Schyrlaeus de Rheita (1597-1660)
Schyrle de Rheita (1597-1660) est né en Bohème. On ne dispose pas d’informations sur son enfance. Il a probablement reçu une éducation comprenant les matières philosophiques, théologiques et scientifiques, puisqu’on le retrouve prêtre, vers 1622, lorsqu’il entre dans l’ordre des Capucins. C’est à partir de ce moment qu’il se rend à l’université d’Ingelstadt pour parfaire sa formation en astronomie et en optique et pour s’initier à la taille des lentilles en verre. Une fois son diplôme obtenu, il ne rejoint pas son monastère et devient professeur de philosophie à Linz. Il se met ensuite au service de l’archevêque de Trèves, alors retenu prisonnier par l’empereur Ferdinand III.
Lorsque l’archevêque le missionne pour mener une négociation avec le pape Urbain VIII, l’empereur imaginant qu’il se livre à des activités d’espionnage, le dépossède de ses titres de propriété. Ce qui n’empêche pas Rheita de lui dédicacer son ouvrage Oculus Énoch et Eliae, qu’il publie à Anvers à l’âge de quarante huit ans. Il y déclare: «Après avoir longuement médité sur les systèmes de Ptolémée, de Copernic, de Tycho et d’autres astronomes, je me suis convaincu que tous ont avancé des choses superflues, déplaisantes et peu conformes aux Phénomènes».
Cet ouvrage marque une ferme opposition à l’héliocentrisme, tout en interpelant, par les questions qu’il soulève, la réflexion d’une communauté astronomique en pleine renaissance, malgré le grand retentissement de la condamnation de Galilée. Rheita imagine son propre système, inspiré de celui de Tycho Brahé, à partir duquel il se contente de modifier la forme des trajectoires de quelques planètes. Pour autant, il ne propose aucune démonstration, aucun calcul ou mesure qui permettrait de valider ses affirmations. Ferdinand Hoeffer dans son Histoire de l’astronomie évoque, non sans ironie, le système de Rheita en disant: «Il faut le mettre sur la même ligne que ses huit satellites de Jupiter, qu’il dédia au pape Urbain VIII, sous le nom d’astres urbanoctaviens». Fort heureusement Il n’omet pas pour autant de commenter les idées les plus remarquables de Rheita en précisant que ce dernier est persuadé que «Les étoiles ont des mouvements propres que l’énormité de leur distance nous empêche de distinguer» ou que «Les étoiles changeantes ou périodiques pourraient avoir une grande orbite et de longues révolutions» et qu’enfin «Dans le système proposé par Copernic, la chaleur devrait être proportionnelle au rayon du parallèle terrestre» et qu’«elle serait absolument nulle aux pôles, où le parallèle se réduit à un point», car pour Rheita, «c’est le mouvement qui produit la chaleur». Ces questions sont autant de nouvelles pistes d’investigation. Rheita se révélera comme un opticien confirmé lorsque, récupérant les résultats de Kepler, il se lance dans la fabrication d’une lunette. Il sera le premier à utiliser les termes d’objectif et d’oculaire pour définir les lentilles de cet instrument. L’oculaire se présentant face à l’œil et l’objectif face à l’objet. Rheita sera également témoin d’un phénomène exceptionnel: En 1642, alors qu’il est à Cologne, il observe pendant quatorze jours ce qu’il pense être une nuée. Les descriptions font état d’un tel obscurcissement du ciel, qu’il devenait parfois possible d’apercevoir des étoiles en plein jour. D’après les témoignages qui nous sont parvenus, la durée de ces phénomènes varia de quelques heures à plusieurs jours. Il semble aujourd’hui établi qu’il s’agissait bien du passage de nuages météoritiques denses.
Rheita se pose la question de l’existence de vie extraterrestre et ne l’exclut pas lorsqu’il écrit: «Si Jupiter a des habitants, ils doivent être plus grands et plus beaux que les habitants de la Terre, dans la proportion des deux globes». Il n’ira pas jusqu’à l’affirmer, tout à fait conscient des incompatibilités que cela pose, selon le point de vue de la théologie. Il se posera encore à ce sujet la question de savoir si ces habitants supposés, ont su sauvegarder leur état d’innocence primitif ou s’ils sont déchus, comme les hommes vivant sur Terre.
Sur la reproduction (ci-contre) d’une gravure de son principal ouvrage, on a un exemple de la richesse des investigations que conduisit Rheita. La fig.1 est une représentation des taches solaires. On remarquera qu’il les dispose orbitant à l’extérieur du Soleil et autour de lui. La figure 2 donne une échelle des orbites des satellites de Saturne. La figure 3, explique les différentes phases de la Lune. La figure 4 indique la valeur relative des tailles des planètes. On y remarque au passage que Saturne (sur la figure, au dessus du Soleil) était considérée comme un ensemble de trois astres. En effet, tout comme pour Galilée, la lunette de Rheita ne lui permettait pas de faire apparaitre les anneaux de cette planète. La figure 5 représente une expérience qui met en évidence la pression atmosphérique et donc le fait que l’air possède une masse. Nous avons ici une des premières descriptions de l’ancêtre de notre baromètre. La figure 6 représente la planète Mars et enfin, la figure 7, dont Rheita nous dit qu’elle est issue d’observations effectuées dans la constellation d’Orion, pourrait être une représentation du trapèze de la nébuleuse du même nom.
Rheita utilise sa lunette pour établir une cartographie de la Lune qui a la particularité d’apparaitre renversée en raison du montage optique qu’il utilise. Sa cartographie, assez sommaire (on peut le vérifier sur la seconde ’illustration de cette page), ne sera jamais vraiment utilisée. Rheita produira d’autres écrits bien moins scientifiques. Son livre "Theo Astronomia", dédié à la vierge Marie sera même qualifié par l’astronome et mathématicien Delambre de «capucinade». Rheita se retire à Ravenne où il meurt à l’âge de soixante-trois ans.