William Parson - Lord Rose (1800-1867)

William Parsons, troisième Comte de Rosse, également nommé Lord Oxmantown (1800-1867), est né à York dans le nord de l’Angleterre. Issu d’une riche famille de l’aristocratie, il commence ses études en 1818, au Trinity College de Dublin et, trois ans plus tard, il entre au Magdaleign College d’Oxford où il obtient son diplôme de mathématiques à l’âge de vingt deux ans. La même année, il devient député et le restera jusqu’en 1834. En 1836, il épouse Mary Field qui lui donne onze enfants, dont quatre seulement survivront. Depuis 1827, passionné d’astronomie, William a déjà fabriqué des miroirs de quinze et vingt quatre pouces (38 et 61 cm) pour ses télescopes, lorsqu’il en réalise un nouveau de trente six pouces (91 cm) en speculum, un alliage composé de deux parties de cuivre et d’une partie d'étain. le miroir pèse 300 kg. Lors du processus de fabrication Lord Rosse a recours à des procédés ingénieux pour surmonter les difficultés techniques liées à la fonte de l’alliage. Il exploite son savoir faire pour mener à bien un nouveau projet qui nait dans sa tête vers 1840, et vise la construction d’un télescope géant de soixante douze pouces (1,83 m). A la mort de son père, en 1841, William hérite du Comté d’Offaly, King’s County, en Irlande et de la grande propriété de Birr Castle . Vers1842, il expérimente avec son épouse différents procédés photographiques. En 1845, les travaux du télescope démarrent enfin, mais une terrible famine, connue sous le nom de "Potato famine", ravage l’Irlande. Elle mobilise Lord Rosse à plein temps et interrompt le chantier qui ne s’achèvera qu’en 1847. Durant la famine, Mary, porte secours à prés de cinq cents ouvriers qu’elle emploie dans les environs de la propriété de Birr.

Lord Rosse n’est pas un astronome professionnel. Il représente cette génération de riches amateurs dont les découvertes sont dues essentiellement aux dimensions des instruments dont ils financent la construction. On ne doit pas pour autant minimiser leur contribution, qui souligne une complémentarité entre praticiens et théoriciens de l’astronomie. Le télescope baptisé Léviathan reste durant des décennies le plus grand du monde, bien que son utilisation ne soit pas sans contrainte. Par exemple, Lord Rosse dût fabriquer deux miroirs identiques, qu’il remplace alternativement, lorsque le polissage qui ternit interdit toute observation. Les conditions climatiques irlandaises favorisent la condensation et limitent parfois les plages exploitables à quelques heures par semaine. Enfin, les mécanismes constitués de chaines et des poulies, ainsi que le miroir de 4 tonnes, rendent  les manœuvres difficiles, sur une monture qui ne permet guère de s’éloigner de la direction méridienne. (ci-dessous, des ouvriers devant un des miroirs du Léviathan).

Lord Rosse observe assidument les nébuleuses du catalogue de Herschel. Il pense qu’elles sont constituées d’une multitude d’étoiles et qu’elles nous apparaissent sous la forme de nuages, uniquement parce que les télescopes ne parviennent pas à les résoudre. Si son avis se vérifiait, il aurait des retombées cosmologiques qui remettraient en cause les hypothèses évolutionnistes, comme celles de John Herschel qui pense que certaines nébuleuses, constituées de masses gazeuses, donnent naissance aux étoiles sous l’effet de la gravitation. Prudent dans ses publications, Lord Rosse n’adopte pas de position tranchée sur le sujet, bien qu’il se montre plus affirmatif dans un de ses courriers à l’astronome John Pringle Nichol, en particulier à propos de la nébuleuse d’Orion: « Je crois que je peux sans crainte dire qu’il y a peu ou pas de doute quand à la résolubilité de la nébuleuse… Nous avons pu voir nettement que tout ce qui entoure le trapèze est une masse d’étoiles ». Chose peu courante pour une personne de son rang, Mary Rosse contribue à la fabrication du Léviathan en tant que responsable de forge. Elle réalise elle-même une partie des pièces métalliques de l’instrument. Ci-contre, à gauche, daguerréotype qu’elle tire vers les années 1850.

Finalement, la seule découverte importante de Lord Rosse est celle qu’il fait en observant la nébuleuse M51 dans le Chien de Chasse et qu’il prend soin de dessiner (ci-dessous à gauche). Elle met en évidence pour la première fois, l’existence d’une structure spiralée.

John Herschel l’avait aussi dessinée (ci-dessous à droite) sans déceler cette particularité. Le bilan des résultats obtenus par lord Rosse, compte tenu de l’investissement de vingt mille livres que représente Léviathan , peut paraitre de faible ampleur. Il se limite en effet à des dessins de nébuleuses et quelques esquisses partielles de la surface lunaire. Pourtant, avec ce télescope, Rosse soulève la question des univers-iles évoquée par Emmanuel Kant et ravive les débats sur la cosmologie. La valeur que l’on peut attribuer à son instrument dépasse donc ses seules caractéristiques, dans le sens ou elle a également démontré la possibilité de concevoir et de réaliser des télescopes d’une dimension nouvelle. Les lunettes vont cependant avoir la préférences des astronomes jusqu’à la fin du siècle.

L’essentiel des publications de Lord Rosse réside dans des descriptions précises de ses télescopes et des solutions techniques qu’il a adoptées pour les construire. A ce sujet, et probablement compte tenu de la teneur de ses publications, Maurice Merleau Ponty pose la question: «Lord Rosse est il ingénieur ou astronome ?» et écrit à son sujet: «On se demande si la fabrication de l’instrument n’était pas pour lui une fin en elle-même…». La renommée de Lord Rose s’établit effectivement davantage sur le plan technologique qu’astronomique. Cela ne l’empêchera de présider la Royal Society de 1849 à 1854, de siéger à plusieurs commissions royales relatives à la littérature, à l'éducation et à la science, ainsi que d’être membre d’organismes scientifiques de plusieurs pays. Il passait pour un homme bienveillant et doté d’un caractère libéral peu commun pour une personne de sa condition. Mort à soixante sept ans, il est enterré dans l'église de la ville qui porte le nom de sa famille, Parsontown.