Cecilia Payne-Gaposchkine (1900-1979)
Après l’évocation de tous ces astronomes masculins on ne peut que se réjouir de voir apparaître en ce milieu du XXème siècle, une femme qui compte parmi les chercheurs les plus en avance en matière d’astrophysique. Cecilia Payne (1900-1979) est née à Wendover en Angleterre. C’est en 1919, durant son séjour au Newham College de Cambridge, qu’elle s’intéresse à l’astronomie après avoir écouté Arthur Eddington relater son expédition au Brésil à l’occasion d’une éclipse solaire. Lorsqu’elle avoue à ce dernier qu’elle souhaite devenir astronome, il lui répondit: «Je n’y vois pas d’objection insurmontable». Après avoir obtenu son diplôme à Cambridge, elle reçoit une bourse d’étude et décide de partir aux États-Unis, consciente qu’en tant que femme scientifique, elle y serait mieux acceptée qu’en Angleterre. Cecilia s’installe parmi les autres femmes qui travaillaient à l’observatoire de Harvard, sous la direction de Harlow Shapley. Elle commence rapidement ses investigations sur la base des spectres recueillis pour le catalogue de Draper. Grâce à une thèse qu’elle soutient en 1925 à Harvard, elle devient la première femme professeur d’astronomie. Sa thèse montre que la classification spectrale des étoiles effectuée par Annie Jump Cannon, traduit leur température, ce qui lui permet de déduire que l’hydrogène est leur principal constituant.
Elle contredit les idées communément admises à son époque au point que Henri Norris Russel, son directeur de thèse qualifie ses conclusions de « clairement impossibles ». Eddington, lui-même, lui signifie qu’elle se trompe. Tous les astronomes de l’époque pensent en effet que la totalité des objets célestes ont des compositions similaires. Cecilia Payne influencée, met à l’écart ses convictions personnelles et change la conclusion de sa thèse en écrivant que ses déductions sont fort improbables et qu’il y a de fortes chances pour qu’elle ait commis une erreur. On sait aujourd’hui qu’elle avait tout à fait raison et on peut simplement regretter la pression qu’elle reçut et qui l’a conduite à remettre en cause, dans ses conclusions, les résultats qu’elle avait su démontrer dans sa thèse. En 1932, elle entreprend un voyage en Europe et visite divers observatoires pour finir par celui de Berlin. C’est là qu’elle fait la connaissance d’un jeune astronome Russe, Sergueï Gaposchkine, spécialisé dans l’étude des étoiles doubles et exilé de son pays pour des raisons politiques. Il lui explique qu’en tant que Russe, il est devenu indésirable dans l’Allemagne dominée par l’idéologie nazie.
Décidée à l’aider, Cecilia Payne lui trouve un poste à Harvard et deux ans plus tard, elle l’épouse. De leur union naitront trois enfants. Cecilia continue d’enseigner, de donner des conférences et de publier des livres dont certains sont co-écrits avec son époux. Durant dix ans, elle assure la présidence du département d’astronomie de l’université de Harvard, poste attribué pour la première fois de l’histoire à une femme. Elle est nommée professeur émérite en 1967. A la fin de sa vie, elle rédige une autobiographie dans laquelle elle évoque la lenteur de ses promotions et ses salaires anormalement bas, comparés à ceux de ses collègues, y compris les moins compétents qu’elle. Elle conclut que la meilleure récompense de son labeur lui fut offerte par le ciel et les paysages qu’il lui permit de découvrir. Ci-contre, on la voit avec les astronomes Donald Edward Menzel et Fred Lawrence Whipple. En 2002, Jérémy Knowles, le doyen de la faculté des sciences de Harvard rend hommage à son œuvre et accroche son portrait, seul portrait féminin figurant dans le hall d’entrée de la faculté. A cette occasion, il note: «Chaque étudiant des grandes écoles sait que Newton a découvert la gravité, qu’Einstein a découvert la relativité, que Darwin a découvert l’évolution. Mais lorsqu’il s’agit de la composition de l’Univers, nos livres de cours se contentent de dire que l’élément principal est l’hydrogène. Et personne ne se demande comment on le sait…»