Fabrication d'une lunette d'initiation

La découverte d’un domaine comme l’astronomie passe tôt ou tard et inévitablement, par l’utilisation d’un instrument d’observation. Les instruments que l’on trouve dans les commerces spécialisés sont parfois trop coûteux pour qui dispose de moyens limités, d’autant qu’avant d’acquérir un télescope, je ne saurais trop conseiller de se familiariser avec ce type de matériel. Le choix lors de l’achat n’en sera que plus pertinent, d’une part en fonction des objets que l’on désire observer et d’autre part en fonction des techniques que l’on compte mettre en œuvre. Par exemple, les instruments de courtes focales recommandés pour observer les grandes formations du ciel profond seront inadaptées à l’observation des nébuleuses planétaires.

Pour ma part, j’ai réalisé plusieurs lunettes astronomiques avant de faire ma première acquisition. Outre les connaissances techniques élémentaires que cela apporte, la réalisation de tels instruments permet, entre autre, de se familiariser avec les différents aspects de cette discipline. Je dois avouer également qu’il y a un attachement particulier vis-à-vis de l’instrument avec lequel on aura découvert ses premiers objets célestes.
J’ai choisi ici de décrire la réalisation d’une lunette dont le prix de revient est modique (photo ci-dessus) . Les éléments suivants correspondent à ceux qu’il faudra se procurer avant de commencer la réalisation de cette lunette de 70 mm de diamètre avec une focale de 400 mm, ce qui permet une utilisation très polyvalente, et permet de commencer l’observation des plus grosses planétes (Lune, Jupiter, Saturne) et celle du ciel profond (quelques nébuleuses et galaxies).

Éléments nécessaires:
1 Doublet achromatique (ci-contre) qui servira d’objectif et qui a pour avantage de réduire les aberrations chromatiques davantage qu’une simple lentille.
1 Porte oculaire avec son mécanisme de mise au point.
1 Oculaire entre 15 et 36 mm.
1 Renvoi coudé à 90° aussi nommé redresseur terrestre. Cet élément n’est  pas indispensable pour l’observation astronomique mais il s’avèrera bien pratique pour l’observation terrestre.
A partir du moment où l’on dispose des trois premières pièces, rien ne s’oppose plus à ce que l’on commence la réalisation de la lunette. Il suffira encore de récupérer:
1 Tube PVC diamètre 80 mm. La taille du tube sera fonction du diamètre et de la focale du doublet achromatique utilisé. Dans notre cas, sa longueur initiale sera de 50 cm environ. Bien sûr, on peut envisager l’utilisation d’autres matériaux, en fonction des disponibilités.
2 manchons PVC pour tube 80 mm (ils vont nous servir à fixer l’objectif et le porte oculaire)
2 ou 3 colliers de fixation pour tube PVC que l’on utilisera pour maintenir la lunette sur son support.
1 tube de colle  PVC, 1 grande feuille de papier noir mat assez rigide, 1 cutter, quelques feuilles de papier millimétré, un ciseau, de la colle à papier et du ruban adhésif…

Il est recommandé de savoir bricoler un minimum, car en dehors de quelques règles de base, que j’expose ici, il n’y a aucun impératif et surtout aucune raison de limiter son imagination. On peut en effet "customiser" son instrument à souhait et apporter une multitude de solutions originales pour sa réalisation.

Dans le cas de notre lunette 70/400mm: Que signifient diamètre 70 mm? et Focale 400 mm ? Le schéma ci-dessous permet de mieux  comprendre:
70 mm est le diamètre de l’objectif. Ici il s’agit d’un doublet composé de deux lentilles, la seconde lentille ayant pour objet la correction de l’aberration chromatique.
400 mm caractérise la longueur focale, c’est-à-dire, que la distance F qui sépare l’objectif et le plan focal où la lumière sera focalisée. Il ne restera plus alors qu’à positionner un oculaire à ce niveau pour commencer à observer. Cette lunette a donc un rapport f/D de 5,7


Le modèle d’objectif utilisé est généralement vendu monté sur un support en matière plastique. Ici, le diamètre de la bague est de 75 mm. Afin d’augmenter le diamètre jusqu’à 77 mm, pour le fixer sur la partie avant du manchon PVC, j’ai entouré la partie encastrable de la bague de plusieurs tours de ruban adhésif sur la totalité de la portée, jusqu’à obtenir le diamètre voulu (77 mm environ).

Il conviendra pour conserver un bon centrage de faire avec le ruban adhésif un nombre entier de tours et de couper ce ruban à l’endroit même où on a commencé à le placer. Bien d’autres solutions sont possibles. L’objectif est maintenant prêt à être positionné.

Le Manchon en PVC (2) va permettre ultérieurement de solidariser le bloc optique avec le tube (3), il suffit d’insérer l’objectif (1) dans le manchon (2) jusqu’à être en butée sur la collerette intérieure indiquée par une flèche bleue. (Les numéros utilisés pour identifier les différentes parties sont les mêmes sur les schémas et les images).

Pour le porte oculaire (6), on prépare de la même façon la portée cylindrique qui viendra s’insérer dans le deuxième manchon PVC (5). Ces deux opérations achevées, il convient d’ajuster la longueur du tube, comme je le montre à la page suivante. Pour cela, on devra positionner l’oculaire (7) sur le porte oculaire (6) et insérer éventuellement le renvoi coudé.

Lorsque les deux principaux éléments sont assemblés sur les deux manchons, il faut passer à une opération un peu plus délicate. Pour la mener à bien, il est nécessaire de préparer un petit banc de mise au point, constitué d’une simple planche de bois sur laquelle on fixera l’ensemble objectif / manchon à une extrémité. On peut utiliser par exemple du ruban adhésif. Au besoin on utilisera également des cales d’épaisseur.
Ensuite on disposera sur l’autre extrémité de notre planchette et dans le meilleur alignement possible de l’axe optique (ici en traits discontinus rouge) l’ensemble oculaire/renvoi coudé/porte oculaire/manchon, comme l’indique le schéma ci-dessous:

L’opération consiste ensuite à déplacer le long de la planche, l’ensemble oculaire / renvoi coudé / porte oculaire, selon un mouvement de translation, matérialisé par la flèche verte. On fera glisser cet ensemble jusqu’à ce qu’un objet visé apparaisse le plus net possible à l’oculaire (7). On prendra en général un objet peu distant, en ayant soin de régler au préalable le cylindre coulissant du porte oculaire en position sortie maximale (En effet, la plage de mise au point pour des objets plus lointains et jusqu’à l’infini sera obtenue à partir de ce point avec la molette de mise au point du porte oculaire). Cette opération nécessitera probablement de s’y reprendre plusieurs fois, mais en revanche vous aurez le plaisir de découvrir que l’ensemble oculaire/objectif fonctionne.

Une fois le point de netteté trouvé, il suffit de tracer des repères (R1 et R2) sur la planchette. Ensuite il faut mesurer la distance D séparant ces deux repères. Cette distance servira à déterminer la longueur séparant les deux manchons PVC. Attention cette distance D n’est pas une distance focale, mais simplement une longueur de référence à laquelle on rajoutera les longueurs d +d’ pour trouver la longueur totale à laquelle on devra tailler le tube.
Quel que soit la variante ou le mode d’assemblage choisi, vous devrez donc vous assurer de conserver cette longueur D entre les deux mêmes éléments, lorsqu’ils seront montés sur le tube (Ici la distance entre les deux bords des manchons PVC). Généralement cette phase nécessite quelques petits calculs, additions et soustractions; au besoin, tracez un schéma de votre montage pour ne pas oublier de prendre en compte les parties encastrées ou les chevauchements. Un seul impératif D  doit être le même sur votre lunette assemblée que celui repéré sur votre banc de montage.
Après avoir effectué vos calculs, vous pouvez tailler le tube PVC à la bonne dimension et vous rapprocher de la minute de vérité . Encastrez les deux manchons PVC sur le tube et, si vous n’avez pas fait d’erreur de report de mesure, votre lunette va vous permettre des observations immédiates. Ne vous en privez pas… ce sont des moments forts que ces premiers instants ou l’on vise un objet avec la lunette que l’on vient de réaliser.

La lunette fonctionne. Nous allons maintenant aborder une phase qui lui permettra de devenir encore plus performante. En effet notre tube PVC est traversé par la lumière depuis l’objectif jusqu’à l’oculaire. Il se trouve que cette lumière doit non seulement être canalisée mais également « nettoyée » de certains parasites. Dans un premier temps, un revêtement noir mat à l’intérieur du tube améliorera le résultat à l’oculaire, mais on peut encore faire mieux en utilisant une technique appelée bafflage. Cette technique consiste à réduire les réflexions parasites qui se produisent dans le tube, grâce à des baffles qui bloquent le passage de la lumière en dehors du « cône de lumière ». Pour cela je procède de la manière suivante, certes un peu empirique, mais qui permet de réaliser un bafflage minimal. Sur des feuilles de papier quadrillé, assemblées de telle sorte qu’on puisse y dessiner notre lunette en entier et à l’échelle 1/1, (soit un peu plus de 400 mm) on dessine un rectangle vertical (1) dont la hauteur est égale au diamètre de l’objectif (80 mm) puis on dessine un autre rectangle vertical (2) représentant l’oculaire (compter environ 25 mm). Les deux rectangles seront éloignés d’une distance égale à la focale de l’objectif soit  f=400mm. Dans ces schémas, les traits bleus représentent le « cône de lumière » de notre lunette. Afin de pouvoir trouver l’emplacement du premier baffle, on trace (en rouge sur le premier schéma) une ligne allant du haut de l’intérieur du tube (A1) au bas du cercle oculaire (B). L’intersection (X1) entre cette ligne rouge et le cône de lumière (trait bleu) donne la position (L1) et le diamètre (D1) du premier baffle. Pour le deuxième baffle, (deuxième schéma), tracer, à partir du bas de l’objectif (C), une ligne qui affleure le bord intérieur du premier baffle en X1 comme le montre le trait vert. Ensuite à partir du point de contact (A2) de cette ligne avec l’intérieur du tube, on finit le tracé en rejoignant le bas du cercle oculaire (B). L’intersection de cette deuxième ligne verte avec le cône de lumière (trait bleu) donnera en X2 la position (L2) et le diamètre (D2) du deuxième baffle. Et ainsi de suite pour les autres baffles. Cette méthode vaut pour toutes les longueurs focales, plus cette dernière étant grande plus le nombre de baffles nécessaires augmente.

Après avoir trouvé la position et le diamètre intérieur des baffles, une solution consiste à réaliser 6 anneaux (2), représentés en bleu sur le schéma, avec des chutes du tube PVC qui, une fois fendues et légèrement réduites viendront s’emboiter dans l’intérieur du tube (1) pour y servir de cale de positionnement des baffles (3) réalisés aux diamètres intérieurs respectifs (D1, D2, D3) avec un compas équipé d’une lame de cutter, sur un papier noir rigide (4). Après avoir peint à la bombe, l’intérieur du tube et les anneaux, on positionne ces derniers de telle sorte que L1, L2, L3 soient respectés comme le montre le schéma ci dessous. Le montage se fait de bas en haut.

Avant de passer à l’assemblage définitif on peut peindre les parties extérieures du tube PVC et les manchons, afin de donner un meilleur aspect à l’ensemble. Deux ou trois colliers seront ensuite fixés sur une embase qui dépendra de la nature du pied ou de la monture que l’on utilise. Il n’y a pas de solution unique dans ce type de montages mais bien de multiples variantes dépendant de l’astuce ou de l’imagination de chacun.

Image prise avec un EOS 7D  sur cette lunette 70/400 (simplement recadrée).