Herbert Doust Curtis (1872-1942)

Hebert Doust Curtis (1872-1942) est né à Muskegon dans le Michigan. Son père Orson Blair surnommé Curtis est marié avec Sarah Elise Doust. C’est un ancien combattant de la guerre de sécession qui s’est battu avec les forces de l’Union dirigées par Abraham Lincoln. Herbert fréquente l’école primaire à Détroit, puis se rend à l’université où il obtient son baccalauréat es-art au bout de trois ans. Il y passe une année supplémentaire et obtient une maitrise es-art et langues classiques. Apparemment rien ne le prédispose à devenir astronome, d’autant que durant ses quatre années d’études il n’a jamais poussé la porte de l’observatoire de son université. Avec son diplôme en poche, il devient instituteur à Detroit Latine High School puis, six mois plus tard, enseigne le latin et le grec au Napa College, petite institution méthodiste située à proximité de San Francisco en Californie. C’est dans ce collège qu’il découvre l’astronomie en observant le ciel avec une lunette. Il se marie en 1895 avec Mary D.Raper qui lui donne quatre enfants. En 1896, son collège fusionne avec le Pacific Collège de San José et l’année suivant Doust Curtis commence à enseigner les mathématiques et l’astronomie. Parallèlement, pour se perfectionner durant les vacances scolaires, il passe les étés de 1897 et 1898 à l‘observatoire Lick en Californie et retourne à l‘université du Michigan durant l'été 1899 pour étudier la mécanique céleste. En 1900, Curtis assiste à une éclipse en Géorgie, dans le cadre d’une expédition organisée par l’observatoire de Lick. Il rencontre alors des astronomes issus d'autres institutions et, en particulier, de l‘université de Virginie. Encouragé à y suivre des études supérieures, il obtient une bourse et déménage pour aller à Charlottesville avec sa famille. Il obtient un doctorat qui lui permet de revenir à Lick où il est embauché à l’observatoire. Il y restera durant les dix huit années qui suivirent.

Durant son séjour à Lick, Doust Curtis aborde différents domaines. Il réalise des études photographiques du ciel profond, (comme en atteste le cliché de Horsehead ci-contre), il étudie les vitesses radiales des étoiles brillantes et recueille de nombreux spectrogrammes. Sa contribution principale dans le domaine de l’astronomie est constitué d’un ensemble de mémoires qu’il publie entre 1910 et 1920. Cette dernière année, il défend son point de vue  sur la structure de l’Univers, à l’occasion d’un exposé de quarante cinq minutes qu’il présente à la  National Academy of Sciences . Au cours de cette même réunion, un jeune astronome prometteur, Harlow Shapley, bénéficie du même temps de parole pour soutenir sa thèse qui s’avère contradictoire. Bien que cette échange fut baptisée « le grand débat », il n’y eut pas en réalité de véritable débat formel entre les deux hommes. Cependant leurs positions divergentes interpellent la communauté astronomique. Chacun essaiera de se déterminer. Au-delà de l’aspect scientifique, certains verront l’expression plus symbolique d’une humanité en quête sa véritable place dans l’ordre cosmique d’un univers qui soudain apparaissait bien plus gigantesque qu’on ne l’avait supposé jusqu’alors.

Ce « Grand Débat » se fonde sur une astronomie dite observationnelle. Il porte sur la nature et la situation dans l’Univers de ce que l’on appelait encore nébuleuses et qui, en fait, se sont avérées être des galaxies situées en dehors de la voie lactée. Pour Harlow Shapley, l’univers observable ne peut s’étendre au-delà de la voie lactée, alors que pour Doust Curtis, qui se base sur des observations de novae effectuées dans la galaxie d’Andromède, il était possible de dépasser la limite que fixait son contradicteur. Dans leurs argumentations respectives, les deux astronomes ne s’appuient pas seulement sur leurs propres travaux mais intègrent également les résultats déjà obtenus par certains de leurs collègues. 

En 1932, Doust Curtis fut nommé directeur de l’observatoire du Michigan dont dépendait l’observatoire de Mac Math-Hulbert (ci-contre). William Ellery Hale, riche industriel et père de l’astronome Georges Ellery Hale, avait doté la National Academy of Science d’un fond destiné à être utilisé pour permettre à des astronomes de présenter leurs travaux sous forme de lectures effectuées devant les membres de l’académie. A ce titre Georges Ellery Hale, membre de cette académie avait, de par sa filiation, une certaine influence sur le choix des thèmes débattus. Il proposa au secrétaire d’alors, Charles G. Abott, d’aborder la question de la taille de l’Univers et de demander à Shapley (son propre assistant au Mont Wilson) et à Heber Doust Curtis, alors directeur de l’observatoire d’Allegheny à Pittsburgh, de se livrer à cet exercice. Chacun reçut donc les cent cinquante dollars d’honoraires prévus dans la dotation de William Ellery Hale.  La lecture eut lieu le 26 avril 1920 et le premier intervenant fut Shapley. Son exposé comportait quatre volets: 1) « La taille de notre galaxie ». 2) « Surveillance de la périphérie solaire ». 3) « Sur l’éloignement des amas stellaires » et enfin, 4) « Dimensions et organisation du système galactique ». A l’issue de cet exposé, Doust Curtis développa ses trois volets:  1) « Dimension et structure des galaxies ». 2)  « Déductions issues de la magnitude des étoiles » et 3) « Les galaxies spirales et extérieures ». Shapley défendait l’idée d’un univers composé d’une seule grande galaxie (notre voie lactée) dont les lointaines nébuleuses spirales se situaient en réalité à proximité des nuages gazeux qui bordent cette immense galaxie. Il évaluait sa taille à 100 Kpc (326.000 al) soit, huit fois plus que ce qu’avait évalué Kapteyn. Il positionnait le Soleil à 20 Kpc (65.000 al) du centre de la galaxie, alors que  Kapteyn l’évaluait à seulement 614 pc (2.000 al). Hebert Doust Curtis quand à lui, pensait que les nébuleuses spirales étaient autant de galaxies distinctes et que leurs tailles pouvait se comparer à celle de notre galaxie.

Imaginons que notre gigantesque Voie lactée n’est qu’un des minuscules grains de lumière de l’image ci contre, et nous aurons une idée encore bien éloignée des dimensions à considérer pour traiter des distances au sein de l’Univers. Doust Curtis avait-il pressenti que le fait de limiter l’univers à notre galaxie ne pouvait être une hypothèse satisfaisante. Il restait bien évidemment à en apporter des preuves, qu’il ne fut pas en mesure de trouver, compte tenu de l’insuffisance des équipement existants à son époque. Au cours du « grand débat », selon les points traités, chacun des intervenants eut à la fois tort et raison et il n’y eut ni vainqueur ni vaincu. D’ailleurs qui aurait pu alors les départager? En revanche le débat mit en lumière quelques axes de recherche pour lesquels de nombreux chercheurs en astronomie allaient bientôt consacrer leur énergie. Heber Doust Curtis eut l’occasion d’effectuer de nombreuses expéditions dans le monde. En 1930, il quitta Allegheny où les observations se dégradaient en raison de la forte industrialisation de Pittsburgh, et il prit la direction de l’observatoire de l’université du Michigan. Une maladie de la thyroïde perturba ses dernières années de travail. Il mourut à l’âge de soixante dix ans, à Ann Arbor. Il était membre de la National Academy of Science et un astronome respecté par ses pairs.