Giovanni Schiaparelli (1835-1910)

Giovanni Virginio Schiaparelli (1835-1910) est né à Savigliano dans le Piémont. Il fait des études d’hydraulique et d’architecture à Turin puis, à l’âge de dix neuf ans, il enseigne les mathématiques tout en continuant d’étudier les langues et l’astronomie. En 1857, après avoir obtenu son doctorat, il intègre l’observatoire de Berlin où il se consacre à l’astronomie théorique, la physique, la météorologie et le magnétisme terrestre. Il travaille en compagnie de Johann Encke (découvreur de la comète du même nom). Il se rend ensuite en Russie où il séjourne à l’observatoire de Pulkovo situé non loin de Saint Petersbourg. Il rentre en Italie pour occuper un poste d’assistant astronome à l’observatoire Milanais de Brera (image ci-dessous). Deux ans plus tard, en 1860, il en devient directeur. Il fera toute sa carrière dans cet observatoire, soit 40 années d’observation. Schiaparelli s’intéresse initialement aux étoiles filantes. Il découvre qu’elles sont des masses de matière comparable à celle des comètes, qui suivent des trajectoires répondant aux mêmes règles que ces dernières. Il ajoute que l’espace interstellaire est peuplé d’amas de matière, issus de masses nébuleuses étrangères à notre système planétaire. Ces amas, lorsqu’ils se trouvent à proximité du Soleil, subissent son attraction, qui les entraine dans des directions sensiblement identiques et à la même vitesse. Il calcule enfin que ces « flocons » de matière entrent dans notre atmosphère à des vitesses de plusieurs kilomètres par seconde et compriment violemment l’air en dégageant une intense chaleur, accompagnée d’une trainée lumineuse due à leur « explosion ». Il explique les pluies d’étoiles filantes Perséides (pic vers le 10/15 aout) et Léonides (pic vers le 15/20 novembre), comme des flux périodiques de «courants météoriques» qui chaque année passent en un même point à proximité de la Terre.

En 1866, Schiaparelli établit que l'essaim des Perséides évolue sur une trajectoire similaire à celle de la comète périodique Swift-Tuttle, découverte en juillet 1862.  De même, il découvre simultanément avec les astronomes Carl Friedrich Peters et Egon Von Oppolzer, que l'essaim des Léonides emprunte la route de la comète périodique que venait de découvrir Ernst Tempel. Le travail de Schiaparelli sur les comètes et les «météores» sera cependant quelque peu occulté par sa contribution majeure à l’astronomie, portant sur ses observations et cartographies de la planète Mars. Tout commence en 1877, lors de la grande opposition, période où la planète rouge était au plus proche de la Terre, au point d’apparaitre presque aussi brillante que Vénus. Ce rapprochement, nommé opposition périhélique, a lieu tous les quinze à dix sept ans et autorise des observations exceptionnelles. Les zones les plus claires de la surface sombre, probablement par réflexe de similitude avec la configuration terrestre, étaient considérées alors comme des mers. Schiaparelli consigne scrupuleusement ses remarques et dessine méthodiquement ces formes sur son carnet de notes, dont on peut voir un extrait en page suivante. Outre les grandes formations, il découvre des lignes qui suivent des tracés géométriques intrigants. En 1878, il publie un ouvrage comprenant une première carte de la planète. Comme il éprouve un grand intérêt pour la mythologie et les récits bibliques, il puise naturellement dans les anciens textes grecs ou latins pour nommer ou renommer les formations martiennes. Schiaparelli utilise le terme « canali » pour qualifier les formations rectilignes sombres. On notera que le père Angelo Secchi avait déjà aperçu ce type de formations, qu’il décrivait comme des « bandes noires ». En réalité « canali » signifie « bras de mer » en italien, mais ce terme sera improprement traduit par « canaux » et donnera lieu à des conjectures allant jusqu’à à envisager qu’ils puissent être artificiels. Il n’en faudra pas davantage pour remettre à l’ordre du jour l’idée d’un pluralité des mondes habités, sur laquelle je reviendrai.

Ci-dessus, détail d'un carnet de notes de Giovanni Schiaparelli dont la contribution à l’astronomie lui vaut, en 1868, le Prix Lalande et en 1872, la médaille de la Royal Astronomical Society de Londres. En 1896, il devient membre étranger de la Royal society et fut, en 1902, le quatrième lauréat de la médaille Bruce.

Pour apprécier le travail de Schiaparelli, il faut revenir en arrière. Le but n’est pas ici de relater l’histoire des connaissances que nous avons de Mars mais de montrer que le travail de Schiaparelli s’inscrit dans la suite logique de travaux antérieurs. Galilée à probablement observé Mars avec sa lunette, vers 1610, mais le premier dessin connu date de 1726, il est l’œuvre d’un certain Francisco Montana. Il ne montre aucun détail, si ce n’est qu’il fait apparaitre la piètre qualité optique des instruments de l’époque. En revanche, Christian Huygens, en 1659, dessine le premier une forme triangulaire (fig.1). En 1666, Cassini publie une série de dessins montrant des formes sombres et des calottes blanches (fig.2) qui évoluent dans le temps. Il faut ensuite attendre 1719, pour que Maraldi suggère que ces calottes soient constituées de glace. En 1784, après sept ans de recherches William Herschel découvre l’inclinaison axiale de Mars, qu’il évalue à 30°. Il note également les changements saisonniers qu’il a relevés, concernant les calottes polaires et suggère, lui aussi, qu'elles sont faites de neige et de glace. Il écrit: «L'analogie entre Mars et la Terre est, peut-être, de loin la plus grande dans l'ensemble du système solaire. Le mouvement diurne est à peu près le même, l'obliquité de leurs écliptiques, dont dépendent les saisons n’est pas très différente...» Victime d’un préjugé d’analogie avec notre planète, il considère à tord les zones sombres comme des océans. Des observations d’étoiles passant à la lisière de la planète lui font rajouter enfin que Mars possède probablement une atmosphère.
Ce n’est qu’en 1840, que Wilhelm Beer et Johann Von Mädler montrent des formations plus distinctes à la surface de la planète (fig.3). Le père Angelo Secchi les dessinera en couleur sans pouvoir y apporter davantage de détails (fig.4). C’est alors que Schiaparelli, au terme de douze années consacrées à étudier la planète, publie une carte bien plus détaillées que les quelques rares cartes existantes, comme celle de William Rutter Dawes en 1864 (fig.ci-contre) ou celle que reprit Richard Antony Proctor en 1867 (fig.6) où l’on remarque les calottes  south/north polar ice» qualifiées de «glaciaires». Schiaparelli, tentera également d’évaluer la rotation de Mercure et de Vénus autour de leurs axes respectifs, à partir du relevé des mouvements de leurs taches. Il n’obtiendra pas de résultats probants. Il effectuera enfin près de 11.000 relevés sur des étoiles doubles, afin de vérifier les lois de Newton.

Cartes publiée par Schiaparelli sur laquelle on note une nomenclature spécifique qui rompt avec celle de ses prédécesseurs.