Charles Wolf (1827-1918)

Charles Joseph Étienne Wolf (1827 - 1918) est né à Vorges dans le département de l’Aisne. Il est issu d’une famille de onze enfants dont la majeure partie fit carrière dans l’armée ou dans l’enseignement. Son père Pierre Frédéric, d’origine alsacienne, est devenu maire de Vorges où il réside depuis son mariage. Très tôt, Charles montre des dispositions pour les études, ainsi qu’un souci permanent du détail. Il entre au collège Rollin (aujourd’hui, Lycée Jacques Decour) et remporte le prix de physique à l’examen général. Durant un temps il donne des cours de physique aux jeunes élèves. En 1848, il entre à l’École normale supérieure, d’où il sort avec une nomination au poste de professeur de physique au lycée de Nîmes, puis à celui de Metz où il rencontrera son épouse. Il prépare alors une thèse de doctorat qu‘il présente avec succès. Il y traite de l’influence de la température sur les phénomènes intervenant dans les tubes capillaires. L’obtention de son doctorat lui vaut un poste de professeur de physique à la faculté de Montpellier. Il se consacre parallèlement à des recherches en acoustique et en analyse spectrale. C’est à cette époque qu’il s’intéresse plus particulièrement à l’astronomie et se rend en Espagne pour y observer l’éclipse du 18 juillet 1860. Peu de temps après, Urbain Le Verrier, directeur de l’Observatoire de Paris, visite l’université de Montpellier et y rencontre Wolf, auquel il propose un poste d’assistant astronome dans son observatoire. Wolf accepte et, en 1862, il est nommé astronome titulaire. Il ne cesse de se perfectionner en astronomie et travaille sur les mouvements pendulaires et les problèmes de synchronisation des horloges.

Dans l’ambitieux projet de Le Verrier (qui ne sera malheureusement pas couronné de succès, en raison de simples problèmes de fiabilité de liaisons électriques), Wolf est responsable de la mise en place, à l’observatoire, d’une horloge qui doit servir de référence pour fournir l’heure exacte à un réseau d’une quarantaine d’horloges disposées dans Paris. En effet, la question de la synchronisation horaire représente un enjeu national.

A titre d’exemple, on peut lire dans "l’Empire du temps" de Peter Galison: «...les voyageurs qui attendaient dans les gares de province - Brest ou Nice, par exemple - avaient trois heures différentes: l’heure locale de leur ville, l’heure de Paris (dans la salle d’attente) et une heure décalée sur les voies; l’heure d’un train, en avance de 27 minutes sur celle de Brest, était en retard de 20 minutes sur celle de Nice...». Wolf intègre également, dans ses recherche en astronomie, la précision et l’exactitude des mesures faites par les observateurs, ce qui le conduit à travailler sur « l’équation personnelle » concernant les observations de transits. Dans un de ses articles sur le sujet il s’exprime ainsi: «On désigne par le nom d’équation personnelle, ou erreur personnelle dans les observations des passages, la partie constante de l’erreur que commet un astronome dans l’appréciation de l ’époque des passages d’un astre au fil de la lunette méridienne. Dans cette définition, le mot d’équation personnelle n’a de sens que lorsque le nombre qui doit le représenter résulte de la combinaison d’une somme d’observations suffisantes pour éliminer les erreurs variables ou accidentelles... La moyenne des différences temps réel moins temps estimé donne la correction personnelle... La question de la détermination absolue de la correction personnelle est donc capitale pour l’astronomie. Une fois cette donnée acquise, ainsi que les lois qui président à ses variations, elle devient une quantité calculable de même ordre que les erreurs instrumentales et s’éliminant comme elles...» Wolf conçoit un appareil permettant de mesurer l’erreur personnelle pour un observateur donné et un instrument donné. En règle générale, cette erreur dépend d’un nombre important de variables tant physiologiques, en ce qui concerne l’observateur, que physiques, au niveau des conditions d’observation. On peut citer: les turbulences atmosphériques, la luminosité de l’objet, la transparence du ciel, la hauteur des astres au dessus de l’horizon, l’élongation du Soleil, etc... En règle générale, on a constaté que l’équation personnelle décroissait depuis l’enfance jusqu’à l’âge adulte. Vers l’âge de vingt cinq ans, un observateurs parvient à la meilleure maitrise de ses réactions. En moyenne, son équation personnelle est de 0,26 + ou - 4/100 seconde. Passé la quarantaine, on constate une dégradation faible mais constante de cet écart. En 1867, Wolf est envoyé à Naples pour observer l’éclipse solaire du 6 mars. Peu de temps après, il travaille sur l’analyse spectrale des étoiles et découvre avec son ami Georges Rayet un nouveau type de spectre. Ce spectre caractérise une famille particulière d’étoiles, inconnues jusqu’alors et qui portent le nom d’étoiles « Wolf-Rayet ». En 1874, recommandé par Guillaume Bigourdan, Wolf est admis à la Royal Society en qualité d’associé étranger. En 1875 Le Verrier lui demande d’assurer des cours d’astronomie physique à la Sorbonne.

En 1883, il entre à l’Académie des sciences et en devient président en 1898. Il publie Hypothèses cosmogoniques qui ouvre la voie à de nombreux chercheurs. D’après ses contemporains, Wolf était un homme distingué et élégant qui, sous cette apparence réservée, était en réalité chaleureux et profondément humain. Devenu veuf, il finira son existence chez sa fille et pourra voir grandir ses arrières petits enfants pendant une dizaine d’années. La guerre de 1914-1918 l’oblige à fuir de sa retraite picarde. Il meurt le 4 juillet 1918 à l’âge de quatre vingt onze ans, en ayant jusqu’au bout conservé toute sa tête. Profondément croyant, Wolf ne transigea jamais avec sa religion. Un document issu de la Royal Society dit de lui: «En tant que savant, on peut dire de lui qu’il servit la science avec dévotion et en tant qu’homme qu’il l’honora par ses qualités...»