William Huggins (1824-1910)
William Huggins (1824-1910) est né à Stoke Newington, à proximité de Londres. Il fait de courtes études de physique chimie et de physiologie à l’université de Cambridge, qu’il complète par des cours particuliers. Issu d’une famille très aisée, il succède à son père à la direction d’une affaire familiale de commerce de soie et de lin. A l’âge de trente ans, il la vend pour se consacrer entièrement à l’astronomie, alors qu’il n’est encore qu’un amateur. Il construit son observatoire à Tulse Hill et l’équipe d’une lunette de huit pouces avec des lentilles en verre, de chez Alvan Clarke (les meilleures du moment). Il commence à observer le Soleil et les planètes mais rapidement, il se concentre sur les travaux de Kirchhoff et Bunsen, et leur théorie à propos des raies spectrales solaires qui doivent révéler sa composition chimique. En collaboration avec William Allen Miller, professeur de chimie au King’s Collège, il parvient à réaliser des photographies de nombreux spectres stellaires. Dès 1864, il fait sa première découverte en remarquant qu’il existe des différences spectrales entre plusieurs nébuleuses et que certaines d’entre elles, comme M31 (galaxie d’Andromède), disposent d’un spectre continu. On ignorait alors que les spectres continus révélaient des galaxies alors que ceux dans lesquels apparaissaient des raies étaient issus de nébuleuses gazeuses, comme celle d’Orion. Dans ses mémoires, Huggins relate: «J'ai regardé dans le spectroscope; pas de spectre comme ceux que j‘attendais. Seulement une ligne brillante! l’énigme des nébuleuses venait de se résoudre; la réponse était portée par les lumières elles-mêmes, il s’agissait non pas d’un amas d’étoiles, mais d’un gaz lumineux.» Il en tire d’autres conclusions: «La probabilité est écrasante en faveur d’une évolution, passée et présente, des foules célestes. Un temps a surement existé où la matière maintenant condensée en soleil et planètes emplissait tout l’espace occupé par le système solaire, dans l’état d’un gaz qui apparaissait comme une nébuleuse incandescente… Il n’y avait plus lieu de douter que les nébuleuses révélées par les télescopes ne fussent les stades primitifs de longues séquences d’évènements cosmiques».
Huggins est, à ce titre, un pionnier de l’astrophysique. L'examen du spectre de la lumière réfléchie par la Lune lui permet également d’affirmer qu’elle ne possède pas d’atmosphère. En 1867, son travail sur les nébuleuses lui vaut la médaille d’or de la Royal Astronomical Society. En 1868, il découvre la présence de composés contenant du carbone (l’éthylène: C2H4), en examinant le spectre d’une comète. La même année, il publie un mémoire dont le contenu aura un impact fondamental sur la cosmologie. Il s’appuie sur les travaux de Christian Doppler et Hippolyte Fizeau, qui ont démontré que la fréquence des ondes lumineuses émises par un objet s’éloignant d’un observateur, diminuait, alors qu’elle augmentait lorsque l’objet s’en rapprochait. Huggins applique cette règle à l’analyse spectrale des étoiles. En déduisant que leur lumière devait être décalée vers le bleu si l’étoile se rapprochait vers la Terre et vers le rouge si elle s’en éloignait. Il montre le premier que la déviation mesurable sur la raie spectrale « F » de l’hydrogène de Sirius, atteste qu’elle possède une vitesse radiale. Il calcule que l’étoile s’éloigne de la Terre à une vitesse de 47 km/s. Bien que cette valeur soit erronée (Sirius s’éloigne de nous à la vitesse de 7,6 km/s) l’expérience demeure concluante. Elle sera reprise par l’allemand Hermann Carl Vogel qui obtient une meilleure précision de mesure. A cinquante et un ans, Huggins épouse Margaret Lindsay Murray qui a 24 ans de moins que lui. Elle devient sa principale collaboratrice. La photographie astronomique fait un grand pas lorsque Huggins abandonne les plaques à collodion humides qui ne permettent pas de temps de pose supérieur à 30 secondes et qu’il développe l’usage de « plaques sèches » enduites d’une gélatine beaucoup plus performante.
En 1892, Sir W.Huggins et Lady Margaret signent ensemble une publication sur le spectre de l’étoile nouvelle du Cocher, Novae Aurigae. On sait aujourd’hui que cette étoile est une nova dont la luminosité croit rapidement en 1892, au point d’atteindre une magnitude 3.8 (de nos jours elle est retombée à 15).
Le couple Huggins pense (à juste titre) que cet éclat soudain est dû au rapprochement de deux étoiles. En 1897, Huggins fait savoir à l'Académie des sciences qu'il est parvenu à photographier séparément les spectres des composantes colorées de quelques étoiles doubles: il en conclut que les différences de couleur des composantes sont réelles. En outre, il a trouvé des étoiles doubles dont les deux composantes donnent la même couleur et d'autres dont les deux composantes ont des différences de couleur bien tranchées. II pense que si l'on connaissait les masses des étoiles, on pourrait, à partir de telles observations, en déduire des données relatives à l'âge des systèmes doubles, dans le premier cas et à l'âge de chaque étoile composante, dans le second. Il conseille cependant de se montrer circonspect sur ses déductions.
Huggins a proposé une méthode spectroscopique pour déceler les protubérances solaires. Ses expériences ont contribué à résoudre une question controversée, en ce qui concerne la distribution du calcium dans le Soleil. En 1899, il publie avec son épouse un atlas des spectres stellaires. Il meurt à l’âge de quatre-vingt-quatre ans, en ayant partiellement perdu la vue. Il a reçu de nombreuses distinctions, fut fait chevalier en 1897, reçu le prix Lalande et les médailles Copley, Bruce, Rumford et Draper et une deuxième médaille d’or de la Royal Society, dont il fut le président de 1900 à 1905.