Giovanni Baptista Riccioli (1598-1671)
Giovanni Baptista Riccioli (1598-1671) est né à Ferrare. Dés l’âge de seize ans, il entre dans l’ordre des Jésuites au sein duquel il va successivement apprendre, puis professer les « belles lettres » la philosophie et la théologie, à Parme et à Bologne. Ses supérieurs lui demandent de se consacrer à l’étude de l’astronomie en vue de pouvoir s’opposer aux thèses de Copernic, avec des arguments autres que théologiques. Un véritable affrontement idéologique oppose en effet les tenants des différentes conceptions du monde. S’opposent ainsi, les astronomes « du nord », dont la religion protestante réfute le calendrier que Rome veut leur imposer, et les catholiques romains, qui rejettent l’héliocentrisme et n’acceptent pas de considérer les travaux de Kepler. Riccioli est donc en service commandé, lorsqu’il entreprend de remettre à plat les connaissances astronomiques. Il publie un ouvrage, fruit d’un travail considérable qu’il nomme «Le nouvel Almageste».
Je reprends ici les commentaires d'un de mes livres anciens, «Histoire de l’astronomie moderne » écrit par Jean Sylvain Bailly et publiée en 1785 : « Riccioli a rassemblé toutes les observations connues, les méthodes, les déterminations, les opinions, les explications physiques des phénomènes. Tout y est démontré ou combattu; l’antiquité est à côté des Temps modernes: c’est le dépôt des vérités et des erreurs de l’esprit humain, c’est le dénombrement, le produit de ses œuvres, et une science déjà vaste, qui est réunie en masse pour l’exposer aux yeux des lecteurs. Cet énorme recueil fut regardé dés son origine comme un trésor… Riccioli n’était pas un homme de génie; il l’a bien prouvé en dépréciant par un coup d’œil faux les grandes découvertes de Kepler, en rejetant et combattant le système de Copernic; mais il s’était enveloppé des préjugés de son temps et de son pays. S’il n’a pas atteint la hauteur de Kepler et de Galilée, il a remplacé des qualités sublimes par des qualités utiles; il a eu le courage de tout lire, de tout connaitre, de tout embrasser pour tout montrer, et en présentant un tableau complet de l’astronomie, il a mis les hommes à portée de s’instruire, de choisir mieux que lui, et de le juger lui-même». Ci-dessus, gravure du frontispice du «Nouvel Almageste » qui illustre toute la difficulté de se prononcer pour l’un ou l’autre des deux systèmes, ici représentés attachés au fléau d’une balance. Pour compléter le point de vue de Bailly, on peut puiser quelques exemples, collectés cette fois par Ferdinand Hoeffer dans Histoire de l’astronomie, qu’il publie en 1873.
Pour réfuter le système héliocentrique, Riccioli utilise une centaine d’arguments, par exemple: Copernic affirme: «Si l’univers se meut, comment la Terre seule peut échapper à ce mouvement? », Riccioli répond: «l’éther est si subtil qu’il ne peut communiquer à la Terre aucun mouvement. La Terre est si massive qu’elle reste nécessairement en place.» Copernic dit: «La Terre n’est qu’un point, comparativement à l’immensité de la sphère des étoiles», Riccioli réfute: «L’homme est le roi de la nature, c’est pour lui que Dieu a ordonné ce magnifique spectacle». Les coperniciens reprennent: «Le mouvement sera plus facile si le mobile est plus petit», Riccioli ne trouve d’autre réponse que: «Dieu est grand ! ».Les coperniciens disent encore: «L’invariabilité des distances relatives des étoiles est incompatible avec le mouvement diurne du ciel», Riccioli ne se démonte pas et cette fois peuple les étoiles d’intelligences célestes, chargées d’imprimer et de diriger ce mouvement.Selon les coperniciens : «Le Soleil occupe le centre du système planétaire.» Riccioli rétorque: «Le Soleil n’occupe pas le centre de l’orbite lunaire.» Enfin, quand Kepler écrit: «Le Soleil est la source du mouvement», Riccioli répond: «Le mouvement de la Terre supprime les épicycles des planètes supérieures.»
Comme on le constate, les efforts de ce dernier sont aussi vains que ses arguments manquent de fondements. Pensant avoir balayé toute opposition, il prétend être en mesure de prouver que la Terre est immobile. Il évoque, comme Ptolémée, le vol des oiseaux ou la course des nuages, mais le plus navrant pour un homme qui a passé une partie de sa vie à étudier les œuvres des plus grands astronomes, sera bien cette obstination dogmatique qui apparait dans ses propos: «La Terre est de tous les corps le plus grave (au sens de pesant), l’éclipse de Soleil à la mort de Jésus-Christ, fut totale pendant trois heures, l’évangile le dit. Si la Terre tournait, l’éclipse aurait duré beaucoup moins.»
Si on s’arrête un instant sur les travaux de Riccioli, davantage que sur son Almageste, on lui doit d’avoir découvert que Mizar de la grande Ourse est une étoile double et d’avoir effectué une nouvelle mesure du rayon de la Terre. Il fut malheureux dans son entreprise qui dura de 1644 à 1656. En effet, il ne sut pas tenir compte du phénomène de réfraction horizontale, alors peu connu et, de surcroit, il utilisa comme unité de mesure l’ancien pied romain, dont la longueur précise fut sujette à interprétations. Il évalua ce rayon à 10% de plus que sa valeur vraie. Il trouva pour 1° de ce rayon 62.900 toises. Les résultats de Riccioli s’avéreront plus mauvais encore que ceux de l’astronome et géomètre Snellius (1581-1626) dont il avait pourtant fortement critiqué les méthodes. Riccioli sera plus inspiré par une autre des tâches qu’il a entreprise, aidé par son disciple et ami Giovanni Baptista Grimaldi, celle de cartographier la Lune. Grace à sa lunette de quinze pieds, il arrive à répertorier prés de six cents tâches lunaires. Il réussit à établir une nomenclature qui sera largement utilisée et qui prévaudra sur celles de Van Langren ou D’Hevelius, toute deux moins complètes. Riccioli étudiera les oscillations du pendule, sans avoir alors connaissance des travaux de Galilée sur le sujet. Il constate aussi que les appendices dont est dotée la planète Saturne forment une espèce d’ellipse; ouvrant de ce fait la voie à la découverte des anneaux. Si controversées qu’aient put être ses prises de positions, relativement à son appartenance à un ordre religieux réputé rigoriste, cet infatigable travailleur laisse une œuvre importante pour l’astronomie et la géographie. Devenu infirme, il s’éteint à Bologne le 25 juin 1671.