui rendre cette justice; il faisait tout ce qui était humainement possible avec les moyens dont il pouvait disposer; une très bonne vue, une excellente lunette, une pendule et pour la régler un quart de cercle… avec un observatoire si peu riche que pouvait-on attendre de lui que des comètes et des éclipses en tout genre?  Il les observait toutes, il les observait bien, il dessinait les cartes de ses comètes et faisait les observations qui en étaient susceptibles… Il calculait aussi, mais pour les yeux seulement et pour les amateurs ».

Ci-contre, le détail d’une carte dessinée par Messier, montrant la trajectoire d’une comète. Cet astronome étudia, en tout, quarante quatre comètes, parmi lesquelles il en a découvert vingt, durant plus de quarante années d’observations. On lui doit aussi la découverte de la « nébuleuse de l’Haltère » de la « galaxie du Chien de Chasse » et de la principale galaxie de l’amas de la Vierge. En 1774, il communique à l’Académie un répertoire d’objets célestes qui rend à jamais son nom célèbre dans la communauté des astronomes. Ce catalogue voit le jour un peu par hasard; en effet, Messier souhaite aider les chercheurs de comètes à ne pas faire de confusion avec d’autres objets, comme lui-même en a fait les frais en confondant la « nébuleuse du Crabe » avec la comète de Halley. Pour cela, il répertorie tous les objets diffus et fixes par rapport aux étoiles, qui ne peuvent donc pas être des comètes. Il commence par en dénombrer quarante cinq puis, au fil des découvertes, il parvient à en compter cent dix. On notera que la nébulosité qui porte, dans sa liste, le N°1 est justement celle du Crabe. Connue sous le nom de Catalogue de Messier, cette liste est utilisée de nos jours par les astronomes amateurs. Dans la rubrique "Objets célestes" de ce site, je présente la totalité des objets qu’il contient. Nommés de M1 à M110, ils ont, par la suite, été intégrés à d’autres catalogues plus complets. A l’âge de cinquante et un ans, Messier, se promène dans le jardin de Monceaux en compagnie de son ami Gaspard Bochard de Saron (académicien qui sera président du parlement de Paris en 1789, juste avant la Révolution). Il fait une mauvaise chute qui manque de lui être fatale. Tombé de plus de sept mètres de hauteur, il se casse un bras, une jambe, s’enfonce deux cotes et heurte violemment la tête contre des rochers, en subissant une forte hémorragie. Miraculeusement il a la vie sauve, mais doit s’interdire toute observation pendant une année. Grace à l’académicien Georges Sage, directeur de l’École des mines, il obtient une pension de mille livres. Un an et trois jours après sa chute, il remonte pour la première fois à son observatoire de l’hôtel de Cluny pour préparer l'observation du passage de Mercure. Il voit entrer la planète sur le Soleil, trois jours plus tard, le 12 novembre 1782.

Doté de faibles revenus, il avait appris à être économe, pourtant il éprouvait parfois quelques difficultés pour acheter de quoi alimenter les lampes qu’il utilisait lors de ses observations nocturnes. Lalande, qu’il connaissait et qui avait comme lui été un élève de De Lisle, le dépannait souvent de quelques mesures d’huile. Devenu enfin membre de l’Institut en 1793, il découvre une comète dans le serpentaire, en septembre de la même année. A cette période, les astronomes ont fui la capitale et sont alors dispersés en raison des évènements qui perturbent Paris. Messier ne peut communiquer sa découverte qu’à son ami Saron, alors emprisonné. Ce dernier, plus doué que Messier pour les calculs, a juste le temps de déterminer l’orbite de la nouvelle comète, avant que le couperet d’une guillotine ne lui tranche le cou. Les temps qui suivirent furent heureusement plus calmes pour Messier qui, nommé au bureau des longitudes, reçoit même la légion d’honneur. Il poursuit sa carrière, tout en perdant progressivement la vue au point de ne pouvoir lire ou écrire qu’avec une loupe. Il n’a publié aucun ouvrage, si ce n’est que quelques mémoires, disséminés dans les publications de l’Académie des sciences. En 1817, à quatre-vingt-neuf ans, il a une attaque d’hydropisie et meurt en deux jours.

Ci-dessus, une page du catalogue de Messier sur laquelle il décrit quatre objets célestes. En vis-à-vis, j’ai repris des images actuelles de ces objets qui permettront de mieux apprécier les commentaires. En surcharge rouge, j’ai repris les positions actuelles de ces objets. Elles font apparaitre de légères différences avec les positions relevées par Messier. Ces différences ne sont pas des erreurs de l’astronome. Elles sont dues, en partie, aux phénomènes de précession et de nutation que subit la Terre au cours du temps.