Jean Felix Picard (1620-1682)

Jean Félix Picard (1620-1682) est né à La Flèche dans la Sarthe. Il entre dans les ordres et devient prieur à Rillé en Anjou. Ami de Gassendi, il lui succède à la chaire d’astronomie au Collège de France. C’est lui qui a l’idée de construire l’observatoire de Paris, même si cette tâche sera confiée à Cassini, qu’il avait fait venir pour le seconder. En astronomie, on doit à Picard d’avoir amélioré les instruments de mesure des angles en y adaptant des lunettes optiques. Il a aussi mis au point différents moyens de vérification. Picard est également géodésiste (la géodésie est une science qui  étudie le forme et les dimensions de la Terre, ce terme provient de deux mots grecs signifiant terre et je divise). Colbert, qui vient de convaincre Louis XIV de fonder l’Académie des sciences, désire faire établir une carte précise de la France. L’Académie demande à l’abbé Picard, un de ses sociétaires, prendre ce travail en charge. Il s’inspire alors de la méthode de triangulation du hollandais Snellius (1591-1626) tout en évitant de faire les mêmes erreurs grossières de calcul. Il envisage de déterminer la distance séparant Sourdon (proche d’Amiens), de Malvoisine (proche de Melun), soit une valeur angulaire de 1°11’57’’d’arc. Il utilisera pour ses mesures angulaires, un quart de cercle en cuivre (dernière image ci-dessous) d’environ un mètre de rayon, portant des divisions de ¼ de minute et muni d’un micromètre de son invention.

Picard commente, dans un rapport qu’il fait en 1669 à l’Académie: «Outre que par la triangulation, on aurait une carte, la plus exacte qui ait encore été faite, on en tirerait cet avantage de pouvoir déterminer la grandeur de la Terre avec plus de certitude que tous ceux qui y ont travaillé jusque ici ». Sur la figure ci-contre, on peut voir une portion de la triangulation de Picard, qui compte au total treize triangles (en rouge, position de la ligne méridienne). Le segment [GE] représente la distance séparant Mareuil de Malvoisine, il est encadré par une chaines de triangles dont les sommets sont autant des repères terrestres (bornes, clochers, édifices divers). Il faut mesurer physiquement sur le terrain certaines valeurs angulaires de ces triangles, puis la base de l’un d’eux, pour pouvoir en déduire la valeur des côtés des autres triangles, par l’intermédiaire de calculs trigonométriques. Picard choisit de mesurer [AB], distance séparant son repère de Villejuif (milieu du moulin) de celui de Juvisy (coin du pavillon). Fort de ses résultats, il calcule la distance [GE] et ainsi de suite pour la totalité de sa triangulation. Pour la distance totale entre Sourdon et Malvoisine, il trouve 57.060 toises du Châtelet  (Toise ancienne, matérialisée sur le mur du Châtelet, utilisée par les géodésistes, astronomes et architectes, ayant une valeur de 1,949 m). Il en déduit que le rayon terrestre mesure 6.372 km (6.357 km réels) avec une précision de 0.2%. Pour mémoire, Riccioli s’était trompé d’environ 10%.

Picard avait pris certaines précautions, quand à la toise du Châtelet, en y faisant correspondre une valeur moins discutable. Il s’agissait d’une fraction de la longueur du « pendule à secondes » (sur Terre, un pendule de longueur fixe oscille avec une période constante. Dés lors, cette longueur peut servir d’unité de référence. A titre indicatif, la demi-période d’un pendule d’un mètre de long est de 1,00030 secondes). Hormis cette mesure qui lui conféra une certaine notoriété, Picard eut l’occasion de se rendre au Danemark sur l’ile d’Hoene (Ven), où se trouvait l’observatoire d’Uraniborg. Il avait pour mission de vérifier la position de ce site, à partir duquel Tycho Brahé avait effectué ses relevés. Il eut à cette occasion la possibilité de mesurer les déplacements de l’étoile polaire qu’il avait déjà remarqués. Il relate son expédition dans Voyage à Uraniborg, paru en 1680. Il reviendra en France accompagné de l’astronome Olaüs Römer qui intègre à son tour l’Académie des sciences. Après avoir effectué quelques autres travaux à l’observatoire de Paris, l’abbé Picard tombe dans l’oubli. Il aura passé une existence consacrée à servir la science du mieux qu’il le pouvait et de manière totalement désintéressée. Newton utilisera la valeur du rayon terrestre calculée par Picard pour établir la loi de la gravitation universelle.