Tycho Brahé (1546-1601)
Tycho Brahé (1546-1601) est un astronome danois né à Knutstorp, surnommé «l’homme au nez d’or» ou «noble Danois», il est issu d’une famille de la haute noblesse. A treize ans, sa famille l’envoie à Copenhague pour étudier. Il commencera par y observer une éclipse solaire et vérifier sa coïncidence avec les prédictions des astronomes. Deux ans plus tard, il se rend à Leipzig. Sa famille qui le destine à un emploi public, le place sous la responsabilité d’un gouverneur qui veille à ses études de droit. Mais ce dernier constate bien vite, à regret, que le jeune élève est bien plus préoccupé par les sciences. Dans son livre Astronomie, Jérôme de La Lande parle ainsi de Tycho Brahé: «Il était obligé d’acheter, aux dépens de ses plaisirs, les moyens de s’instruire en secret: un petit globe céleste de la grosseur du poing lui servait à connaitre les constellations et à les observer, quand le gouverneur était endormi. Dans un mois, il avait appris à distinguer toutes celles qui paraissaient alors sur l’horizon de Leipzig. Les éphémérides lui servaient alors à reconnaitre les planètes et à suivre leurs mouvements. Il voulu ensuite connaitre les principes sur lesquelles ces éphémérides étaient construites. Il se procura les tables alphonsines et celles de Copernic; il s’en rendit l’usage familier et il ne tarda pas à reconnaitre qu’elles s’écartaient souvent beaucoup de l’observation; et que les éphémérides de Stadius, les seules qu’on ait alors, n’étaient pas toujours exactes. Il s’aperçut au mois d’aout 1563, que la conjonction de Jupiter et de Saturne avait été mal annoncée et que les tables n’y étaient pas conformes, ce fut alors qu’il conçut le projet de faire de meilleures observations …». Ainsi naquit probablement la vocation de ce grand astronome.
Tycho Brahé n’a pas accepté l’organisation du monde de Copernic, dont il connaissait l’œuvre. Il conçoit, «prenant trop à la lettre les textes bibliques», un système hybride (ci-contre) de ceux de Ptolémée et de Copernic, qui sans enlever à l’exceptionnelle précision de ses observations, jettera devant l’histoire un discrédit souvent injustifié sur le reste de son œuvre. Tycho revient dans son pays après trois années passées à Leipzig, il est fraichement accueilli par sa famille qui fait peu de cas de ses occupations d’astronome. En 1569, il se rend à Augsbourg où il acquiert des instruments de mesure, dont un quart de cercle de sept mètres de rayon et un sextant de bois d’environ deux mètres de rayon. Mais deux ans plus tard, il préfère rentrer dans son pays où un de ses oncles, qui dispose de quelques affinités avec le domaine scientifique, lui permet de s’installer pour se consacrer totalement à ses recherches. C’est ici qu’un soir il aperçoit un étrange évènement dont le commentaire qu’il en fit, nous est parvenu: «Dans la soirée du 11 novembre 1572, en quittant mon laboratoire de chimie, je contemplais selon mon habitude, la voûte céleste, dont l’aspect m’est si familier, lorsque je vis, avec un inexprimable étonnement, prés du Zénith, dans la constellation de Cassiopée, une étoile d’un éclat et d’une grandeur extraordinaire. Je ne savais si je devais en croire mes yeux. Pour me convaincre qu’il n’y avait pas d’illusion, et pour recueillir le témoignage d’autres personnes, je fis sortir les ouvriers occupés dans mon laboratoire, et je leur demandais, ainsi qu’à tous les passants, s’ils voyaient, comme moi, l’étoile qui venait d’apparaitre tout à coup. L’étoile nouvelle était dépourvue de queue, aucune nébulosité ne l’entourait… elle scintillait plus que les étoiles de première grandeur…». L’histoire populaire raconte qu’il s’est écrié « nova, nova ! » et que cette exclamation a donné son nom au phénomène qu’il venait de découvrir.
Le roi de Danemark et de Norvège, Frédéric II, s’intéresse alors à ses travaux. Il le fait venir en 1574 à Copenhague pour qu’il y enseigne l’astronomie, et surtout l’élaboration de tables astronomiques. Il lui fait don de la petite île de Hoene, située à une douzaine de kilomètres de Copenhague. Il lui octroie une rente confortable, un fief en Norvège, un canonicat dans le diocèse de Roeskild et finance également ce qui deviendra le plus grand observatoire d’Europe: Uraniborg. Il s’agit d’un château surmonté d’un belvédère où Tycho passera une vingtaine d’années à observer le ciel et à effectuer scrupuleusement des relevés qui font référence auprès de la communauté des astronomes. On remarquera que Tycho est le dernier des grands observateurs à ne pouvoir utiliser un instrument doté de lentilles, les lunettes étant encore à la veille de faire leur apparition.
En 1577, il mesure pour la première fois la parallaxe d’une comète et peut ainsi la situer, contrairement à ce que les autres astronomes pensaient, en dehors de l’atmosphère au-delà de l’orbite lunaire. L’ampleur des travaux qu’il entreprend est telle qu’il fait appel à d’anciens élèves pour le seconder. Il continue de former, à ses frais, des «observateurs attentifs et des calculateurs assidus». En quinze années, il établit les base d’une astronomie qui fera référence pendant plus d’un siècle. Il détermine les lieux précis de sept cent soixante dix sept étoiles, en comparant plusieurs observations: Le Soleil, les planètes, les comètes, les parallaxes, les réfractions, rien n’est négligé. Sa gloire finit par faire des jaloux, car il continue d’engloutir énormément d’argent à Uraniborg où il s’est également lancé dans des recherches en chimie. Il n’en faut pas davantage pour qu’il soit inquiété lorsque meurt son protecteur Frédéric II. Le nouveau souverain, le jeune Christian IV, influencé par de puissants ennemis de Tycho, remet le sort de ce dernier entre les mains du ministre Walchendorp qui, animé d’une véritable rage à son encontre, lui interdit formellement de poursuivre ses recherches à Uraniborg, sous prétexte que ses travaux sont «absolument inutiles pour l’état». Tycho redoutant de s’épuiser en de vaines querelles, affrète en urgence un navire dans lequel il met sa famille, ses livres et tous ses instruments, puis prend le large à jamais, abandonnant son «ingrate patrie». Après un bref séjour à proximité de Hambourg, il est accueilli par le prince Henri de Ranszow qui lui offre un château non loin de Prague et lui permet de se remettre au travail.
Tycho fait venir à Prague, pour le seconder, Johann Kepler ainsi que deux de ses anciens observateurs danois, Melchior Jostelius et Christian Longomontanus. Mais, à peine reprend-il le cours de ses recherches, qu’une maladie aigüe l’emporte le 24 octobre 1601. La contribution de Tycho ne se limite pas au système qu’il nous lègue. Ses travaux mettent également en évidence l’effet de la réfraction atmosphérique, pour laquelle il conçoit une méthode d’évaluation simple et précise, grâce à des mesures pouvant s’effecteur en une seule nuit, alors que ses prédécesseurs devaient attendre au minimum six mois pour pouvoir la mesurer. Sa précision permet de la prendre en compte dans les calculs astronomiques, alors que les évaluations grossières effectuées auparavant la faisaient considérer comme négligeable; Brahé fait cependant erreur dans l’interprétation des causes de ce phénomène. Depuis les anciens, on avait identifié deux inégalités dans les mouvements de la Lune, une découverte par Hipparque et l’autre par Ptolémée et nommée «évection». Tycho sut en mettre une troisième en évidence qu’il baptisa «variation». Il s’aperçoit encore d’une autre anomalie (découverte par la suite et nommée équation annuelle), mais ne réussit pas à en déterminer l’origine. Ptolémée avait considéré les latitudes des étoiles comme fixes. En comparant les travaux d’Hipparque à ses propres observations, Tycho Brahé se rend compte que ces latitudes se modifient au cours du temps. Il attribue ce changement à une variation de l’obliquité de l’écliptique. Enfin, concernant la trajectoire des comètes, il dit ceci: «ces corps n’ont pas un mouvement aussi régulier que celui des planètes… les différences dans leurs mouvements peuvent venir de ce que leur orbite n’est pas circulaire comme celle des planètes, mais qu’elle peut être ovale et ressembler à la figure d’un œuf». Cette remarque qui semble anecdotique, peut en réalité être considérée comme un trait de génie annonçant une future révolution. En effet, Kepler son élève découvrira que les orbites des planètes ont une forme elliptique, rejoignant ainsi le pressentiment de son maître qui posa donc, le premier, l’hypothèse d’orbites autres que circulaires.