Ernst Tempel (1821-1889)

Ernst Wilhelm Leberecht Tempel (1821-1889) est né à Nieder-Cunersdorf en Saxe. Il perd sa mère dans sa tendre enfance et n’est scolarisé que jusqu’à l’âge de quatorze ans. Pendant sa jeunesse, il est enfant de chœur et effectue quelques menus travaux de jardinage pour arriver à se nourrir. A l’adolescence il apprend l’art de la lithographie et à l’âge de vingt ans, avec la seule lettre de recommandation d’un parent éloigné, il part pour Copenhague. Durant trois ans, il vit heureux parmi les artistes et les scientifiques de la ville et il parfait sa maitrise de la langue allemande. Son désir de découvrir du pays le conduit à effectuer un bref passage en Norvège, à Christiania (actuelle Oslo), mais son goût pour l’art le dirige vers Venise où il installe un atelier de lithographie en 1850. Il devient intime avec les membres d’une des grandes familles de la ville et épouse une de ses filles Marianna Gambino. Il renonce à la religion protestante pour devenir un fervent catholique. Le couple très uni n’aura cependant aucun enfant. Au contact d’amis cultivés, Wilhelm découvre l’astronomie et devient vite un passionné. Il achète alors une lunette de quatre pouces de diamètre (env.10 cm) qui lui permet, en 1859, de découvrir une nouvelle comète et une nébuleuse située autour de l’étoile Mérope des Pléiades.

Ces découvertes l’incitent à devenir astronome et, dans son enthousiasme, à se rendre à Paris. Mais, Le Verrier responsable de l’Observatoire, ne lui prête guère attention en raison de son manque de formation scientifique. Tempel se rabat alors sur un poste d’assistant à l’observatoire de Marseille. Il découvre avec sa propre lunette de quatre pouces, placée sur la terrasse de l’observatoire, une nouvelle comète (1860 IV) et deux astéroïdes (64 Angélina) et (65 Cybèle), en Mars 1861. Mais il semble que Le Verrier use de son influence pour qu’il ne puisse conserver son poste à Marseille. Il est donc contraint pour vivre de ré-ouvrir un atelier de lithographie. Il n’arrête pas pour autant ses observations et, c’est depuis son jardin et le balcon de sa maison qu’il découvre encore treize nouvelles comètes et quatre astéroïdes supplémentaires.

Il publie ses observations dans une revue scientifique allemande, mais ne peut arriver à se faire entendre par la communauté scientifique française, si ce n’est que Le Verrier, qui semble s’acharner contre lui, l’attaque encore concernant la question de la variabilité des nébuleuses. En 1871, la guerre contre la Prusse pousse le gouvernement français à ordonner l’extradition des ressortissants d’origine allemande. Tempel est contraint de fuir Marseille et de se réfugier en Italie où il est accueilli à Milan par l’astronome Giovanni Schiaparelli qui a déjà connaissance de ses travaux sur les nébuleuses et de ses découvertes de comètes. Entre temps, Tempel a progressé en mathématiques et peut désormais aborder les calculs des trajectoires elliptiques des comètes. Il fait alors quelques publications, dont une carte de la Pléiade qui parait en Angleterre dans les notices mensuelles de la Royal Astronomical Society. L’académie de Vienne lui décerne quatre prix pour ses découvertes et, en l’absence de son directeur, il reçoit un jour l’empereur du Brésil qui lui remettra l’année suivante le diplôme de Chevalier Impérial de l’ordre brésilien des Roses. Ci-contre, dessin de la comète de Coggia (1874. III).

En 1873, disparait l’astronome Donati directeur de l’observatoire d’Arcetri à côté de Florence. La place est vacante et Schiaparelli propose qu’on la confie à Temple. Ce dernier s’empresse d’accepter la proposition qui va lui donner une réelle autonomie dans son travail. Il se doute également que le climat florentin est plus clément que celui de Milan. Arrivé à Arcetri, Tempel déchante. Les bâtiments sont vétustes et nécessitent des réparations, le matériel d’observation n’est pas en meilleur état, il n’y a pas d’assistant et la bibliothèque est quasi inexistante. Son logement à l’observatoire est si insalubre qu’il doit même trouver à se loger dans une maison voisine. Son salaire, très bas, lui permet à peine de subvenir à ses besoins.  Les observations avec la lunette équatoriale sont longues et fastidieuses. Pour se repérer il doit descendre de son échelle, chaque fois qu’il a besoin de consulter une carte. Il ne se décourage pas pour autant et dessine plus de cent quatre vingt nébuleuses qu’il présente à l’Académie Royale des « Linceii » qui lui décerne le prix attribué tous les six ans au meilleur travail astronomique italien. L’Académie lui propose même de publier ses dessins, mais les lithographies de l’imprimeur le satisfont si peux qu’il désapprouve une telle publication. En 1881, Tempel est élu correspondant étranger à la Royal Astronomical Society. En 1885, un remarquable dessin d’Orion sera publié en Allemagne dans une revue astronomique. En 1886, le roi d’Italie Umberto 1er lui adresse une lettre de félicitations pour ses dessins.

Tempel a regretté toute sa vie de ne pas avoir pu faire de hautes études scientifiques et de n’avoir jamais eu l’occasion d’apprendre le latin, langue dans laquelle de nombreux ouvrages anciens étaient rédigés.
Tempel était un homme simple et aimable, il avait gardé de bonnes relations avec ses amis de jeunesse de Copenhague et en a reçu certains chez lui, sans que ses moyens ne lui permettent de revoir cette ville. Il est resté profondément religieux et a souvent évoqué sa foi qui lui a permis d’affronter les moments les plus sombres de son existence. En 1886, il est atteint d’une maladie au foie et d’une paralysie partielle. Dans l’impossibilité de continuer ses observations, il s’efforce de mettre de l’ordre dans ses notes en vue de leur publication. Il meurt sans dettes, mais sans aucun bien, après avoir demandé à plusieurs reprises de recevoir les dernier sacrements. Max Ernst, le célèbre peintre du début du XXème siècle, admirait les dessins de nébuleuses de Tempel et leur trouvait une touche surréaliste. Il résumera ainsi le parcours de ce dernier: « Il avait du génie mais pas de diplôme ».

Tempel se doutait-il que la communauté scientifique mondiale allait,138 ans après sa découverte, avoir les yeux rivés sur sa comète? Le 4 Juillet 2005, la Nasa a envoyé un missile à partir de la sonde « Deep Impact » vers la comète Tempel 1. Après un voyage de plus de 130 millions de km et à une vitesse de 10 km/s, le projectile atteint le noyau de la comète qui mesure environ 6.5 km de diamètre et le désintègre totalement (image ci-contre). L’analyse spectroscopique de l’impact réalisée par la sonde donna aux scientifiques des informations sur la composition du noyau et permit d’établir une liste précise des composés gazeux de la chevelure et de la queue de la comète, ainsi que des rares composés solides. Estimé à 333 millions de dollars, cette mission fut une véritable prouesse scientifique.