Angelo Secchi (1818-1878)

Pietro Angelo Secchi  (1818-1878) est né à Reggio d’Émilie en Lombardie. Son père est menuisier et sa mère Luisa, issue d’une famille de la classe moyenne, reste au foyer. On raconte qu’elle apprend la couture et le tricot à Angelo avant qu’il ne débute ses études primaires chez les jésuites. A seize ans, il se destine à entrer dans les ordres et se rend à Rome pour effectuer son noviciat au Collège Romain .Il étudie la philosophie et la littérature grecque en se faisant déjà remarquer pour ses talents scientifiques. En 1841, il est nommé professeur de mathématiques et de physique au collège de Lorette. A vingt six ans, il étudie la théologie avant d’être ordonné prêtre en 1847. L’année suivante, l’Italie du Nord est en insurrection, les indépendantistes se heurtent aux armées autrichiennes. Les troubles atteignent Milan, Florence, Turin puis Rome. Le pape Pie IX et les jésuites romains doivent s’enfuir vers Paris où Secchi fait un bref passage durant son trajet vers l’Angleterre. Peu de temps après, avec une vingtaine d’autres exilés, il quitte Liverpool et gagne les États-Unis. Il s’installe à Georgetown, à côté de Washington, et retrouve sa communauté qui possède une université dotée de son propre observatoire astronomique. Secchi ne reprend pas ses études de théologie, il n’obtiendra jamais son doctorat. En revanche, il enseigne la physique et se consacre à la recherche astronomique en qualité d'assistant de Père Curley, directeur de l'observatoire local. Il fait également la connaissance de Mattew Fontaine Maury, hydrographe, physicien, astronome et météorologiste réputé, qui aura une certaine influence dans les nouvelles orientations scientifiques qu’il souhaite donner à sa carrière. La révolution prend fin en Italie et Secchi rentre à trente et un ans. L’observatoire de Rome est vétuste et mal équipé. Depuis sa création, en 1786, aucune amélioration n’y a été apportée. Secchi entreprend de le réorganiser et de l’équiper de bons instruments. Il y installe une lunette de 16 cm, une de 24 cm (gravure ci-dessous à droite) et revoit la configuration du bâtiment.

En 1852, l’observatoire établi sur la solide voûte de l’église Saint Ignace redevient opérationnel. C’est depuis ce lieu que le père Secchi effectue une carrière qui le hisse parmi les scientifiques les plus brillants de son siècle. A lui seul, il a cumulé trois carrières, en tant que physicien, météorologue et astronome. En astronomie, il débute en reprenant le catalogue des étoiles doubles établi par Struve. Il effectue des mesures micrométriques sur mille trois cent soixante et une d’entre elles et, au terme de sept années d’observations, il peut publier un catalogue d’étoiles doubles «vérifiées». Secchi se consacre aussi à l’étude des planètes et de la Lune. Il observe Saturne, Jupiter, Mars et cherche à déterminer leur constitution physique à l’aide de la spectrographie qui venait de faire son apparition. Il est le premier à étudier en détail les spectres d’Uranus et de Neptune. Entre 1850 et 1862, il montre que la surface de l'anneau de Saturne n'est pas plane, que son profil est légèrement elliptique et que son centre ne coïncide pas avec celui de la planète. Il met aussi en évidence l’existence d’une nébulosité intérieure à l'anneau. Il demande à William Lassel de vérifier qu’il est bien constitué, comme il le pense, de trois parties distinctes; ce dernier confirme. En 1859, Secchi observe Mars et remarque la présence de deux canaux bleutés, situés entre deux continents rouges. Il note que près des pôles se trouvent deux sortes de formations blanches de dimensions variables qu’il assimile à des nuages plutôt qu'à de la neige ou de la glace. II dessine et photographie les principaux cratères lunaires. Son dessin du Cratère Copernic sera diffusé dans toute l’Europe par la Royal Astronomical Society de Londres. Mais Secchi trouve sa voie royale dans l’étude du Soleil et des étoiles en exploitant les extraordinaires possibilités qu’offre la spectrographie dont il contribuera à généraliser l’utilisation en astronomie.

En 1859, Kirchhoff, qui a inventé la spectrographie, montre que les raies découvertes par Fraunhofer dans le spectre du Soleil, sont dues à l’absorption de la lumière par les vapeurs des corps volatilisés présents à sa surface. Grâce à des comparaisons qu’il fait des raies sombres avec les raies spectrales de différents éléments, obtenues avec des arcs électriques, il peut affirmer que le Soleil contient du fer, du titane, du calcium, du manganèse, de l'aluminium, du sodium, du magnésium, etc.. Secchi est l’un des premiers à s’engager dans l’analyse spectrale stellaire et solaire. Il apporte des perfectionnements décisifs aux techniques d'observation et de mesure. Il étudie en détail les spectres de près de quatre mille étoiles et parvient, vers 1867, à les classer en catégories, fonctions de leurs couleurs et des positions de leur raies. Il présume que les différences correspondent à autant d’étapes de leur vie. Il compare leurs spectres à celui du Soleil et en identifie les similitudes. Il pense que les différents types de spectre nous renseignent sur les températures stellaires. Il montre ainsi une nouvelle application qui permet, non seulement de déterminer la composition d’une étoile, mais également de connaitre certaines de ses propriétés physiques. Secchi montre aussi comment on détermine avec fiabilité la nature solide ou gazeuse des astres, suivant que leur spectre présente seulement des lignes brillantes séparées ou une bande lumineuse continue, sillonnée de lignes ou de cannelures noires. Il découvre qu’un bon nombre d’amas stellaires, irrésolubles avec les télescopes, sont pourtant bien constitués d’étoiles distinctes, lorsque leur spectre apparait continu.

Il analyse la grande nébuleuse d'Orion et constate que beaucoup de parties donnent un spectre de raies brillantes distinctes, montrant qu’elles sont donc constituées de gaz. La figure ci-dessus est un montage effectué à partir de deux illustrations de son livre Les étoiles . Il fait apparaitre différents types de spectres qui ont permis de classer les étoiles par catégories. Secchi écrit: «L’étude spectrale des corps est à peine abordée qu’elle a déjà fourni d’immenses résultats. Nous voyons avec plaisir qu’elle va en se développant chaque jour. La société Royale de Londres a mis à la disposition de W.Huggins un équatorial de 14 pouces exclusivement pour ces recherches,… Quand on fera usage pour ces travaux des grands télescopes à réflexion, comme ceux de Lord Rosse, celui à verre argenté de Paris, celui de Lassel… ils dévoileront certainement des merveilles inattendues, surtout si ces instruments sont placés en des endroits convenables, comme par exemple sur l’Etna ou sur d’autres monts élevés où l’atmosphère soit vraiment pure, et si les astronomes ne s’obstinent pas à demeurer au milieu des capitales ou dans leur voisinage, où l’atmosphère, indépendamment de son épaisseur propre, est remplie de miasmes et de vapeurs absorbantes. » Une nouvelle page de l’analyse physico-chimique des étoiles vient de s’ouvrir.

A partir de l’éclipse du 28 juillet 1851, Secchi se met à étudier plus particulièrement le Soleil. En effet, bien que ce dernier ne soit qu’une modeste étoile, il présente l’avantage d’être proche de nous, de telle sorte que son étude approfondie devrait donner de précieuses d’indications sur ce qui se passe sur les étoiles plus lointaines. En mesurant la chaleur solaire rayonnante avec une pile thermoélectrique, Secchi note qu'elle augmente des bords du disque à son centre et de ses pôles à son équateur. L'hémisphère boréal est, selon lui, plus chaud que l'hémisphère austral. Il étudie ensuite les taches solaires, leurs formes et leur périodicité et arrive à établir leur relation avec les protubérances déjà observées lors des éclipses totales (ci-contre) qui semblent soumises aux mêmes cycles. Dés 1864, il constate que des parcelles lumineuses se détachent de la photosphère pour entrer dans les taches solaires et y perdre progressivement leur intensité, jusqu’à disparaitre totalement. Il découvre que ces taches sont d’une couleur rougeâtre et note que leurs parties les plus sombres ont une structure filiforme alors que la photosphère est plutôt de nature granuleuse (image ci-dessous). Il relève également à l’intérieur de certaines taches, la présence de sortes de mouvements ressemblant à des tourbillons. Il constate l’absence de réfraction autour du Soleil et en déduit qu’il ne possède pas une atmosphère de même nature que celle de la Terre. Il parvient à faire les premières photographies des protubérances solaires, lors d’un voyage scientifique qu’il effectue en Espagne à l’occasion de l’éclipse totale du 18 juillet 1860. Il réfute certains de ses collègues qui prétendent que ces protubérances sont des effets d’optique et affirme qu’elles sont issues d’éruptions gazeuses d’une extrême violence qui se produisent à la surface du Soleil. Il les analyse et en déduit qu’elles sont formées d’hydrogène et de vapeurs métalliques, projetées dans l’atmosphère solaire (sur ce point il a raison) où elles se condensent en nuages obscurs qui forment les taches sombres (sur ce point il se trompe). Secchi a établi, le premier, un journal où il note méthodiquement tous les évènements solaires et dessine des taches parmi les centaines qu’il a étudiées. En effectuant une synthèse des connaissances dans son livre « Les étoiles », il a promu l’étude des phénomènes solaires, en particulier en ce qui concerne leur interaction avec certains phénomènes terrestres. Secchi a également inventé le « disque de Secchi », toujours utilisé de nos jours pour mesurer la turbidité de l’eau. Il publie dans « l’Unité des forces physiques » des théories mécaniques qui intègrent les effets calorifiques.

Il étudie également le magnétisme et effectue des relevés réguliers. Il considère le Soleil comme un gigantesque aimant qui influence les phénomènes magnétiques terrestres. Ses hypothèses, qui à l’époque laissent la communauté scientifique sceptique, ont par la suite servi de point de base d’étude à de nombreux scientifiques. Sa carrière fut brillante, en 1847 il est nommé membre de l’Académie Pontificale « Nuovi Linceii », dont il devient président en 1872. Correspondant de l’Académie des sciences de Paris, il reçoit la Légion d’honneur. Il est membre de la Royal Society de Londres et des académies de Saint Petersbourg, Berlin, Bruxelles, Madrid et Philadelphie. Lorsqu’en 1875 le gouvernement d’Italie expulse tous les jésuites du Collège Romain, il fait exception pour Secchi à qui il laisse le libre accès à son observatoire, lui autorisant même de garder auprès de lui tous les religieux qu’il juge utiles pour l’aider à conduire ses travaux. Nommé professeur d’astronomie physique à l’université de Rome et membre du Conseil Directeur de la Météorologie, il meurt à soixante ans d’un cancer de l’estomac.

Gravure tirée de l'ouvrage "Les étoiles" publié à Paris en 1879 (collection personnelle)