Jean Dominique Cassini (1625-1712)

Giovanni Domenico Cassini (1625-1712) est né à Périnaldo, dans le comté de Nice, alors sous domination génoise. Il commence ses études chez les jésuites, à Gènes, où il s’initie aux lettres, à la théologie et à la philosophie. Il rejoint ensuite l’abbaye de San Fructuoso, où il découvre la poésie, les mathématiques et l’astronomie, pour laquelle il marque un intérêt prononcé. Son attachement à cette discipline, date peut-être de l’époque où, invité à séjourner dans la maison de campagne du marquis Cornélio Malvasia, amateur d’astrologie, d’astronomie et riche mécène, il a l’occasion d’y rencontrer deux prêtres et grands astronomes, Giovanni Riccioli et Francesco Grimaldi. Avec eux, il fait ses premières pas dans l’observatoire que le marquis a fait construire et a doté des meilleurs instruments. Il effectue alors un travail reconnu qui lui vaudra en 1650 d’être choisi par le sénat de Bologne pour succéder à Bonaventura Cavaleri en tant que professeur de mathématiques. En 1652, il observe une comète et publie le résultat de ses observations. On notera que dans ce premier ouvrage, il considère encore, malgré les découvertes de Galilée, que la Terre est située au centre de l’univers. Il s’occupe également de diverses missions concernant les grands travaux et les fortifications. D’abord consulté à la demande du Pape Alexandre VII, lors de négociations entre les villes de Bologne et Ferrare, au sujet d’un canal de régulation du Pô et du Reno, il sera ensuite nommé par le pontife, « surintendant des eaux et des fortifications ». Malgré ses charges, il continue ses observations du ciel. Cassini bénéficie déjà d’une grande renommée et de revenus confortables, qui lui permettent de faire l’acquisition de nouvelles lunettes, avec lesquelles il va commencer par étudier Jupiter.

En 1665, il découvre les formations à la surface de cette planète (voir croquis ci-contre) et les utilise pour évaluer la durée de sa rotation à 9h 56mn (9h 55mn 27s réelle). Il constate également que Jupiter est aplatie à ses pôles. Il effectue un travail similaire avec Mars, dont il établit la durée de rotation à 24h 40mn, soit une précision de trois minutes. Il publie des tables des satellites de Jupiter et, pour justifier les erreurs qu’il a relevées, il émet l’hypothèse que la lumière possède une vitesse finie. Il ne poursuivra pas dans cette voie et rejettera même la découverte de Römer qui s’appuyait pourtant sur ses propres travaux. Il établit enfin une théorie (moins heureuse) sur les comètes. La réputation de Cassini devient internationale. Colbert qui souhaite mettre en place un réseau de correspondants étrangers pour la nouvelle Académie des sciences, lui propose un poste qu’il accepte. Quelque temps après, il reçoit une invitation de Louis XIV qui souhaite le voir collaborer à la construction de l’Observatoire Royal de Paris. Devant l’invitation du roi de France, le sénat de Bologne ne peut qu’octroyer à Cassini l’autorisation temporaire de quitter son territoire, tout en lui conservant pleinement ses titres et rentes.

Cassini parle un mauvais français et, d’après les témoins de l’époque, est trop autoritaire et peu enclin à faire des concessions. Lorsque son autorisation de séjour expire, le Pape et le sénat le rappellent, mais il ne tient pas compte de leurs injonctions et s’installe à l’Observatoire Royal de Paris. Il le dote des instruments les plus performants de l’époque, dont les lentilles ont été polies à Rome par l’opticien réputé Giuseppe Campani. En 1671, il prend la direction de l’Observatoire et demande sa naturalisation. Il l’obtient en 1673, sous le nom de Jean Dominique Cassini. L’année suivante, il épouse Geneviève de Laistre (fille d’un écuyer, lieutenant général et conseiller du roi). Il va alors pouvoir se consacrer pendant quarante ans à son travail d’astronome. Il découvre quatre satellites de Saturne (Japet, Rhéa, Tethis et Dioné). Il mesure la parallaxe solaire (qu’il évalue une valeur de 9,24), lors d’une opposition de Mars, en collaboration avec l’astronome Jean Richer qui effectue parallèlement l’observation depuis Cayenne. Bien que la précision de cette mesure angulaires reste faible, (de l'ordre de la demi-seconde d'arc), elle permettra cependant d’améliorer considérablement les mesures de distances au sein du système solaire.

En 1675, Cassini rend compte de ses observations de l’anneau de Saturne et apporte une explication au sujet de sa consistance. Il le prétend constitué d’une multitude de petits satellites et y découvre une zone sombre qui porte aujourd’hui le nom de « division de Cassini ». En 1679, il dessine une carte de la Lune qui fera longtemps référence. Il étudie aussi la lumière zodiacale (ci-contre) et déduit qu’elle n’est pas issue de phénomènes météorologiques, comme on le pensait alors, mais cosmiques. Cette lumière apparait au cours de nuits sans Lune, lorsque le ciel est très pur, loin de toute pollution lumineuse urbaine (ce qui était le cas au XVIIème siècle, même en plein centre de Paris). On la distingue à l’est, avant que naisse l’aurore, ou à l’ouest, à la fin du crépuscule. Elle se matérialise par une lueur en forme de triangle qui s’élève à partir de l’horizon de manière plus ou moins oblique, selon le lieu d’où on l’observe. Le qualificatif de  « zodiacale » vient du fait qu’elle se manifeste toujours dans les constellations du zodiaque. Difficile à distinguer, elle est due à la présence de fines poussières interstellaires qui se trouvent à proximité du plan orbital de la Terre et que le Soleil éclaire juste avant d’apparaitre ou juste après avoir disparu. Pour mesurer le Soleil et étudier les taches de sa surface, Cassini missionne Jean Félix Picard et Philippe De La Hire. Enfin, il entreprend de mesurer le rayon de la Terre pour améliorer la précision de la valeur connue du degré d’arc terrestre. Il achève un tracé commencé par Picard et, en 1683, il se lance dans la mesure de l’arc entre Dunkerque et Perpignan, soit environ 8° (la mesure de Picard de 1670 ne portait que sur 1° environ). La disparition de Colbert et le manque de crédits, occasionneront de multiples retards et interruptions de cette mission.

La vue de Cassini baisse rapidement. Il devient aveugle et meurt en 1712 à l’âge de quatre vingt sept ans, laissant la mesure du méridien inachevée. Son fils Jacques se charge de la poursuivre jusqu’en 1718. Fontenelle, poète et philosophe qui devint secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences écrira ces quelques lignes que j’ai extraites de l’éloge de Cassini: «Dans les dernières années de sa vie, il perdit la vue, malheur qui lui a été commun avec le grand Galilée, et peut-être par la même raison, car les observations subtiles demandent un grand effort des yeux. Selon l’esprit des fables, ces deux grands hommes qui ont fait tant de découvertes dans le ciel, ressembleraient à Tiresie* qui devint aveugle pour avoir vu quelque secret des Dieux». Jean Dominique Cassini est le fondateur d’une véritable dynastie d’astronomes qui occuperont le poste de directeur de l’Observatoire de Paris. Après lui, qui a exercé ses fonctions de 1671 à 1712, lui succéderont: Jacques (Cassini II) de 1712 à 1756, César François (Cassini III) de 1756 à 1784 et enfin, Jean Dominique (Cassini IV, dit, de Thury) de 1784 à 1793.

* Mythologie grecque: Tirésias est un devin de Thèbes dont le pouvoir et la cécité résultent de sa rencontre avec les dieux.