Construire un spectrographe rudimentaire

Les éléments composant un spectroscope de moyenne ou haute définition et les calculs permettant de les optimiser sont assez complexes pour un débutant. Toutefois, si on reste dans la perspective d’une réalisation basique, permettant de visualiser des spectres à défaut de prétendre y effectuer des mesures précises, on peut se lancer dans l’aventure. Le descriptif qui suit reprend les grandes lignes de ma réalisation très fortement inspirée par Christian Buil, une "pointure" de la spectrographie amateur que j'ai eu l'occasion de rencontrer à trois reprises. Lien: http://www.astrosurf.com/buil/us/stage/tutorial.htm
Deux options s’offrent: l’utilisation d’un réseau a réflexion ou celle d’un réseau à transmission, (moins performant mais aussi moins couteux), j’ai choisi pour ce premier prototype, la solution la plus économique, ne sachant pas encore si j’allais explorer plus en détail ce domaine. J’ai donc dessiné ce schéma basique inspiré de réalisations existantes, et qui montre le parcours de la lumière.

Selon l’expérience d’amateurs avertis, l’idéal pour le collimateur serait un 135 mm et pour l’objectif, un 50 mm. Malheureusement pour des raisons pratiques j’ai du me contenter d’un objectif de 35 mm de récupération pour l’objectif…

Principe : La lumière (1) arrive depuis la source et à travers le télescope vers l’entrée du spectroscope. Elle doit tout d’abord passer dans une fente (2) qui servira à sélectionner des portions des grands objets célestes et rendre leur lumière la plus ponctuelle possible afin d’obtenir des raies fines. Elle ne sera en revanche pas utile pour les étoiles que l’on peut considérer comme des sources ponctuelles de lumière. Derrière cette fente, on positionne un système optique appelé collimateur (3) qui renverra la lumière à l’infini sous forme d’un faisceau parallèle vers le réseau (4). Ce dernier va diffracter cette lumière en plusieurs spectres vers un deuxième système optique, l’objectif (5), qui va enfin la refocaliser vers le capteur de l’appareil photo (6) ou de la caméra. La principale difficulté dans ce montage réside dans l’alignement le plus précis possible de l’ensemble fente/collimateur/réseau et dans l’orientation correcte de l’objectif afin d’avoir le spectre de niveau 1 dans le champ du capteur.

La fente (image ci-dessous) est réalisée à partir de baguettes d’aluminium et de colle époxy. Elle ressemble à une guillotine. Le réglage de son ouverture est assurée par une vis fixée en translation sur une patte collée sur le dessus, et libre en rotation grâce à deux écrous/contre-écrous et une rondelle de friction en bakélite.
Ensuite deux morceaux de lame de rasoir sont collées de part et d’autre. Un sur la partie fixe et l’autre sur la plaquette mobile avec de la colle cyanoacrylate, en prenant soin de ne pas abimer le fil de la lame. La fente n’est pas indispensable, mais elle permet cependant de limiter la lumière de fond de ciel arrivant sur le prisme et peut contribuer à un meilleur contraste des images résultantes.

Ensuite, il faut réaliser un support (ci-dessous). Ici j’ai utilisé du contreplaqué, puis fabriqué les supports pour les objectifs et le réseau, avec des baguettes d’aluminium et des colliers pour tuyau PVC, que l’on trouve dans tous les magasins de bricolage. Il faut bien prendre soin de positionner l’axe optique à la même hauteur pour tous les éléments. Si on monte une fente, celle-ci devra être positionnée à la verticale de telle sorte qu’elle soit orientée comme les stries de la « diapo réseau » qui sont verticales.


Pour rigidifier l’ensemble, on peut enfin, mettre en place des entretoises et les coller à l’époxy, notamment entre la fente et le collimateur, dont le positionnement nécessite le seul réglage optique de l’appareil. Ce réglage doit être effectué avant de monter le réseau R et l’objectif O. Il consiste à trouver la bonne distance D entre le collimateur C et la fente F, de telle sorte que la fente apparaisse nette lorsqu’on la regarde dans le sens de la flèche blanche à l’aide, par exemple de la petite lunette de visée d’un télescope (image ci contre). Tout ceci pour s’assurer que le foyer de la lumière arrivant du télescope est bien situé sur la fente. (revoir figure page précédente). L’orientation de l’objectif O se fera en visant une source de lumière, avec l’appareil photo monté derrière l’objectif et l’œil dans le viseur de telle sorte que le spectre de niveau 1 soit totalement visible. Dans le cas de mon montage L’angle A° est d’environ 18 à 20° et fait apparaitre dans le viseur un image comparable à l’image ci-dessous, lorsque je vise une source de lumière. C’est à ce stade de la mise au point qu’on fera éventuellement pivoter légèrement le réseau pour obtenir un image parfaitement horizontale et dont les raies seront verticales, ce qui par la suite facilitera le traitement des images issues de l’appareil de prise de vue.

Le spectrographe «maison» est terminé; le plus facile pour le tester est de réaliser un spectre de la lumière solaire. Sur le spectre ci-contre, que j'ai réalisé avec ce spectrographe, on retrouve les raies en absorption (sombres) que nous avons évoquées précédemment. Au dessous, la coupe de ce spectre représentée sous forme d’un tracé, fait apparaître en creux les raies d’absorption et en relief les zones en émission. Ce type de tracé obtenu avec un simple logiciel, est basé sur l’analyse de la luminosité du spectre, les raies seront d’autant plus marquées que le rapport signal/bruit de l’image spectrale sera maîtrisé.
Ensuite, si on détaille une zone de ce spectre, (comme je l’ai fait ici, au dessous du diagramme où j’ai agrandi la zone repérée en rouge sur le spectre original), on s’aperçoit qu’il y encore un très grand nombre de raies à chacune desquelles correspond un élément chimique. C’est en particulier dans sa capacité à faire apparaitre ces raies qu’on classifiera un spectroscope de basse, moyenne ou haute résolution. Je peux ainsi mesurer les limites de mon spectrographe qui offre une capacité de résolution limitée qui le classe dans les résolutions faibles.
Juste au dessous, de ce spectre, je  montre en revanche un détail encore plus fin, issu cette fois, d’un spectroscope à haute résolution ou l’agrandissement de la zone repérée en jaune fait apparaitre de nombreuses autres raies indiscernables sur le spectre précédent.

Nous venons de voir des raies en absorption. Il nous reste désormais à visualiser des raies en émission. Ci-dessous, j’ai photographié le spectre d’une lampe à économie d’énergie que l’on trouve dans le commerce. Les bandes de couleurs sont caractéristiques des raies en émission qui sont dues à l’échauffement et à la vaporisation des éléments, sous l’effet des décharges électriques.

La photographie qui suit est une de mes premières spectrographies stellaires, réalisée sur le spectre de l'étoile Mizar de la Grande Ourse. On notera par analogie avec le spectre de référence d’une étoile de type A (au dessous), la présence des raies caractéristiques de ce type d’étoiles  (température en surface entre 8.000 et 10.000° K) et en particulier, les raies de l’hydrogène neutre ou raies de Balmer (dans le bleu) et la raie de l’hydrogène alpha (dans le rouge).

Si on traduit le spectre de Mizar sous forme d'un graphique faisant apparaitre l'intensité lumineuse En visuel, la zone entre 5.200/5.500 nanomètres (pointillés rouges) parait la plus lumineuse. La courbe d’analyse (ci-contre) établie à partir de l’image du spectre le confirme. On peut donc en déduire que cette étoile n’est ni une étoile froide car l’intensité maximale n’est pas située vers le rouge ni une très chaude car l’intensité maximale n’est pas dans le bleu.Ainsi avec un simple spectrographe de bricoleur, on peut arriver à identifier dans quelle classe se situe une étoile et en déduire ses principales caractéristiques. Nous verrons, également dans les pages qui suivent comment les analyses spectrographiques plus poussées de la lumière provenant des étoiles peuvent encore nous révéler bien d’autres informations.
Après avoir utilisé ce premier spectrographe sur des étoiles de magnitude allant jusqu’à m5, j’ai entrepris la réalisation d’un deuxième appareil avec l’espoir d’arriver à un meilleur niveau de performance. Cette fois, l’objectif de 35 mm est remplacé par un 50 mm avec une la meilleure ouverture. le 135 mm est conservé, et j’utilise un réseau par réflexion. Le schéma ci-dessous, inspiré d’une réalisation trouvée sur le site de Christian Buil, m’a servi de point de départ. Pour le boitier j’ai continué d’utiliser du contreplaqué de 10 mm, qui présente un bon rapport poids/rigidité. Ayant également trouvé les petits profilés d’aluminium faciles à travailler, j’ai conservé ce matériau pour la réalisations des autres éléments dont j’avais besoin.

Le principe de ce spectrographe n’a rien de très différent du modèle décrit précédemment. Dans la mesure où j’ai prévu de n’utiliser que mon appareil photo numérique, le capteur de ce dernier est suffisamment grand pour que la totalité du spectre visible entre dans son champ.
J’ai donc choisi de positionner le réseau sans prévoir de réglage de son orientation. L’image ci-dessous, montre ma réalisation. La totalité de l’intérieur du boitier a été recouverte de noir mat afin d’éviter tout risque de lumière parasite.

Ci-dessous, à gauche, le spectrographe (ici dépourvu de son couvercle) est monté au foyer de mon télescope. L’appareil photographique est directement relié à un ordinateur portable, afin de pouvoir décharger les images obtenues. Une première visualisation de ces images sur l’écran, permettra d’effectuer les éventuelles retouches de MAP ou les modifications de paramètres de réglage de l’APN qui peuvent s’avérer nécessaires. (à droite, détail intérieur )

Les spectres bruts 1 et 2  ci-dessous, sont obtenus respectivement avec mon spectroscope RR1 (collimateur 105 mm + objectif 50 mm + réseau à réflexion) et le spectroscope RT2. (collimateur de 50 mm et objectif 100 mm + réseau à transmission).

Ces spectres sont issus des images brutes qui sont ensuite modifiées afin de restituer des spectres selon une  même échelle. Le spectre n°1 présente clairement une meilleure dynamique, ce qui est normal compte tenu des solutions que j’ai retenues dans la réalisation du spectrographe RR1. En revanche, le spectrographe RT2, demande des temps de pose deux à trois fois plus élevés et ne conviendra donc pas pour des objets de très faible luminosité, comme les nébuleuses. Son encombrement réduit et son poids minimisé en font toutefois un instrument que j’utilise sur les étoiles les plus brillantes de manière régulière.

L’image ci-dessus, montre les spectres de référence des principaux types d’étoiles et l'image ci-dessous,  fait apparaître  les différences de proportions suivant de ces types d’étoiles.

Les principales caractéristiques physiques des étoiles sont leur température, leur gravité en surface ainsi que leur luminosité et leur masse. Les étoiles ne sont pas toutes blanches, leurs variations de coloration sont dues à la différence des températures surfaciques. Les plus chaudes sont bleutées alors que les plus froides tendent vers le rouge.
Concrètement, sur la courbe spectrale d’une étoile froide l’intensité de rayonnement la plus importante se mesure dans le rouge alors que les étoiles chaudes émettent surtout dans les longueurs d'onde bleues et violettes.