Pierre Gassendi (1592-1655)

Pierre Gassendi (1592-1655) est né à Champmercier à proximité de Digne. Fils d’un agriculteur, il aurait probablement succédé à son père si une intelligence précoce ne l’avait fait remarquer. A son époque, entrer dans les ordres était le seul moyen pour un enfant d’origine modeste d’avoir accès à l’instruction. Il entre donc comme novice au collège de Digne. Ses études sont brillantes à tel point qu’à l’âge de vingt et un ans, il est déjà docteur en théologie. Trois ans plus tard, il est ordonné prêtre et l’année qui suit, nommé professeur à la chaire de philosophie à d’Aix en Provence. C’est à cette époque que Fabri de Peiresc commence à l’initier à l’observation astronomique. Plus tard, en 1643, Gassendi devient professeur de mathématiques au Collège Royal. On lui a reproché en tant que philosophe, théologien astronome et mathématicien, d’avoir louvoyé pour adopter le système héliocentrique. Il est à ce titre une parfaite illustration des déchirements que pouvaient ressentir les hommes de foi qui, par ailleurs, étudiaient la nature en l’observant et constataient que ce qu’ils voyaient n’était pas toujours conforme à leurs croyances les plus profondes. En privé, il ne dissimule pourtant pas son adhésion au système de Copernic, mais il rajoute prudemment « mais il est aussi contraire aux Écritures ». Il entretient une correspondance avec Galilée dans laquelle, en revanche, il affirme plus clairement ses convictions, tel qu’en témoignent ses propres mots: «Nulle objection ne tient devant vos principes. Les démonstrations et les hypothèses de tous les anciens sont des puérilités et des rêveries quand on les compare à vos arguments». Mais lorsque Galilée est condamné par l’Inquisition, Gassendi, subitement moins téméraire, se ravise et lui conseille patiente et résignation. L’astronomie est marqué par ses travaux sur le mouvement des comètes, les éclipses lunaires, les taches solaire et une description qu’il fait du phénomène des aurores boréales, observées exceptionnellement depuis la Provence.

Sa contribution majeure reste liée à l’observation par projection d’un transit de Mercure (schéma ci-contre), dont il rend compte en ces termes à un de ses correspondants de Thuringe:
« Le rusé Mercure voulait passer sans être aperçu, il était rentré (dans le Soleil) plus tôt qu’on ne s’y attendait*; mais il n’a pas pu s’échapper sans être découvert; Je l’ai trouvé et je l’ai vu, ce qui n’était arrivé à personne avant moi, le matin du 7 novembre 1631». Son observation permettra aussi de reconsidérer la dimension de Mercure, que l’on croyait bien plus grosse. Gassendi commente à ce propos: «Qui pouvait s’imaginer que Mercure qu’on appelle trismégiste (trois fois très grand), fût si petit? On devrait plutôt le nommer trisélachiste (trois fois plus petit)». Gassendi combattra les idées d’Aristote en affirmant que le savoir est le fruit de l’expérience; position médiane et inconfortable entre le dogmatisme et le scepticisme. En contact avec Descartes et Mersenne, il va extraire de l’œuvre du poète Horace une devise qu’il fait sienne «sapere aude», ce qui signifie «ose savoir», traduite également par «Aie le courage de te servir de ton propre entendement», connue pour être la devise des lumières (d’après le philosophe Emanuel Kant).

* Gassendi fait ici référence aux travaux de Kepler qui prévoyaient le début du passage de Mercure devant le Soleil, quatre heures plus tard.