Gustav Kircchoff (1824-1887)

Gustav Robert Kirchhoff (1824-1887) est né à Königsberg en Prusse. Son père Friedrich, conseiller en droit, a un sens aigu du devoir envers sa patrie. Avec sa mère Johanna Henriette Wittke, ils font partie de la communauté intellectuelle de leur ville. Le jeune Gustav se destine naturellement à une carrière au service de son pays. En Prusse, les professeurs d’université sont alors fonctionnaires et les parents de Gustav souhaitent le voir occuper un tel poste; c’est à leur yeux la meilleure manière de servir leur pays. Gustav entre à l’université Albertus, de Königsberg où enseignent Carl Gustav Jacobi et Franz Ernst Neumann qui mettent en place les « séminaires de mathématiques et de physique » auxquels assiste Kirchhoff de 1843 à 1846. A partir d’un projet qui a vu le jour dans ces séminaires, Kirchhoff établit les lois qui portent son nom. En 1845, il communique ses premiers travaux sur l’électricité (loi des nœuds et loi des mailles) qui prolongent ceux de Georg Ohm. S’appuyant sur la conservation de l’énergie et de la charge dans un circuit électrique, ces lois permettent de calculer les courants, les tensions et les résistances dans différents circuits électriques. A cette occasion, Kirchhoff montre ses capacités de synthèse et son aisance à exploiter l’outil mathématique. En 1847, diplômé de son université, il se rend à Berlin, mais la situation économique de son pays est difficile en raison de mauvaises récoltes et d’un fort chômage. A Paris, le renversement de Louis-Philippe, en février 1848, n’augure rien de bon. Des soulèvements éclatent dans les länders et les combats arrivent jusqu’à Berlin. Kirchhoff n’est pas inquiété durant ces assauts contre la monarchie. Durant deux années, il occupe un poste d’enseignant non rémunéré. Il en profite pour revoir et rectifier ses lois, en prenant en compte, cette fois, les courants électrostatiques dont il n’avait pas tenu compte initialement. Il quitte Berlin en 1850 et rejoint Breslau où il est enfin nommé professeur. Il travaille alors sur des problèmes de déformation de plaques électriques, sur lesquels de nombreux autres physiciens se sont penchés. Il parvient le premier à les résoudre grâce au calcul variationnel.

A Breslau, Kirchhoff fait la connaissance de Robert Wilhelm Bunsen qui devient son ami. Plus tard, en 1854, Bunsen qui travaille à Heidelberg, invite Kirchhoff à le rejoindre pour occuper un poste de professeur de physique; il entre ainsi dans la communauté scientifique de la ville et en profite pour épouser Clara Richelot, fille d’un de ses professeurs de mathématiques à Königsberg. Kirchhoff travaille d’abord sur les propriétés de l’électricité avec Wilhelm Édouard Webber et découvre qu’un courant électrique se déplace dans un conducteur sans résistance à une vitesse quasiment égale à celle de la lumière. Les deux chercheurs ne verront pourtant là qu’une coïncidence.

Ce n’est qu’environ cinq ans plus tard que James Clerk Maxwell en tirera la conclusion que la lumière est un phénomène électromagnétique. La contribution majeure de Kirchhoff pour l’évolution de la physique reste celle de la spectroscopie. Avec Bunsen, il met au point le spectroscope, instrument doté d’un prisme qui permet de séparer les différentes composantes chromatiques de la lumière et de pouvoir ainsi établir son spectre. Cet appareil permet à ses concepteurs d’aborder l’étude des spectres de divers éléments chimiques gazeux et de noter que chacun possède sa propre signature  spectrale, sorte de carte d’identité permettant l’identification de l’élément.

En 1859, Kirchhoff et Bunsen, découvrent que les lignes spectrales émises par un gaz (spectre en émission) se produisent sur la même longueur d’onde que celles d’un spectre provenant d’une lumière incandescente traversant ce gaz chauffé à la même température (spectre en absorption).

 

Le schéma ci-dessous illustre leur expérience:
Cas 1: En traversant le prisme, la lumière de la source incandescente (ici la flamme d’un bec de gaz ou « bec Bunsen », donne un spectre continu.
Cas 2: Si la lumière traverse un gaz, son spectre présente des raies sombres qui correspondant à l’ absorption de composantes lumineuses de ce gaz, par des éléments qu’il contient.
Cas 3: Les éléments de ce gaz, chauffés par la source de chaleur, émettent une lumière dont le spectre fait apparaitre des raies colorées.

Kirchhoff a l’idée de comparer les raies noires du spectre solaire avec les spectres de différents éléments chimiques qu’il a pu isoler. Il établit avec certitude que le Soleil possède une atmosphère chaude et gazeuse. A cette occasion, il démontre que la thèse de William Herschel, qui pensait que le Soleil était un corps noir et froid entouré d’une atmosphère lumineuse, est fausse .

Vers 1860, Kirchhoff effectue la première carte détaillée du spectre solaire et perd partiellement la vue en effectuant ce travail. Pendant ce temps Bunsen cherche des nouveaux spectres qui mettraient en évidence des éléments chimiques encore inconnus. Il découvre à cette occasion le rubidium (Rb), en effectuant un spectre à partir d’un échantillon de lépidolite et celui du césium (Cs). En 1862, Kirchhoff effectue des recherches sur le rayonnement des « corps noirs » (Kirchhoff désigne par « corps noir » un modèle théorique qui permet d'étudier les interactions entre la matière, la température et la lumière). Il détermine la loi du rayonnement, dans laquelle il précise que pour un atome ou molécule, l'émission et l'absorption de fréquences sont les mêmes.

Ses travaux seront très importantes pour le développement ultérieur de la théorie quantique, utilisée aujourd’hui pour les études les plus poussées sur les systèmes physiques. Il reçoit à cette occasion la médaille de Rumford. Kirchhoff eut trois fils et deux filles avec sa première épouse Clara, qui meurt en 1869. En  1866, il fait une grave chute dans un escalier et se brise le pied. Contraint de passer son temps dans un fauteuil roulant, il doit s’appuyer sur des béquilles durant cinq années, tout en s’occupant seul de ses enfants. En 1868, il devient membre de la Royal Society d’Edinburg. En 1872, il se remarie avec Luise Brömmel et vit à Heidelberg, tout en déclinant pendant un temps les offres qu’on lui faisait pour aller enseigner dans d’autres université plus prestigieuses. Cependant, sa santé rend fastidieux ses travaux d’expérimentation en laboratoire et le contraint à accepter, en 1875, la chaire de physique de l’université de Berlin où il publie, en quatre tomes, son œuvre majeure: Vorlesungen über mathematische Physik . La même année, il est élu membre de la Royal Society. Malgré sa santé fragile, Kirchhoff poursuit son métier d’enseignant jusqu’à ce qu’en 1884, ses médecins lui ordonnent d’arrêter son activité. Il la reprendra avec difficulté en 1885 et 1886, mais devra l’interrompre de nouveau, victime de fièvres et de vertiges répétés. Une tumeur cérébrale est suspectée, il meurt le 17 octobre 1887. En astronomie, les travaux de Kirchhoff et Bunsen jouent un rôle fondamental et comptent parmi ceux qui ont permis la transition de la mécanique céleste (jusqu’alors quasiment le seul fondement sur lequel reposait l’astronomie classique) vers l’astrophysique, permettant à cette dernière de progresser à grands pas à partir de la fin du XIXème siècle.