Gerard Kuiper (1905-1973)

Gérard Peter Kuiper (1905-1973) est né à Tuitjenhorn en Hollande, son père est tailleur. Très tôt, il marque un intérêt pour l’astronomie. Fait très rare, il est doté d’une vue extraordinairement fine qui lui permet de voir à l’œil nu des étoiles de magnitude 7,5 alors que généralement, une vue normale ne permet pas de distinguer au-delà de la magnitude 6,5. Il étudie à l’université de Leide où évolue une communauté d’astronomes. Il compte parmi ses professeurs d’éminents astrophysiciens comme Willem de Sitter, Jean Oort ou Ejnar Hertzsprung, son maitre de thèse. En 1933, il obtient son doctorat grâce à une thèse sur les étoiles doubles. Aussitôt après, il embarque pour les États-Unis et rejoint l’observatoire de Lick en Californie où il devient élève de Robert Grant Aitken (médaille Bruce et médaille d’or de la Royal Astronomical Society), spécialiste des étoiles doubles. Deux ans plus tard, il quitte Lick pour l’observatoire du collège de Harvard. Il y rencontre Sarah Parker Fuller qui devient son épouse l’année suivante. Bien qu’il ait initialement envisagé de se rendre à Java pour travailler à l’observatoire de Bosscha, il entre finalement à l’observatoire de l’université de Chicago à Yerkes. En 1937, il devient citoyen américain. En 1930, lorsque Pluton fut découverte, elle était le premier objet transneptunien découvert à ce jour et considérée alors comme la planète la plus éloignée du Soleil. A l’époque, les chercheurs s’interrogeaient sur ce qu’il pouvait bien y avoir au-delà de l’orbite de Pluton, seules les comètes apportaient des éléments incomplets de réponse. Kuiper oriente ses recherches en se concentrant sur les origines de notre système planétaire.

Comme d’autres astronomes de son temps, il se demande pourquoi les dimensions de Pluton sont si modestes, alors que les planètes les plus lointaines du Soleil sont des géantes gazeuses ? Il arrive à la conclusion que Pluton n’est peut-être pas un planète, comme on l’a cru lors de sa découverte, mais qu’elle pourrait plutôt être un astéroïde. Observant méthodiquement notre système planétaire, Kuiper découvre, en 1948, un satellite d’Uranus approximativement sphérique, dont le diamètre atteint à peine 500 km et qui sera baptisé Miranda. (Ci-contre, une image de ce satellite prise par la sonde spatiale Voyager II en 1986). L’année suivante, il découvre un autre satellite (NII Nereide), cette fois gravitant autour de Neptune. Kuiper d’effectuer d’autres découvertes comme la présence de dioxyde de carbone à la surface de Mars ou de traces de méthane dans l’atmosphère de Titan, principal satellite de Saturne. Vers 1950, Jean Oort suggère que les comètes proviennent d’un gigantesque nuage sphérique, situé à mi chemin entre notre système et l’étoile la plus proche, et très faiblement lié par la gravité au Soleil. Cette théorie, justifiant la longue période des comètes, fut admise et ce nuage présumé fut nommé « nuage d’Oort ». En 1951, Kuiper écrit un document dans lequel il fait la synthèse de ses recherches et où il propose un scénario concernant les origines du système solaire. Selon lui, les planètes auraient condensé, à partir de ce qui était encore « la nébuleuse solaire », un nuage discoïde de gaz et de poussières, orbitant autour du Soleil naissant. En développant cette thèse, il étudie la distribution des masses, relativement à leur éloignement du Soleil, pour constater qu’elles augmentent jusqu’à atteindre un maximum aux alentours des planètes Jupiter et Saturne, puis qu’elle décroit au delà de l’orbite de Neptune.

Ses calculs le conduisent à l’évidence que son modèle de « nébuleuse solaire » ne dispose pas, au-delà de Neptune d’une masse suffisante de matière pour pouvoir former une grosse planète, mais qu’en revanche, fait intéressant, elle comporte assez de gaz et de poussière, pour pouvoir s’étendre suivant une répartition correcte sur une grande distance. Kuiper suppose alors que cette matière se serait elle-même « condensée » en des milliards de corpuscules de glace de taille (et donc de composition) analogue à celle de comètes. Il conclut que ces corpuscules ont été éjectés, à des distances qui le situeraient vers le nuage d’Oort, par les perturbations gravitationnelles exercées sur eux par les planètes de notre système et que leurs orbites et leur distribution serait également impactées par les champs gravitationnels stellaires. Cette répartition de matière aux extrémités de notre système est confirmée en 1992, grâce à des télescopes extrêmement puissants, capables de résoudre des objets dont les dimensions sont d’un ordre de grandeur de quelques centaines de mètres ou kilomètres et dont l’éloignement à la Terre dépasse quelques milliards de kilomètres. Le diamètre de cette formation d’environ 200 ua (deux cents fois la distance de la Terre au Soleil), prendra le nom de « ceinture de Kuiper », bien que d’autres astronomes aient émis à cette époque de semblables hypothèses. En 1957, Gérard Kuiper quitte l’observatoire de Yerkes et s’installe pour trois ans à l’observatoire Mac Donald, situé à Fort Davis au Texas.

Il continue ses observations planétaires (ci-dessus, cette image de Cornel Capa de Life magazine, le montre en train d’effectuer les dernières vérifications avant une prise de vue de la planète Mars). En 1960, il  fonde le Tucson Lunar and planetary Laboratory  (LPL), laboratoire planétaire et lunaire de l’université de Tucson en Arizona. Il en assure la direction jusqu’à sa mort et trouve enfin l’indépendance qu’il avait toujours souhaitée, sans avoir pu l’obtenir dans ses autres postes. Au LPL, Kuiper se concentre sur l’observation et l’imagerie lunaire. De 1961 à 1965, il est associé au programme spatial Ranger de la NASA , ayant pour objet de tester les procédures et les technologies qui seront utilisées pour les sondes lunaires. Ce programme permettra de recueillir des renseignements sur les caractéristiques de la surface lunaire, qui seront utilisées dans le choix  des zones d’alunissage d’engin habités (programme Apollo). On regrettera que Kuiper, disparu dix-neuf ans avant qu’un des objets dont il avait prédit l’existence ne soit découvert, ne put avoir le plaisir de voir confirmer ses hypothèses.