Mon parcours

Adolescent, je rencontre Raymond Mialaret (1890-1983) et passe avec lui de longues heures à bavarder librement, tant il sait occulter l’âge qui nous sépare. Il m’invite à dépasser ma déférence et laisse ainsi s’établir entre nous de véritables échanges. Je lui rends visite aussi souvent que possible plus particulièrement entre 1970 et 1976. Nous sommes dans son atelier à Pleaux dans le Cantal, lorsque sa part naturaliste, m’initie à la botanique et à la mycologie. En référence à Jean Henri Fabre, il me décrit le monde des insectes, leurs mœurs ou leur organisation "sociale" (Ainsi les "bestioles" n'ont cessé de me passionner. A ce titre, je vous invite à visiter mon site dédié aux collemboles) Abordant la géologie, il m’incite à arpenter le terrain à la recherche de minéraux. Lorsque je deviens collectionneur, il m’aide à identifier mes trouvailles, tandis que s’entassent chez moi, des fioles d’échantillons baignant dans le formol ou que sèchent mes herbiers sur des étagères croulant déjà sous le poids des minéraux et fossiles. Lorsque nous devenons familiers, il lève un voile en me faisant découvrir les ébauches de ses poèmes. A l'aise avec le grec et le latin, il m’impressionne lorsqu’il déclame, non sans excitation et toujours avec emphase, des textes qu’il traduit à la volée. Durant ses études, il a obtenu un prix de dissertation philosophique, en traitant brillamment de la «science des causes»*. Membre de l'Académie des Jeux Floraux de Toulouse, il publia plusieurs ouvrages de poésie. Il était également musicien et peintre confirmé. Ils savait fort bien que l'étoile du Berger était une planète et que d'autres astres "errants" gravitaient eux aussi autour du Soleil, il connaissait quelques astérismes, mais son ciel était bien plus celui du poète que celui de l'astronome. Il me fit enfin découvrir de nombreuses formes d’expression artistique, mais c’est bien sa facette naturaliste qu’il me transmit à jamais, afin que j'apprenne à observer, respecter et aimer profondément "l’œuvre" qu’il qualifiait de majeure qu’est la Nature qui nous entoure.

Je dois à Raymond Mialaret d’avoir éveillé en moi une flamme qui, restée en sommeil durant des décennies, se réactiva lorsqu'à l'âge adulte, les aléas de la vie me conduisirent à mettre prématurément un terme à une activité qui consommait par ailleurs l’essentiel de mon temps et de mon énergie.

Cet épisode inattendu devint opportunité, lorsqu'en septembre 2006, je rencontre Franck Vaissière, astronome amateur qui m'aide activement à découvrir l’astronomie, domaine qui m’avait toujours intrigué, sans que je trouve du temps pour m’y investir. Ce nouvel apprentissage me passionna. Percevoir l’immensité qui nous entoure me fit réaliser à quel point l’Univers au sein duquel nous évoluons nous est étranger. Ressurgit alors en moi la passion qui m’animait, lorsque Raymond Mialaret m'alertait contre les sirènes du matérialisme envahissant et m’invitait à ressentir l'intemporalité de la Nature, face à tous ces détails éphémères et inconsistants qui comblent les vides de nos existences. Je foulais donc à nouveau les nobles chemins qu’il m’avait un jour éclairés et réalisais un peu tard que j'avais perdu une partie de mon existence à défendre des intérêts qui n'étaient pas les miens et qu'ainsi, à œuvrer sous contrainte ou sans passion, l'homme est irrémédiablement voué à l’échec.

Je souhaitais évoquer une autre personne sans qui, je n’aurais jamais osé entreprendre toutes sortes d’expériences. En effet, si les richesses de la Nature ou les méandres de la pensée humaine ne cessaient d’attiser ma curiosité, je souhaitais également acquérir des notions plus pratiques. Heureusement, j’avais à mes côtés mon grand oncle Abel qui sut faire preuve de patience et qui consacra le temps nécessaire à mes apprentissages avec une bienveillance sans limite. Il faisait, à mes yeux, figure de pionnier.

En 1916, il travaillait dans l’usine Gabriel Voisin d’Issy-les-Moulineaux où il était affecté, en tant que mécanicien-ajusteur, à l’atelier de mise au point des prototypes d’avions de chasse de la première guerre mondiale. Autodidacte, il s’intéressait  à la radioélectricité, alors à ses débuts industriels. Reconverti dans la mécanique automobile, il délaissait souvent son activité pour cultiver sa passion pour la « TSF », dans un petit réduit qu’il avait aménagé au sous-sol de sa maison. A la fin des années 1960, il abandonna définitivement son activité pour se consacrer à la « radio ». Tout naturellement, je pus satisfaire ma curiosité dans ce domaine. Il disposait dans son atelier de réparation d’un imposant matériel de mesure. Mes vacances scolaires, furent autant d’occasions d’apprendre à sonder des circuits, étalonner des oscillateurs, aligner les différents étages de récepteurs superhétérodyne, tester les valves, triodes et pentodes ou les délicats semi-conducteurs qui venaient alors d’apparaitre. Je construisis mon premier oscillateur à lampe qui me valut quelques remarques de la gendarmerie voisine, dont je perturbais involontairement les fréquences. J’accompagnais aussi mon grand-oncle lorsqu’il installait les premiers téléviseurs chez ses clients, je grimpais avec lui sur les toitures pour orienter les antennes à l’aide d’une boussole et d’une carte. Il m’apprit à identifier divers composants et à comprendre leur rôle dans un montage, m’offrit mon premier fer à souder, un contrôleur Metrix en bakélite noire et une encyclopédie de radio-électricité. Je pris des cours d’électronique par correspondance et réalisais des circuits expérimentaux ainsi que mes premier appareils de mesure, oscilloscope, générateurs... J'avais à peine une quinzaine d'années lorsque mon grand oncle  n’hésita pas à me confier les «rennes » de sa deux-chevaux, que je conduisis en toute illégalité jusqu'à  l’âge de passer mon permis de conduire. Lors de mon entrée au lycée, je fus orienté vers une formation technique. J’avais manifesté le désir d’aborder des études littéraires, mais personne ne voulut ou ne fut en mesure de m’entendre. La technologie ne me déplaisait pas pour autant, mais j’avais compris qu’elle ne saurait à elle seule me satisfaire, dans le sens où elle ne représenterai jamais qu’un moyen. 

A droite, Franck Vaissière filmé par la télévision iranienne durant une missions scientifique au Moyen-Orient à l'occasion d'une éclipse totale en juin 2004.

Lorsque j'ai connu Franck Vaissière, je ne disposais que d'une paire de jumelles, avant de me décider à fabriquer un instrument d’observation plus puissant. Pour une poignée d’euros, je me suis procuré une lentille optique qui m'a permis de réaliser ma première lunette avec laquelle je "découvris" les anneaux de Saturne. Ce soir là, grand moment d’émotion, toute la famille scrutait le ciel. J'appris ensuite à utiliser des cartes célestes et fus en mesure d’observer la nébuleuse d’Orion, la galaxie d’Andromède, les reliefs lunaires et même, fait plus rare, une comète. Désirant ne pas en rester là, je fis l’acquisition d’un télescope Schmidt Cassegrain de 203 mm et d’une monture motorisée et plus tard d'une petite lunette apochromatique. Parallèlement, je me suis documenté tout en consignant, comme à mon habitude, tous mes apprentissages, afin de pouvoir y revenir ou les partager un jour. C'est précisément cette idée de partage qui m'a conduit, courant 2016 à réorganiser mes notes et à les illustrer afin de pouvoir les utiliser sur ce site internet qui comprend trois rubriques:

1) Eléments d'astronomie pratiques.
2) Eléments biographiques.
3) Eléments bibliographiques

Conscient que ces trois volets ne font qu'effleurer certains aspects de ce vaste domaine qu'est l’astronomie, j'ose croire que le visiteur non averti ne les trouvera pas rébarbatifs et que celui qui serait rompu à cette discipline n'y trouverait pas qu'un simple verbiage superficiel.

L'astronomie fait appel à des connaissances ou à un matériel souvent complexe, qui ne sont à mes yeux que des moyens pour contempler le ciel. Chaque fois que j’observe, je prends le large et m’éloigne de l’emprise du quotidien pour ressentir l’omniprésence de l’élément. Depuis le Big Bang, les plus élémentaires particules se sont organisées pour occuper l’espace sidéral et constituer tout ce qui existe (à l'exception cependant de l'information qui, bien qu'existant, demeure immatérielle). A ce titre, ayons conscience de n'être rien d’autre que des amalgames de poussières stellaires, tout comme les galaxies que nous observons. Cependant il est une singularité de taille, qui nous caractérise: celle de faire l’objet d’un extraordinaire agencement qui nous permet de nous émouvoir devant cette entité qu'est l'Univers.

* En métaphysique, depuis les philosophes présocratiques et en particulier à partir d'Aristote, la "Cause première", aussi nommée "Premier Principe", est la première de toutes les causes, c'est-à-dire la plus ancienne ou la plus profonde, celle responsable de l'ordre de l'univers.