Camille Flammarion (1842-1925)

Camille Flammarion (1842-1925) est un des plus grands vulgarisateurs que l’astronomie ait connu. Né à Montigny le Roi en Haute Marne, il est l’ainé des quatre enfants (son frère cadet, Ernest, fonde, en 1876, la maison d’édition Flammarion). Issu d’une famille d’origine modeste, son père est employé dans un studio de photographie. Très précoce, Camille lit et écrit à l’âge de quatre ans. Il entame ses études primaires au séminaire de Langres, mais des revers de fortune de sa famille le contraignent à les interrompre et à partir chercher du travail à Paris. Dans la capitale, il trouve un emploi chez un graveur qui lui apprend le dessin, dont il aura l’occasion de faire largement usage par la suite. Le soir, il suit des cours gratuits, en vue de passer son baccalauréat. Il apprend seul l’anglais. Un jour, alors qu’il s’est s’effondré d’épuisement, le médecin qui s’occupe de lui constate son intérêt pour l’astronomie et, par le biais de ses relations, lui obtient un poste à l’Observatoire de Paris, où il entre à seize ans en tant qu’élève à la salle des calculs. L’institution est alors dirigée par l’astronome Urbain Le Verrier. Pour gagner un peu plus d’argent, Flammarion assiste l’astronome Jean Chacornac durant ses observations nocturnes. Il passe ainsi une importante partie de son temps à l’Observatoire dont il voit le fonctionnement. Il commentera de la sorte le monde des astronomes: «Certes, je suis loin de dire que l’on ne travaille pas à l’Observatoire de Paris, mais c’est un fait général que les travaux particuliers, effectués avec amour, sont exécutés avec plus de soin et vont beaucoup plus vite que ceux d’une administration». En 1862, il publie "La pluralité des mondes habités" . A cette époque, il n’a que vingt ans et il aspire déjà à dépasser l'aspect mathématique de l’astronomie au profit de ce qu’il nomme l'astronomie physique. Urbain Le Verrier, connu pour son très mauvais caractère, excédé par la parution de ce livre et les incessantes critiques de son employé, le flanque sans ménagement à la porte de l’Observatoire. En 1865, on le retrouve rédacteur scientifique du journal Le Siècle, journal bourgeois, libéral, anticlérical et voltairien, ce journal est alors un quotidien influent. Flammarion publie également dans l’Intransigeant, Cosmos et le Magasin Pittoresque.

En 1866, il effectue, boulevard des Capucines, un cycle de conférences au cours desquelles il projette à la lumière oxhydrique* des vues astronomiques. Dans une série d’articles intitulés Voyages aériens, il relate une douzaine d’ascensions aérostatiques au cours desquelles il a effectué des expériences scientifiques sur l’hygrométrie et les courants atmosphériques. Il assoit ainsi une image de journaliste scientifique qui ne le quittera plus. Ses études au séminaire ont-elles contribué, par ailleurs, à réveiller son intérêt pour les questions spirituelles? A son adolescence, il étudia le bouddhisme avant de s’engager plus tard dans un domaine alors en plein essor, le spiritisme, qu’il considérait comme une science. Il en devient rapidement un adepte assidu, au point que, le 2 avril 1869, c’est lui qui prononce l’éloge funèbre d’Allan Kardec, inhumé au cimetière du père Lachaise. Ce dernier, de son véritable nom Hippolyte Léon Denisard Rivail est un éditeur, considéré comme le fondateur du spiritisme. Ce dernier est convaincu que l’être humain possède un principe pensant, détaché de son enveloppe corporelle, qui permettrait aux morts de communiquer avec les vivants.

Dès lors, on pourrait douter de la crédibilité scientifique de Flammarion, bien qu’il faille considérer que son époque voyait l’avènement des recherches sur le psychisme humain et que la pratique du spiritisme, assez répandue, s’inscrivait en quelque sorte dans ce cadre. Des personnages connus comme Victor Hugo, Théophile Gautier, Guy de Maupassant ou Conan Doyle s’y adonnaient d’ailleurs régulièrement. En 1923, Flammarion est élu président de la très sérieuse Society for Psychical Research de Londres, dont la vocation est de se consacrer à l’étude scientifique des phénomènes paranormaux. Vers 1876, il conduit de nouvelles expériences en aérostat et effectue des mesures sur l’électricité atmosphérique. Il est déjà célèbre lorsqu’en 1883, il installe son propre observatoire à Juvisy (image ci-contre), après avoir reçu cette propriété d’un généreux donateur. Il y constitue une bibliothèque qui comprendra plus dix mille volumes, parmi lesquels des livres rares de Copernic, Tycho Brahé, Kepler, Galilée, Newton, Leibniz, Laplace, Delambre… Il annexe à l'observatoire une station de météorologie et de climatologie agricole et y installe des serres en verre teinté, dans le but d’expérimenter l'action des rayons du Soleil sur les végétaux.

L’observatoire de Juvisy devient un lieu d'échanges. Flammarion correspond régulièrement avec les grands observatoires de Greenwich, de Louvain, et de Yerkes, qui dispose alors de la plus grande lunette du monde. En 1887, il fonde la Société Astronomique de France, toujours en activité aujourd’hui. Il publiera en tout une cinquantaine d’ouvrages de vulgarisation scientifique dont le plus connu, "Astronomie populaire", qui parut en 1880, fut traduit en plusieurs langues et fit l’objet de nombreuses rééditions. Flammarion est aussi un expérimentateur infatigable, bien que ses activités d’écriture et les conférences qu’il donne ne lui laissent guère de temps pour observer le ciel. En 1892, il dispose d’une équipe d’astronomes expérimentés, à laquelle se joint le jeune Eugène Antoniadi qui deviendra un spécialiste de l’observation planétaire et qui, ironie du sort, réduira à néant les conjectures de Flammarion à propos de la planète Mars. En effet, Flammarion venait de publier "La Planète Mars et ses conditions d’habitabilité", ouvrage dans lequel il tentait de démontrer que cette planète possédait des canaux et des mers et où il émettait l’hypothèse que la planète rouge pourrait être peuplée par «une race supérieure à la nôtre». Bon nombre d’astronomes partageaient cet avis et conduisirent des travaux dans cette voie. Ce fut le cas de Giovanni Schiaparelli ou de Percival Lowell qui écrivit un ouvrage intitulé "Mars et ses canaux, ses conditions de vie", sur lequel je reviendrai.

Flammarion touche à tous les domaines; en 1902, il renouvelle l’expérience du pendule de Foucault et n’hésite pas à mettre en place divers projets comme l’organisation, à partir de 1904, d’une Fête du Soleil qui a lieu au pied de la Tour Eiffel, à chaque solstice d’été. Cette manifestation ne s’arrêtera qu’au début de la première guerre mondiale. En 1912, Flammarion reçoit la Légion d’honneur pour son travail de vulgarisation scientifique. Il eut deux épouses, la première, Sylvie Petiaux, son amour de jeunesse, s’intéressait à l’astronomie et fut une collaboratrice active dans ses recherches. Elle travailla avec lui, en particulier sur la radio-culture, pour laquelle il souhaitait démontrer l'influence des radiations du Soleil sur la croissance des végétaux, grâce à des cultures effectuées sous des filtres colorés. Elle s’impliqua également dans une association de femmes pacifistes qu’elle fonda en 1899. Lorsqu’elle meurt, en 1919, Flammarion épouse Gabrielle Renaudot, son assistante astronome qui dirigera l’observatoire de Juvisy et deviendra secrétaire générale de la Société Française d’Astronomie. Elle veillera également à la diffusion de l’œuvre de son époux, notamment en dirigeant avec André Danjon une édition réactualisée d’ Astronomie Populaire, qui parut en 1955. Elle disparait en 1962.

*  La lumière oxhydrique provient d’un bloc de matière réfractaire porté à l'incandescence par la flamme d'un chalumeau. Ce procédé, qui permettait d'obtenir une lumière intense était utilisé lors de projections dans les lieux de spectacle. Vers 1880 , il cèdera la place aux lampes électriques à filament.