Edward Emerson Barnard (1857-1923)

Edward Emerson Barnard (1857-1923) est né à Nashville dans le Tennessee. Son père, mort trois mois avant sa naissance, laisse le ménage dans un grand dénuement, aggravé par les restrictions auxquelles les pays du sud sont soumis durant la guerre de sécession. Malgré une santé fragile, sa mère lui apprend à lire en s’aidant de passages de la Bible et du livre de Daniel Defoe Robinson Crusoé.

À neuf ans, Edward qui n’est alors allé à l’école que pendant deux années doit commencer à travailler. Il entre au service du photographe Van Stavoren, chez qui il reste dix sept ans, pendant lesquels il acquiert une solide expérience.

Ci-contre, l’appareil photographique dirigé vers le Soleil et installé sur le toit du laboratoire de Van Stavoren. Une des tâches du jeune Edward est de suivre la course du Soleil tout au long de la journée et d’ajuster les réglages de ce curieux instrument nommé « Jupiter ». Edward y apprend la patience, qualité première des observateurs. En 1867, il a douze ans lorsqu’il observe une éclipse du Soleil qui va révéler sa passion pour l’astronomie. A dix huit ans, il s’achète une modeste longue vue de 25 mm, avec laquelle il peut s’exercer à l’observation des reliefs lunaires, de Jupiter et de ses satellites. Deux ans plus tard il peut s’offrir une lunette de 127 mm qui lui ouvre les portes du ciel profond. En 1881, il découvre une comète dans la constellation de la Vierge. A cette époque, Hubert Harrington Warner, riche philanthrope qui avait fait fortune dans la vente d’élixirs, potions et médicaments divers, puis de matériel de lutte contre les incendies, avait financé un observatoire astronomique à Rochester dans l ’état de New-York et fait savoir qu’il donnerait deux cents dollars, à toute personne qui découvrirait une comète. De 1884 à 1887, Barnard en découvre huit. Les primes de  Warner et un emprunt lui permettent de bâtir « Comet-House » (ci-dessous) qui lui servira d’observatoire et de résidence familiale.

Le 6 décembre 1882, il est invité à l’observatoire de l'université Vanderbilt de Nashville pour observer un transit de Vénus. Son nom commence à être connu dans la communauté des astronomes amateurs de Nashville qui organisent une quête afin de lui permettre de suivre des études supérieures. A l’âge de trente ans, il obtient son diplôme universitaire qui lui permettra d’être embauché à l’observatoire Lick au mont Hamilton. A partir de 1889, il peut commencer à y effectuer des photographies. Fort de son expérience en la matière, il découvre de nombreuses nébuleuses et amas stellaires. Le 9 septembre 1892, il trouve un cinquième satellite de Jupiter, baptisé Amalthée sur proposition de Camille Flammarion, et il parvient, la même année, à trouver les équations de sa trajectoire. Il observe une nova et remarque pour la première fois des émissions gazeuses, ce qui lui permet d’en déduire qu'il s'agit de l'explosion d'une étoile. Il obtient alors la reconnaissance de la communauté astronomique. L'Académie des Sciences lui décerne la médaille Arago. Trois ans plus tard, il rejoint l’observatoire de Yerkes (ci-dessus) qui vient de se doter d’une lunette de 1.020 mm et il enseigne l’astronomie à l’université de Chicago où il reste jusqu’à la fin de sa carrière.

L’essentiel du travail de Barnard, lorsqu’il arrive à Yerkes, consiste a photographier la Voie lactée. Grace à ses clichés, il fera de nombreuses découvertes. En même temps que l’allemand Max Wolf, autre pionnier de l’astrophotographie, il découvre que certaines zones sombres de notre galaxie sont constituées de nuages de gaz qui obscurcissent les étoiles les moins lumineuses, situées en arrière-plan, et qui font paraitre le ciel moins peuplé. Barnard découvre aussi une étoile singulière qui porte son nom et qui est située dans la constellation Ophiuchus. Il s’agit d’une « naine rouge » de type « M », moins massive que notre Soleil et remarquée pour être l'étoile possédant le plus important mouvement propre connu (10,3" par an). Invisible à l’œil nu, elle apparait sur les clichés photographiques. Ci-contre, on peut voir l’évolution de ses positions sur une durée de cinq ans et constater son important mouvement apparent. En 1884, Barnard découvre une galaxie irrégulière (NGC 6822) qui porte aussi son nom. Cette galaxie comprend des étoiles variables de type céphéides qui permettront en 1925, à Edwin Hubble, de prouver l'existence de galaxies extérieures à la Voie lactée. Il découvre également une formation nébuleuse dans Orion, nommée « Boucle de Barnard », elle est une probable rémanence de supernova. Barnard reçoit le prix Lalande en 1892 et la médaille d'or de la Royal Astronomical Society en 1897. Au début des années vingt, Barnard faisait effectivement partie d’une équipe constituée à Yerkes pour tenter de prouver la pertinence de la théorie de la relativité. Il restera célèbre en tant que spécialiste de la Voie lactée, dont il a fait de nombreuses photographies à grand champ. Il écrivit à ce sujet: « La Voie lactée a toujours présenté pour moi un profond intérêt. Durant la période ou je cherchais les comètes mon attention a été particulièrement attirée par ses caractéristiques propres. En effet il n’y a pas de travail en observation astronomique qui donne un si grand aperçu de la réalité des cieux... » Barnard publie un atlas astronomique à titre posthume, qui ne fut tiré qu’à sept cents exemplaires. Insatisfait de tout mode de reproduction de ses photos, pour leur publication, il avait personnellement supervisé l'impression et l'inspection de plus de 35.000 tirages nécessaires à la publication de son travail.

Barnard fut un de ceux qui dénonça ouvertement l’existence des canaux martiens. On lui doit au total la découverte de quatorze comètes, dix neuf objets NGC et cent trente et un objets IC, dont quatre vingt quatre galaxies et une quarantaine de nébuleuses. Il reçoit la médaille Bruce en 1917. En raison de son assiduité à observer le ciel, ses pairs l’avaient surnommé « The man who never slept » (l’homme qui ne dort jamais). Il est en effet considéré comme l’un des derniers grands observateurs visuels. Il fait enfin partie des pionniers qui ont permis à cette science d’évoluer et de bénéficier de nouvelles technologies, en particulier celles concernant les prises de vue photographiques. Il est enfin un des premiers astronomes américains à avoir connu une renommée internationale. 

Cette image représente environ la moitié d’un cliché réalisé par Barnard, dans la région du Scorpion et de la Balance, publié dans son atlas. En encart, la lunette de l’observatoire de Lick dont il se servit. Elle est composée d’une lunette de guidage de 5 pouces et d’un couple de lunettes de 10 et 6.1/4 pouces, pour les prises de vue photographiques qui duraient entre deux et cinq heures.