La spectrographie

Isaac Newton a montré, en utilisant un prisme, qu'on peut décomposer une lumière en somme de lumières élémentaires (schéma ci-contre). Joseph Fourier, un mathématicien français vivant à la même époque, a trouvé que ces lumières élémentaires sont de simples ondes définies par trois valeurs: leur fréquence, leur phase*, et leur intensité. La fréquence correspond à la couleur et l'intensité à la brillance. Ainsi, une lumière donnée est une somme de lumières simples de fréquence et d'intensité différentes.
La relation entre ces fréquences et la luminosité qui leur correspond s'appelle un spectre. La lumière qui nous parvient des astres lointains ne nous permet pas toujours de reconstituer leur forme. Par exemple, on n'a pas aujourd’hui de véritable image des étoiles. Mais leur lumière fait le chemin jusqu'à nous sans que son spectre soit transformé. Ainsi on retrouve dans leur lumière, quasiment toutes les informations qu'on pourrait avoir en les observant de près.

Le spectre de la lumière visible est représenté en bas de la figure ci-contre. On constate que ce rayonnement ne représente qu'une faible partie des radiations qui s'étendent des rayons gamma jusqu'aux ondes radio et aux TBF (trés basses fréquences).

La spectrographie se propose d'étudier cette petite plage de lumière visible à partir de la lumière émanant d’un objet et d'en mesurer différentes caractéristiques physiques:
- Sa température, (fonction de Planck* - voir schéma ci-dessous) 
- Sa constitution, grâce aux raies propres à chaque élément. 
- Ses teneurs en divers éléments, par la mesure comparative de l'intensité des raies d'un élément par rapport aux autres.
- La pression qui règne dans la zone absorbante, par la mesure de l'élargissement des raies de l'ensemble des éléments présents. 
- L'existence d'un champ électrique et son importance, par l'observation du dédoublement des raies de l'Hydrogène (effet Stark). 
- Sa rotation (dans le cas d'un astre qui tourne sur lui-même ou d'un système en mouvement) mesurée grâce à l'inclinaison des raies de l'ensemble de son spectre due à l’effet Doppler. 
- La direction de sa vitesse radiale. Le fait qu’elle s’éloigne déplacera son spectre vers le rouge, alors que si elle se rapproche ce décalage sera en direction inverse (encore l'effet Doppler). C'est cette propriété qui, appliquée aux galaxies lointaines, a permis de mettre en évidence l'expansion de l'Univers.

* Max Planck qui étudiait un «corps noir» a découvert que la quantité de radiations émises par ce dernier ne dépendait que de la température et de la longueur d’onde de ce rayonnement. Dans un «corps noir» tout rayonnement est totalement absorbé et vient augmenter son énergie interne. C’est comme un radiateur parfait, dont le rayonnement ne dépend que de son énergie propre (sa température). Dés lors l’étude d’un spectre, mise en relation avec l’équation (la courbe) de Planck, permet de calculer la température de la source en mesurant uniquement l’intensité d’énergie lumineuse reçue (axe vertical de la courbe ci-dessus).

Remarque importante concernant l'observationnel: Dans la courbe de Planck, la longueur d’onde la plus généreuse à la température T donnée est égale à 2,898*10-3/température = Longueur d’onde la plus abondante, selon la loi de Wien.
La température de la photosphère du Soleil est de 5800 Kelvins, la longueur d'onde dominante d'après Wien devrait donc être 2,898*10-3/5800=500 nanomètres. Or, d'après les spectres de l'illustration ci-dessus, 500 nanomètres nous donnent un fort joli bleu-vert, un peu plus vert que bleu... à gauche du jaune alors que nous voyons le Soleil jaune ! Comment cela se fait-il ? La réponse est simple, notre œil n’est pas très sélectif et, s’il est un très mauvais analyseur spectral, c’est en revanche un assez bon intégrateur qui enregistre simultanément l’ensemble des fréquences voisines de ces 500 nanomètres dominants, tout en étant plus sensible vers le rouge que vers le bleu. Le mix de toutes ces fréquences nous donne le jaune que nous voyons. Vos yeux font de l’intégration spectrale comme Monsieur Jourdain faisait de la prose.


J'ai réalisé le croquis ci-contre, pour montrer schématiquement comment se produit l’émission de lumière, à partir d’un atome. Lorsqu’un de ses électrons perd de l’énergie, il passe alors sur une couche atomique inferieure (EL plus proche du noyau) en émettant un photon. Inversement l’électron d’une couche inférieure recevant de l’énergie (photon) passera sur un niveau supérieur (EM) plus éloigné du noyau .

La spectrographie est particulièrement utile en astronomie. Plus de 90 % des informations dont on dispose sur les étoiles proviennent de leur analyse spectrale. Dés lors, l’amateur peut légitimement avoir envie d’aborder ce domaine.

Malheureusement un spectrographe haute définition dédié à la spectrographie stellaire coûte plusieurs milliers d’euros dans le commerce. En revanche, il est toujours possible d’envisager la fabrication d’un instrument  plus élémentaire qui permettra déjà de recueillir des informations intéressantes. Deux savants allemands, Robert Bunsen et Gustav Kirchhoff, ont analysé les premiers la lumière du Soleil et de déterminer sa composition chimique dés 1865. Depuis, les spectrographes ont considérablement évolué et nous permettent désormais d’analyser de nombreuses formes de rayonnement. Ils nous apportent une multitude d'informations sur la source elle même, mais aussi sur la matière pouvant se trouver entre cette source et nous.

Ci-dessus, un spectre brut de Alpha Canis Major de la constellation du Grand chien (plus connus sous le nom d'étoile Sirius) que j'ai réalisé avec un spectrographe de ma fabrication. Ce spectre met en évidence des raies en absorption (flèches). C'est l'étude de ce type de raies qui permet de déterminer à quelle classe appartient cette étoile.

En astronomie les spectrographes utilisés aujourd’hui sont des spectrographes à réseau. Le réseau est un plaque de verre sur laquelle sont gravées des stries parallèles au nombre d’une centaine à plus d’un millier par millimètre. Ces stries, comme autant de petits prismes diffractent la lumière en donnant, de part et d’autre de l’image centrale, des spectres distincts pour chaque longueur d’onde.

En pratique un réseau décompose la lumière en plusieurs ordres, comme le montre l’image ci-dessus. Les ordres sont numérotés de 1 /-1,  2 /-2 etc. Généralement les bons réseaux sont «blazés» (optimisés) pour un niveau donné et y concentrent un maximum de la lumière. Le réseau en verre que j’utilise dans mon spectrographe comporte 600 stries au mm et est blazé au niveau 1, ce niveau sera celui que je photographierai pour obtenir des images de spectres.

Les trois schémas ci-contre illustrent les lois de Kirchhoff:

(en haut) Spectre continu d’une source de lumière blanche.

(au centre) Spectre d’un gaz chauffé avec ses raies d’émission spécifiques.

(en bas) Spectre comprenant des raies sombres, dites en absorption où la masse gazeuse située entre la source blanche et le prisme modifie le spectre en absorbant les raies qui correspondent à sa composition chimique.

En astronomie, c’est le cas des nébuleuses, situées entre une étoile et l’observateur. Le spectre fera apparaitre des raies qui, comparées avec des spectres d’éléments connus, permettront de déterminer leur composition.