Pollution lumineuse

La pollution lumineuse est générée par les sources de lumière artificielle qui éclairent l’atmosphère pendant la nuit et rendent l’observation astronomique difficile. En France, les zones qui offrent un fond de ciel nocturne parfaitement noir sont très rares voire inexistantes.

La carte nocturne du monde (ci-dessus) est reconstituée à partir de prises de vues réalisées par un satellite. Elle illustre les ravages de la pollution lumineuse, essentiellement concentrée sur les pays industrialisés ou à forte densité de population.

 La carte ci-dessus fait apparaître une grande ville (Toulouse) où la concentration de lumières urbaines pollue à des distantes de plusieurs dizaines de kilomètres de leur source; autant dire que pour trouver un ciel acceptable, il convient de parcourir au moins une cinquantaine de kilomètres vers la périphérie de la ville. L’échelle à droite donne la correspondance entre les différentes couleurs présentes sur cette carte et les nuisances induites par la pollution lumineuse sur la qualité de l’observation du ciel depuis ces zones.

Pour réduire les effets de la pollution lumineuse lorsqu’on ne peut réaliser des observations dans les rares zones géographiques encore épargnées, il convient de distinguer le type de lumière parasite à combattre. Même si les parcs de luminaires sont en cours de renouvellement, une part non négligeable des éclairages urbains actuels fonctionnent encore avec des lampes à vapeur métalliques, à basses et hautes pressions, au sodium et de type néon. Ces lampes émettent dans des parties du spectre lumineux représentées par les colonnes en rouge sur le graphique ci-dessous.
Les colonnes vertes représentent les principales longueurs d’onde (exprimées en nanomètre: 1 nm = 1 millionième de millimètre) également appelées « raies d'émission » des galaxies, étoiles et nébuleuses que l’on veut observer ou photographier. Idéalement, il suffirait donc d’éliminer les lumières parasites représentées par les colonnes rouges. Les nébuleuses sont les cibles les plus intéressantes du fait de leur rayonnement centré autour de 500 nm et au-delà de 630 nm. Cette zone est représentée par les remplissages bleus du graphique ci-dessus. Pour bien comprendre ce graphique, il faut savoir que chaque élément constituant la matière des objets célestes émet une lumière dans une longueur d’onde spécifique. Ainsi, lorsqu’on observe le spectre de la lumière émise par un objet céleste, on peut en identifiant sa longueur d’onde, par comparaison à des longueurs d’onde connues, en déduire sa composition chimique. Sur ce même graphique, la courbe grise marque les limites de la sensibilité de l’œil humain en vision nocturne. Les lumières émises qui se situent au-delà de 600 nm ne sont donc pas perceptibles à l’œil. Sur le graphique ci-dessus, la courbe grise marque les limites de la sensibilité de l’œil humain en vision nocturne. Les lumières émises qui se situent au-delà de 600 nm ne sont donc pas perceptibles à l’œil. Seuls les capteurs d’appareils photos modifiés ou des caméras CCD permettront de les mettre en évidence. Elles sont de plus très importantes car l’hydrogène alpha (invisible à l’œil) entre en grande part dans la constitution des nébuleuses gazeuses. Seuls les capteurs d’appareils photos modifiés ou des caméras CCD permettront de les mettre en évidence. Elles sont de plus très importantes car l’hydrogène alpha (invisible à l’œil) entre en grande part dans la constitution des nébuleuses gazeuses. Les filtres interférentiels nommés «antipollution»  parviennent à éliminer sensiblement une partie des lumières émises par les éclairages urbains, grâce à des procédés de fabrication très  complexes. Ils octroient ainsi un meilleur confort d’observation dans les zones polluées en procurant un meilleur  contraste et en abaissant l'influence du fond de ciel.


En tant que membre d’une association qui lutte contre la pollution lumineuse, "ANPCEN", je souhaite évoquer ici un combat qui me tient à cœur. Celui contre cette forme insidieuse de pollution, souvent méconnue mais qui nous affecte autant que les pollutions sonores, chimiques ou visuelles. Depuis ses origines, l’homme a toujours éprouvé une peur du noir, bien que l’obscurité fasse partie intégrante de son environnement. Il n’y a guère plus de quelques décennies, lorsque la nuit tombait sur nos villages, l’obscurité reprenait ses droits et personne ne s’en plaignait. Certains d’entre nous, peuvent encore se souvenir des rares ampoules électriques éclairant nos foyers et réalisent d’autant mieux le chemin parcouru devant la profusion de moyens déployés de nos jours pour nous éclairer. Nos comportements sociaux n’ont cessé d’évoluer, l’afflux démographique des populations rurales vers les pôles urbains n’y est pas étranger.

Ci-dessus, photographie prise au Pic du Midi (2877m) d'où on distingue la polution lumineuse sur la grande plaine toulousaine et le piémont pyrénéen entre Bagnères de Bigorre (65) et St Gaudens (31).

Nos villages ont progressivement été, eux mêmes, touchés par un effet boomerang qui a vu leurs équipements « calquer » ceux des mégapoles voisines. Je ne cultive pourtant aucune nostalgie ou, pour reprendre les mots d’un illustre personnage, je ne suis pas de ceux qui, je cite: « regrettent la douceur des lampes à huile, la splendeur de la marine à voile, ou le charme du temps des équipages... ».

Cependant la surconsommation d’énergie et les dommages qu’elle occasionne à l’environnement nocturne doivent interpeller tout individu respectueux de la nature. En premier lieu, ce sont les éclairages publics urbains et les enseignes lumineuses des commerces qui causent le plus de dégâts. Bien sûr, le financement de ce gâchis se répercute directement sur nos propres impôts ou sur le prix des articles que nous achetons dans les magasins. Essayons de mieux comprendre ce qui se passe:  sur l’image ci-dessus, que j’ai prise la nuit dans la proximité de Toulouse, on voit les méfaits de la lumière artificielle sur le ciel nocturne et on constate comment, en zone urbaine, les étoiles ne sont quasiment plus visibles, seules Venus et la Lune parviennent ici à se détacher. Sur la carte un flèche noire indique le lieu d’où a été prise cette photographie.

Sur le terrain on peut constater que beaucoup de zones inhabitées sont éclairées, ce qui confirme qu’une partie de la lumière est consommée en pure perte. L'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) estime qu’en France, on pourrait réaliser près de 40% d'économie sur les dépenses d'éclairage public, si on modifiait correctement les installations existantes. Bien sûr, on trouvera toujours quelque réfractaire peu ou mal informé qui pensera que cette pollution n’est nuisible qu’aux astronomes amateurs ou autres doux rêveurs à qui ils reprocheront d’avoir plus souvent la tête dans les étoiles que les pieds sur terre. Il n’en est rien. Pourquoi alors, la plupart des observatoires astronomiques situés sur notre territoire seraient ils aujourd’hui désertés par les chercheurs? Pourquoi ces derniers devraient-ils se déplacer vers d’autres continents pour bénéficier d’un ciel encore propre. Mais il y a encore plus préoccupant: l’éclairage nocturne affecte aussi notre écosystème. Ainsi la faune et la flore font chaque nuit qui s’écoule les frais de nos excès.
L’éclairage nocturne donne aux oiseaux de plus longues plages de temps pour chercher leur nourriture, ce qui entraine une accélération de leur rythme biologique. C’est le cas des étourneaux, pigeons, rouges-gorges et rouges-queues noirs qui font parfois deux couvées annuelles. Pour les migrateurs, c’est encore plus grave car ces derniers ont besoin des étoiles pour se repérer et s’orienter lors de leurs migrations. Face aux lumières artificielles de la ville, qui ne leur permettent plus de distinguer ces étoiles, ils sont de plus en plus souvent désorientés et s’écartent de leurs routes, se perdent ou s’épuisent en dépensant une énergie indispensable à leur périple. On a vu des milliers d’oiseaux migrateurs tourner autour des sources lumineuses comme les phares côtiers, les forages off-shore ou l’éclairage des axes routiers, jusqu'à mourir d’épuisement avant de venir joncher le sol de leurs carcasses. La lumière est aussi un handicap pour la vue des amphibiens nocturnes. Des expériences ont mis en évidence que des grenouilles ne parvenaient plus à distinguer leurs proies de leurs prédateurs ou de leurs congénères.

L’éclairage urbain est néfaste pour les insectes nocturnes, comme les papillons. La lumière perturbe leurs cycles physiologiques, d’alimentation ou de reproduction. Les rayons ultraviolets émis par les lampes à vapeur de mercure les attirent. Ils tournent alors autour jusqu'à épuisement. Cette lumière attire également les prédateurs des insectes qui repèrent d’autant plus facilement leur proie. Les vers-luisants eux aussi sont perturbés par l’abondance des lumières artificielles qui annule l’effet fluorescent de l’abdomen des femelles alors plus repérables par les mâles. L’absence de fécondation qui s’en suit entraîne la disparition de l’espèce. Ces coléoptères ont pourtant un rôle important dans la chaine alimentaire. Ils se nourrissent du nectar de certaines espèces de fleurs et contribuent ainsi à leur pollinisation. Autre exemple, en Floride, où se situe le site de reproduction principal des tortues marines « caouannes ». Les jeunes tortues naissent en général la nuit sur les plages et se ruent vers la mer attirées par sa brillance. Mais, déviées par les lumières artificielles du littoral, elles se retrouvent sur les routes et meurent de déshydratation, de fatigue ou écrasées par les voitures.

Pour les chauves-souris, il en va de même. Sur les trente-trois espèces répertoriées en France, seul le murin à oreilles échancrées tolère la présence de lumière dans son gîte. Les autres chiroptères désertent les clochers, les bâtiments, les cavités, lorsque les accès de leurs zones de repos sont éclairées. De ce fait, certaines espèces ont totalement disparu des régions urbanisées. Ces perturbations concernent de nombreux aspects de la vie des animaux, les déplacements, l'orientation, et aussi les fonctions hormonales qui dépendent des durées respectives du jour et de la nuit. Au niveau de la flore, les éclairages artificiels sont également nocifs. De récentes études montrent que des espèces végétales exposées souffrent d’une dégénérescence précoce. Les travaux réalisés à ce jour sur les nuisances dues à la pollution lumineuse  sont encore insuffisants et prouvent que les autorités n'ont toujours pas pris la mesure de cette menace d’ampleur planétaire.

 La lutte contre les excès de pollution lumineuse est aussi un combat contre les gaspillages énergétiques qui s’inscrit dans la prise en compte des impératifs relatifs au développement durable. En dix ans, le nombre de points lumineux a augmenté de 30% en France (sans commune mesure avec l’évolution des superficies habitées) contribuant à l'augmentation de la pollution lumineuse et au gaspillage d'énergie. L'éclairage  public représente 37% des dépenses en électricité des municipalités françaises, soit une dépense de 7,1€ dépensé par habitant en moyenne.

• Selon l'ADEME,la France compte environ 9 millions de lampes destinées à l'éclairage public des villes et campagnes, ce qui représente 1.3 MW, soit l'équivalent d'un réacteur nucléaire.

• L'éclairage public constitue pour les communes, plus d'un tiers la facture globale d'électricité. Dans les années 1990 la consommation d'électricité liée à l'éclairage public était estimé à 70 kWh par an et par habitant, dans les années 2000 ce chiffre atteignait 90 kWh/an/habitant

• Entre 30 et 50% de la lumière diffusée par lampadaires existants passe en pure perte ( éclairage vers le ciel). Dès 2008, l'Ademe estimait qu'à niveau d'éclairage au sol identique, un choix judicieux de lampadaire permettait d'économiser 40% de la consommation d'énergie.

Des moyens simples existent pour la limiter. En premier lieu, lors de l’installation de nouveaux lampadaires ou de leur renouvellement, il suffit de choisir des lampadaires bien conçus et de surcroit pas plus couteux. On ne doit pas ignorer qu’il existe un véritable marché de la peur du noir, soutenu par un discours sécuritaire servant à justifier des dépenses en éclairage sans cesse croissantes. Les statistiques communiquées par les polices européennes sont pourtant peu probantes à cet égard. Elles montrent qu’un accroissement des éclairages routiers induit une accélération du trafic qui paradoxalement augmente les risques. Quand aux actes de délinquance en question, je pense simplement à ce sujet qu’il est bien plus confortable pour les pouvoirs concernés de les imputer au manque d’éclairage plutôt que de reconnaitre une quelconque responsabilité dans les carences de mise en place de mesures préventives.

Les collectivités ont donc leur part dans cette problématique, d’autant qu’en quête de développement touristique, elles persistent à mettre en valeur leurs sites patrimoniaux ou naturels par de puissants éclairages nocturnes sur leurs lieux et monuments remarquables. En réalité, une importante part du gâchis de kilowatts est le fait d’un lobbying acharné des fabricants de matériel d’éclairage envers les pouvoirs publics et les élus locaux. L’inadéquation entre dépense énergétique et besoins réels stigmatise cette fuite en avant des gaspillages.
Heureusement des responsables politiques qui ont compris les enjeux de ces nouveaux défis s’engagent dans la lutte contre la pollution lumineuse, prise en compte dans le « Grenelle de l’environnement ». Les pouvoirs politiques régionaux sont eux aussi impliqués dans la lutte contre cette pollution et les communes signent des chartes. J’ai pu le constater par exemple le 11 juin 2009 en me rendant à l’observatoire du Pic du Midi. Les autorités politiques de la région Midi-Pyrénées ont choisi ce lieu symbolique de la chaine pyrénéenne, perché à prés de 3.000 mètres d’altitude, pour montrer leur attachement à préserver le ciel nocturne. Ainsi, le président de région, les maires de Toulouse, Tarbes, Bagnères de Bigorre, la présidente du conseil général, le préfet de région et des personnalités reconnues du monde scientifique ont signé une charte les impliquant dans la limitation des pollutions lumineuses. Je recommande vivement aux personnes qui se sentent concernés par ces gaspillages qui occasionnent de la pollution lumineuse ou par la pollution lumineuse elle-même, de visiter le site internet de l’association : http://www.anpcen.fr

Remarque importante: Depuis quelques années se développe les éclairages à base de LED. Sous couvert d'économies d'énergie (biens réelles), les municipalités se dégagent une capacité d'accroissement de leurs parc d'éclairage urbain, sans coût énergétique supplémentaire. La tentation dès lors est grande d'augmenter le nombre de point lumineux par habitant, c'est à dire la pollution lumineuse.  Autrement formulé:  On sait éclairer (polluer) davantage tout en consommant moins !  Il devient donc urgent de décorréller l'évaluation de la pollution lumineuse avec la consommation électricité.