Eugène Antoniadi (1870-1944)

Eugenios Mihail Antoniadis (1870-1944) est né à Constantinople. D’origine grecque, il a étudié l’architecture et s’est intéressé à l’astronomie vers l’âge de 18 ans. Il effectue ses premières observations à l’aide d’une lunette de 75 mm. Doté d’une acuité visuelle exceptionnelle, il dessine avec une incroyable précision le résultat de ses observations. Il fait parvenir ses croquis à Camille Flammarion qui en publie certains dans la revue « astronomie ». En 1891, il devient membre de la Société Astronomique de France, fondée par Flammarion. Trois ans plus tard, ce dernier lui propose un poste d’assistant dans son observatoire personnel de Juvisy. Antoniadi touche un salaire de trois cents francs par mois pour six journées de travail par semaine. Il observe sur une lunette équatoriale Bardou de 240 mm de diamètre. Parallèlement, en 1890 se crée la British Astronomical Society, qui compte parmi ses objectifs de faire des recherches dans les domaines les moins explorés par les astronomes professionnels, ainsi que des campagnes de sensibilisation pour la lutte contre la pollution lumineuse qui commence déjà à envahir les villes. Antoniadi fut un des premiers membres de cette association d’amateurs. En 1896, il effectue un voyage en Norvège afin d’y observer une éclipse et à cette occasion, il noue des relations plus étroites avec certains membres qui lui offrent la responsabilité de la section « Mars ». A cette époque, la théorie des canaux martiens est à son apogée et Antoniadi, dans un premier temps, se rallie au point de vue de Flammarion qui publie des ouvrages défendant l’existence sur cette planète de créatures intelligentes et de sociétés civilisées. Vers 1902 il épouse Katharine Sevastupulo, fille d’une des grandes familles de la communauté grecque de Paris, il commence aussi à se brouiller avec Camille Flammarion et quitte la « S.A.F ». Il se met à douter de l’existence des canaux martiens. Il séjourne quelque temps à Londres et, à son retour à Paris, il fait l’acquisition et s’établit dans un appartement luxueux des beaux quartiers. 

A cette époque, il ralentit ses activités d’astronome et réside aussi en Turquie où il a obtenu l’autorisation du sultan Abdul Hamid de photographier l’intérieur de la basilique Sainte Sophie, devenue une mosquée au XVème siècle. Il réalise plus de mille clichés qui donnent lieu à la publication entre 1907 et 1909 d’un ouvrage en trois volumes Ekphrasis tes Agias Sophias  traitant de l’histoire, de la décoration et de de l’architecture de cet édifice. Antoniadi est réconcilié avec Flammarion lorsqu’en 1909, Henri Deslandres directeur de l’observatoire de Meudon, lui propose de venir travailler avec la grande lunette équatoriale de 830 mm, réputée d’une précision inégalée. Cette lunette et les observations qu’il effectue de la planète Mars lui permettent de lever définitivement le doute et de montrer que les canaux martiens ne sont que des artefacts d'interprétation d'une structure de surface très complexe, vue à travers l'atmosphère terrestre en perpétuelle agitation. Antoniadi devient un spécialiste reconnu de l’observation planétaire. Il dessine les anneaux de Saturne sur lesquels il détecte des structures radiales, les surfaces de Mercure (ci-contre) et de Venus. Il laisse une échelle qui porte son nom, encore utilisée par les amateurs et qui permet de qualifier le niveau des turbulences atmosphériques et leur incidence sur les observations. Il reçoit la Légion d’Honneur en 1927 pour services rendus à la patrie lors de la première guerre, durant laquelle il œuvra activement pour les services du renseignement. Il est le seul astronome amateur à avoir reçu le prix Janssen. En 1828, il est naturalisé Français. Il reçoit le prix La Caille de l’Académie des sciences en 1932. Profondément marqué par la maladie, il disparait en février 1944.

Photographie montrant Eugène Antoniadi (à droite adossé à la rampe) en train de prendre des notes pendant qu’un de ses collègues effectue une observation sur la grande lunette de l’observatoire de Meudon.

Sur cette carte dessinée par Eugène Antoniadi à l’observatoire de Meudon, on peut constater l’absence des canaux martiens si chers à l’imagination de Lowell, Schiaparelli, Flammarion et à tant d’autres astronomes. On notera également, à ce propos, que jusque dans les années 1960 les fameux canaux avaient leurs détracteurs. Les américains, par exemple , utilisèrent les cartes de Lowell jusqu’en 1965, date à laquelle la sonde Mariner IV survolant Mars anéantit définitivement l’idée de canaux. Il aura fallu attendre les premières photographies réalisées à partir des satellites pour que prenne fin cette fiction qui avait marqué durablement notre imaginaire et donné lieu à des récits tous aussi extravagants les uns que les autres.